aller au contenu

Avis 2024/04

 

Avis n° 2024/04 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif à l’adaptation des heures d’ouverture des guichets de la SNCB dans les gares, rendu à la suite de la séance plénière du 19/03/2024.

Avis rendu d’initiative par le CSNPH.

 

1. AVIS DESTINÉ

  • Pour suite utile à monsieur Georges Gilkinet, Vice-Premier ministre et Ministre de la Mobilité
  • Pour suite utile à madame Sophie Dutordoir, CEO de la SNCB
  • Pour information à madame Karine Lalieux, Ministre des Pensions et de l’Intégration sociale, chargée des Personnes handicapées, de la Lutte contre la pauvreté et de Beliris
  • Pour information à Unia
  • Pour information au Mécanisme de coordination de l’UNCRPD
  • Pour information au Médiateur fédéral
 

2. OBJET

Le 12/01/2024, la SNCB a annoncé qu’elle modifierait les heures d’ouverture des guichets de gare à partir du 01/03/2024. À cette occasion, elle a exposé les raisons qui ont conduit à cette décision. Pour 54 gares, cela signifie que les guichets seront ouverts moins longtemps qu’auparavant. La SNCB a pris cette décision en raison de l’évolution du comportement des voyageurs, à savoir la diminution des ventes aux guichets : de 55 % en 2015 à moins de 10 % actuellement (chiffres de la SNCB). Selon la SNCB, aucun guichet ne sera définitivement fermé, ce qui a déjà été le cas dans le passé, notamment en 2021. La SNCB maintient une présence au service de ses clients dans 91 gares.

Le nouveau modèle de la SNCB repose sur un personnel polyvalent (« guides en mobilité ») présent dans toute la gare (et pas uniquement au guichet) pour assurer la vente (en aidant les clients à utiliser les automates de vente ou en réalisant la vente au guichet si nécessaire) et pour prendre en charge diverses tâches d’assistance aux voyageurs en gare (accueil des voyageurs, assistance aux personnes à mobilité réduite [PMR] n’ayant pas besoin d’un fauteuil roulant et aux groupes, conseils sur les titres de transport, conseils de voyage en cas de trafic perturbé, réponses aux questions des voyageurs, etc.). Le nouveau modèle sera déployé à partir de fin 2024.

Selon la SNCB, ces changements n’auront aucun impact sur l’assistance aux PMR, telle qu’elle est actuellement fournie dans 132 gares (avec fauteuil roulant)/159 gares (sans fauteuil roulant), étant donné que les demandes d’assistance passent par d’autres canaux.

 

3. ANALYSE

A. Le service public de la SNCB

Le contrat de service public 2023-2032 de la SNCB fixe les droits et les obligations réciproques de la SNCB et de l’État belge. La SNCB est chargée d’exploiter les services publics de transport de voyageurs par chemin de fer sur le territoire. Dans le cadre de la prestation de services aux personnes à mobilité réduite et de services au guichet, les parties suivantes sont très importantes : III.4. Distribution des titres de transport et V. Un voyage fluide de porte à porte.

Le CSNPH regrette dès lors que les guichets soient ouverts moins longtemps, ce qui, en soi, n’améliore pas le service.

La SNCB défend sa décision en soulignant l’évolution de la vente. Depuis des années déjà, on constate une diminution des ventes aux guichets, principalement au profit de la vente en ligne. La pandémie de covid a encore accéléré cette tendance.

La SNCB renvoie également aux chiffres de satisfaction concernant les méthodes d’achat : « Le taux de satisfaction des voyageurs est aussi élevé, voire plus élevé pour les autres canaux que pour les guichets : il s’élève à 86 % pour les guichets, contre 89 % pour les automates de vente, 88 % pour le site web et 85 % pour l’application. »

Le CSNPH reconnaît l’évolution et l’utilité des autres alternatives, mais entend nuancer ce constat. S’il y a moins de guichets disponibles, il est évident que les ventes aux guichets vont encore baisser. La décision de la SNCB renforce donc la tendance existante.

Il serait également intéressant d’examiner qui sont ces 11 à 15 % de personnes insatisfaites. Peut-être s’agit-il justement des personnes en situation de handicap qui sont de moins en moins aidées au guichet ?

B. Fracture numérique

Le CSNPH a souligné à plusieurs reprises la fracture numérique qui semble se creuser davantage au fil des ans, notamment pour une partie des personnes en situation de handicap, mais aussi pour les aînés, les personnes disposant de moyens limités, les personnes qui ne sont pas familiarisées avec l’informatique, etc. En 2022, le CSNPH a publié une note de position sur la fracture numérique. En ce qui concerne la SNCB, il s’agissait plus spécifiquement de la fin des paiements en espèces à bord du train sans supplément (tarif à bord), de la fermeture de guichets, des billets plus chers à l’exception de ceux achetés en ligne, etc.

La réduction des heures d’ouverture des guichets contraint les usagers à se tourner vers les alternatives, comme les automates de paiement, le site web, les applications, etc. La SNCB entreprend des actions pour rendre ses applications numériques plus accessibles, mais celles-ci restent toutefois inaccessibles pour une grande partie de la population qui préfère recevoir une aide humaine, au guichet ou ailleurs.

Cette assistance humaine ne peut pas être purement et simplement remplacée par les TIC. Bien entendu, cette évolution est en cours depuis longtemps déjà et de nombreuses personnes – parmi lesquelles beaucoup de personnes en situation de handicap - privilégient les alternatives digitales, mais tout le monde n’est pas en mesure de faire de même.

En ce qui concerne la fracture numérique, le CSNPH renvoie à la Résolution du Parlement européen du 13 décembre 2022 sur la fracture numérique : les différences sociales produites par la numérisation. Le Parlement européen souligne ainsi à l’article 7 « que de nombreux services quotidiens devraient proposer une solution non numérique afin de répondre aux besoins des citoyens qui ne disposent pas des compétences ou des connaissances nécessaires à l’utilisation des services en ligne, qui souhaitent utiliser des services hors ligne ou qui n’ont pas accès à des appareils et à des applications numériques ». Il s’agit en outre d’une obligation fixée aux articles 8 et 29 de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées : le déploiement d’options numériques ne pourra jamais remplacer totalement l’assistance humaine.

C. Réactions

Le CSNPH n’est pas le seul à émettre des critiques. Le Comité consultatif pour les voyageurs ferroviaires – au sein duquel le CSNPH est représenté – a déjà publié le 09/02/2024 une lettre ouverte sur la réduction des heures d’ouverture des guichets de la SNCB. Le sujet a également été développé dans la presse.

 

4. AVIS

A. Prestation de services :

i. Guichets

Le CSNPH regrette que les heures d’ouverture des guichets de gare soient réduites.

⇒ Le CSNPH demande que plus aucun guichet ne soit définitivement fermé. En outre, les guichets devraient être ouverts au moins aux heures habituelles. De nombreuses personnes préfèrent une assistance humaine, et en particulier les personnes en situation de handicap.

⇒ Le CSNPH demande en particulier que les guichets accessibles aux personnes en situation de handicap restent ouverts.

⇒ Le CSNPH demande que la SNCB continue d’investir dans des alternatives accessibles à la vente au guichet, qu’elles soient numériques ou non.

ii. Paiement en espèces

Les guichets deviennent peu à peu les seuls endroits où il est encore possible de payer en espèces. Cette option est encore disponible sur certains distributeurs de titres de transport, mais elle ne l’est plus à bord des trains, même s’il est possible de régler la somme ultérieurement, par exemple… à un guichet de la SNCB.

Pour certaines personnes, comme celles placées sous administration financière, l’argent liquide constitue le seul moyen de paiement accessible. La réduction des heures d’ouverture des guichets, que ce soit pour l’achat ou la régularisation d’un achat à bord d’un train, est problématique pour ces personnes.

⇒ La SNCB doit faire en sorte que les personnes qui ne paient qu’en liquide puissent aussi acheter facilement un titre de transport. Pour le CSNPH, le guichet reste l’endroit par excellence pour ce faire, mais le CSNPH est également partisan des paiements en espèces à bord du train.

iii. Collaborateurs polyvalents

Dans les gares, la SNCB entend déployer des collaborateurs polyvalents capables d’aider et d’informer les clients dans toute la gare. Leur présence permettra également d’améliorer la sécurité des voyageurs.

⇒ Sur le principe, le CSNPH est favorable à la présence de personnel dans les gares, mais il s’interroge sur leur nombre (en fonction de la gare, de l’heure, du jour de la semaine, etc.) et se demande si ces personnes seront aussi faciles à trouver qu’un collaborateur derrière un guichet. Il reste également à savoir dans quelle mesure ces membres du personnel auront effectivement le temps d’aider les voyageurs à acheter un titre de transport.

iv. Informations

La SNCB annonce des mesures d’accompagnement afin d’aider le public à s’adapter à ces changements :

    • réunions d’information sur les distributeurs ;
    • brochures sur le fonctionnement des distributeurs automatiques et sur les canaux numériques, distribuées dans les gares où les guichets ont été fermés en 2021 et celles où les heures d’ouverture des guichets sont réduites depuis le 01/03/2024.

⇒ Le CSNPH demande que ces informations soient diffusées à temps, au moyen des canaux de communication habituels et de manière accessible.

B. Consultation du CSNPH

Le CSNPH regrette de ne pas avoir été consulté au sujet de l’adaptation des heures d’ouverture des guichets de gare, alors qu’il s’agit d’un dossier qui a un impact sur les personnes en situation de handicap. La SNCB est tenue de respecter le contrat de service public, mais elle est libre de décider de la manière dont elle remplit ses obligations. Dans ce cadre, le CSNPH renvoie expressément à l’article 51 du contrat :

«La SNCB contribue à la mise en œuvre d’une mobilité inclusive. Elle prévoit des aménagements raisonnables nécessaires à l’accès effectif du transport ferroviaire aux personnes en situation de handicap physique, cognitif ou sensoriel. Elle s’engage à consulter le Comité consultatif des voyageurs ferroviaires (CCVF) et le Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) lors de la conception des projets d’aménagement ou de révision des référentiels appliqués. Cette consultation porte sur des questions telles que l’accessibilité des gares, le matériel roulant, l’information et l’achat de titres de transport.»

⇒ Le CSNPH demande expressément à la direction de la SNCB d’être consulté lors de la prise de décisions stratégiques qui ont un impact sur les voyageurs en situation de handicap.