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Avis 2024/17

 

Avis n° 2024/17 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif à l’étude commandée par la DG Personnes handicapées (DG HAN) sur les causes du non-take-up chez les personnes en situation de handicap.

Avis discuté en séance plénière le 18/11/2024 et rendu par courrier électronique du 21/11/2024.

Avis rendu d’initiative par le CSNPH.

 

1. AVIS DESTINÉ

  • Pour suite utile à Monsieur Rob Beenders, ministre de la Protection des consommateurs, de la Lutte contre la Fraude sociale, des Personnes handicapées et de l’Égalité des chances
  • Pour suite utile à Madame Julie Syenave, Messieurs Stéphane Le Grand et David Van Dieren de la société de consultance Antares Consulting, chargés de l’étude
  • Pour suite utile au Comité d’Encadrement de l’étude, Mesdames et Messieurs Peter Samyn, Julie Clément, Esther Mulkers, Véronique Bocken, Joachim Lommelen, Pablo Calvo Gil, Stéphanie Jacquet, Edouard Jacquin, Valérie Weber, Nico Meulebrouck, Natascha Van Mechelen et Arne Depoortere
  • Pour suite utile à Madame Julie Clément, Directrice générale de la DG Personnes handicapées (DG HAN)
  • Pour information à Unia
  • Pour information au Mécanisme de Coordination de l’UNCRPD
  • Pour information au Médiateur fédéral
 

2. OBJET

La société de consultance Antares Consulting a été chargée par la DG HAN de mener une étude sur les causes du non-take-up chez les personnes en situation de handicap, dans le but de lutter le plus efficacement possible contre le non-recours aux droits (non-take-up, NTU) auprès du public cible de la DG HAN.

 

3. ANALYSE

A. Objectifs spécifiques de l’étude

Les objectifs spécifiques de l’étude sont au nombre de cinq :

  1. S’accorder sur une définition du NTU dans le contexte du handicap
  2. Dresser l’inventaire des initiatives déjà mises en place par la DG HAN pour réduire le NTU
  3. Cartographier les interactions des personnes en situation de handicap avec les systèmes de soutien pour identifier les principaux obstacles qui renforcent le NTU
  4. Proposer des actions ciblées pour réduire le NTU
  5. Mettre au point une méthode pour évaluer l’impact des actions de la DG HAN contre le NTU.

B. Les étapes de l’étude

Afin de rencontrer ces objectifs, plusieurs étapes sont prévues :

1. Une revue de la littérature

L’objectif de cette revue de la littérature est triple : définir le NTU, cerner ses causes et identifier des bonnes pratiques grâce à un benchmarking auprès d’autres pays européens.

Dans son rapport, la revue de la littérature propose de définir le NTU sur la base de la typologie établie par le sociologue Wim Van Oorschot. Dans cette typologie, il existe 7 types de NTU :

  1. Le NTU primaire désigne les bénéficiaires qui ne réclament pas leurs droits en raison de non-connaissance, de stigmatisation, de manque d'information ou de la complexité des procédures. Cette forme de NTU se produit lorsque les individus éligibles choisissent de ne pas demander des prestations ou échouent à les réclamer en raison de biais cognitifs et de barrières comportementales, telles que la procrastination ou l'oubli du processus de demande.
  2. Le NTU secondaire survient lorsque les personnes éligibles commencent le processus de demande pour une prestation mais finissent par ne pas la recevoir. Cela peut résulter de comportements du demandeur, comme des difficultés à comprendre la procédure ou à collecter les informations requises, ou d'erreurs administratives.
  3. Le NTU total désigne une situation un bénéficiaire potentiel ne reçoit aucune prestation à laquelle il a droit.
  4. Le NTU partiel se réfère au cas où une personne éligible ne reçoit qu'une partie de la prestation due, souvent en raison d'informations insuffisantes ou d'erreurs administratives.
  5. Le NTU permanent pointe la situation où une personne ne réclame jamais ses droits pendant la période d'éligibilité.
  6. Le NTU temporaire vise les cas où il y a un délai avant que le bénéficiaire ne demande ou ne reçoive ses prestations.
  7. Le NTU frictionnel correspond au laps de temps entre le début du processus de demande et l'obtention de la prestation, souvent dû à des délais administratifs ou à la complexité des démarches. 

Un huitième type de NTU, tertiaire, suggéré par N. Van Mechelen et J. Janssens, s’ajoute aux 7 précédents et recouvre le cas de bénéficiaires qui n'ont pas toujours un accès légal à leurs droits en raison des critères d'éligibilité. Le NTU tertiaire n'est donc pas une absence de demande de droits, mais plutôt une exclusion formelle des systèmes d'aide. Il s’agit d’un phénomène complexe, car il porte sur une exclusion, souvent liée à des critères d'éligibilité stricts qui ne correspondent pas toujours aux réalités vécues par les individus les plus vulnérables.

Selon Wim Van Oorschot, ces différents types de NTU sont influencés par 3 catégories de facteurs : 

  1. Politique: cette catégorie de facteurs inclut les décisions politiques et les régulations qui encadrent l'accès aux prestations sociales. Les politiques peuvent être complexes, avec des règles et directives multiples et/ou vagues qui peuvent rendre difficile pour les bénéficiaires potentiels de comprendre leurs droits et les procédures nécessaires pour y accéder. Les critères d'éligibilité stricts, les réformes politiques, et les modifications des programmes sociaux peuvent également influencer le taux de NTU en excluant certaines populations vulnérables ou en rendant les prestations moins accessibles.
  2. Administratif: cette deuxième catégorie de facteurs se concentre sur les processus et les procédures administratives qui gouvernent l'accès aux prestations sociales. La complexité des formulaires de demande, les délais de traitement, les erreurs administratives et l'absence de soutien pour aider les demandeurs à naviguer dans le système sont des barrières importantes.
  3. Bénéficiaires: cette troisième catégorie de facteurs comprend les caractéristiques et les perceptions des bénéficiaires potentiels. La stigmatisation associée à la demande d'aide sociale, la méconnaissance des droits et prestations disponibles, les barrières linguistiques et les capacités limitées à remplir des formulaires complexes peuvent toutes contribuer au NTU.

Le rapport détaille ensuite un certain nombre de bonnes pratiques issues de la littérature ou d’exemples européens. Ces bonnes pratiques se déclinent selon les 3 catégories de facteurs : politiques, administratifs ou concernant le bénéficiaire.

2. Rencontres d’acteurs du secteur

Dans le but de dresser un panorama actualisé du NTU, les consultants d’Antares Consulting ont rencontré divers acteurs de terrain : des médecins et assistants sociaux de la DG HAN, des représentants d’institutions (Unia, AVIQ, Phare, Iriscare, SPP Intégration sociale, VAPH) et de plusieurs associations, en Belgique ainsi que dans d’autres pays européens (France, Pays-Bas, Royaume-Uni, Allemagne, Finlande).

3. Une analyse quantitative

L’analyse quantitative est basée sur une enquête diffusée entre le 12 septembre et le 18 octobre 2024 pour les versions française et néerlandaise ; entre le 27 septembre et le 18 octobre 2024 pour la version allemande ; en format digital essentiellement. Des versions papier ont été mises à disposition des centres de reconnaissance du handicap, à raison de 250 exemplaires par centre, en français et en néerlandais uniquement. Le but de l’enquête est d’identifier des ayants droit en situation de NTU, de détecter des causes de non-recours pour chaque service de la DG HAN et de récolter des retours d’expérience des bénéficiaires afin d’améliorer les services. En vue d’en assurer l’accessibilité, le contenu de l’enquête a été relu par plusieurs experts du vécu et par le service de communication du SPF Sécurité Sociale. Par ailleurs, en ce qui concerne la version en ligne, le logiciel utilisé SmartSurvey suit les directives WCAG 2.2 AA, garantissant l’accessibilité pour tous, y compris les utilisateurs aveugles ou malvoyants. De plus, le thème a été conçu pour être compatible avec un certain nombre de lecteurs d’écrans. Le contraste des couleurs est également pensé pour les personnes avec des déficiences visuelles. Les types de questions visent une compatibilité à 100% avec les normes WCAG 2.2 AA. Le temps de réponse du questionnaire a été limité à 10 minutes maximum. Enfin, les canaux de diffusion retenus sont le site web de la DG HAN, diverses newsletters, de la DG HAN et d’institutions partenaires comme le Phare, l’AVIQ, la Fédération des Maisons Médicales, etc.

 

4. AVIS

A. En ce qui concerne l’étude en général

Le Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) salue l’initiative prise par la DG HAN de chercher à mieux comprendre les causes du NTU afin d’y remédier et d’améliorer ses services. Le non-recours aux droits est une problématique qui retient toute l’attention du CSNPH depuis plusieurs années, ainsi qu’en témoigne le précédent avis 2018/09, publié par ses soins sur le sujet. Dans cet avis, le CSNPH soulignait déjà « toute la contradiction […] entre le besoin évident de reconnaissance de droits […] et la lourdeur des démarches qui constitue des freins à l’accès aux droits » et rappelait que « le phénomène de non-recours aux droits touche tous les citoyens et tous les domaines de la vie ». Aux yeux du CSNPH, cette situation était et reste inacceptable, notamment parce que « une personne privée de ses droits devient invisible [et] l’invisibilité mène à la marginalisation et à la déchéance ». Toute tentative de mieux comprendre le phénomène du NTU afin d’y remédier est accueillie très favorablement par le CSNPH.

En outre, le CSNPH a apprécié d’avoir pu s’exprimer lors des entretiens en tant qu’acteur du terrain et d’avoir été invité à plusieurs moments-clés du projet : à la présentation de la revue de littérature ainsi qu’à la présentation de l’enquête. Le CSNPH déplore toutefois d’avoir été relégué à un rôle de spectateur lors de la présentation de l’enquête et de n’avoir pas pu participer à la relecture du questionnaire afin de suggérer des améliorations (voir ci-dessous).

B. À propos de la revue de littérature

Le CSNPH note avec inquiétude que, selon l’étude, « le NTU est un phénomène répandu dans de nombreux pays européens, avec des taux de non-recours souvent supérieurs à 30% ». Le CSNPH souscrit en grande partie aux constats de la revue de littérature et ci-dessous en nuancera certains et en illustrera d’autres par des réalités vécues sur le terrain.

1. Au niveau politique

Constats

Le CSNPH partage le constat que des critères d’évaluation basés sur un modèle médical rendent difficile l’accès aux droits. Tout d’abord, parce que l’approche médicale ne suffit pas à apprécier correctement les conséquences de certaines pathologies, comme l’autisme par exemple. Et la multidisciplinarité, qui permettrait de pallier ce problème en prenant en compte l’ensemble des défis quotidiens des personnes en situation de handicap, peine à s’implanter. Ensuite, la manière dont se déroulent les procédures d’évaluation du handicap peuvent décourager les bénéficiaires. Certains d’entre eux, qui se sentent humiliés ou maltraités lors d’examens médicaux, renoncent à poursuivre leurs démarches.

La fragmentation du système de protection sociale et le manque de coordination entre les différents services compliquent l’accès aux droits pour les personnes en situation de handicap. Ainsi, par exemple, des prestations comme la prime pour aidants proches varient selon les provinces. Autre exemple : une personne en situation de handicap qui déménage d’une région à une autre, comme de la Wallonie vers la Flandre, doit souvent recommencer l’ensemble de la procédure administrative pour obtenir des prestations sociales. Concernant les jeunes, une modification législative a abaissé l’âge d’ouverture des droits de 21 à 18 ans et cela crée des incohérences avec les allocations familiales régionales, où un étudiant peut continuer à recevoir des allocations pour enfant tout en ouvrant des droits d’adulte. Malheureusement, les conférences interministérielles, importants lieux de concertation et de coordination, ne sont pas contraignantes et laissent aux entités fédérées la liberté de choisir de collaborer ou pas.

Cette fragmentation dépasse par ailleurs un simple partage de compétences dans un ensemble qui se voudrait cohérent ; avec le temps, elle a induit aussi des approches différentes et parfois radicalement opposées du point de vue de la personne en situation de handicap. Ainsi une personne en situation de handicap qui souhaite travailler devra, en introduisant son dossier à la DG HAN, mettre en évidence ce qui contribue à créer sa perte de capacité économique alors que le dossier qu’elle introduira au niveau régional pour obtenir un accompagnement devra souligner ses compétences et ses capacités. Avec la numérisation croissante des dossiers et le partage des données, de plus en plus de personnes sont déjà prises dans un cadre tout simplement schizophrène et qui génère aussi de facto des pertes de droits : un nombre croissant de médecins de la DG HAN refusent une reconnaissance médicale de l’allocation de remplacement de revenus (ARR) à une personne qui a travaillé par le passé (“qui peut une fois a une capacité dans l’absolu”) ou à qui a suivi une formation sans pour autant trouver du travail (“qui est formé soit s’activer”). Or, dans l’évaluation de l’ARR au sens de la loi de 1987, la question n’est pas d’avoir travaillé ou de s’être formé mais bien : sur le marché général du travail, est-ce que mes chances de travailler s’élèvent à minima à 33% compte tenu de ma réalité de handicap (traitements, efforts...) et de l’environnement de travail et sociétal de ma région (approche des employeurs, accessibilité des transports...) ? En d’autres termes, il est possible qu’une personne soit correctement formée, ait déjà eu une expérience de travail et en même temps que les possibilités qui s’offrent à elle sur le marché du travail soient raisonnablement très réduites.

Aux constats énumérés par la revue de littérature, s’ajoutent d’autres réalités de terrain, sur lesquelles le CSNPH entend insister également. Ainsi, la réglementation actuelle de la loi de 1987 ne prévoit pas de rétroactivité, ce qui limite aussi l’accès aux droits. D’autre part, pour le calcul de l’octroi, la prise en considération des revenus de l’année -2/-1 fait qu’au moment de la demande, la situation financière effective de la personne ne peut pas être tenue en compte. De même, la prise en considération du statut de cohabitant a des répercussions sur les dispositifs de prestations sociales auxquels la personne en situation de handicap peut prétendre. Plus globalement, la rigidité de la loi de 1987 et son inadéquation aux réalités de la vie est une source d’exclusion des droits.

De manière générale, le CSNPH insiste aussi lourdement sur les effets pervers du mouvement de digitalisation, qui lui a toujours été présenté comme un outil d’amélioration de la situation de la personne en situation de handicap mais qui, au final, présente dans les faits des effets pervers : dysfonctionnements entre administrations, rigidité, exclusion automatique, etc.

Souhaits concrets

  • Une simplification maximale des démarches afin d’éviter tous les obstacles possibles.
  • Une personne qui se présente à un guichet fédéral ou régional devrait être prise en charge au niveau de l’ensemble de sa situation. L'outil Mygov.be, et la digitalisation plus globalement, ne remplace pas les travailleurs sociaux, qui devraient être davantage proactifs par rapport à ceux qui sont sortis des radars, et mieux valorisés ainsi que soutenus précisément par la numérisation mais aussi en travaillant beaucoup plus en réseautage. 
  • La réforme de la loi du 27 février 1987 est une urgence et doit faire partie des priorités du nouveau gouvernement fédéral. La loi, telle qu’elle est articulée, maintient les personnes dans la précarité (ARR sous le seuil de pauvreté et allocation d’intégration (AI) ne permettant pas de compenser les surcoûts liés au handicap) : globalement, l’efficacité des allocations ARR/AI est limitée (étude Handilab de 2012) et le lien entre le handicap et la pauvreté a été dénoncé par le CSNPH dans de nombreux avis et a été largement corroboré par le monde académique. La loi devrait permettre à la fois de reconnaitre qu’une personne est en situation de handicap et risque d’en subir les conséquences de manière régulière avec une carrière en dents de scie et en même temps que cette même personne dispose d’une capacité de travail à certains moments de son parcours ; en d’autres termes, cela permettrait à la personne d’être reconnue dans sa capacité contributive à la société tout en étant protégée dans des moments d’inactivité et d’éviter des situations d’exclusion de droits.

2. Au niveau administratif

Constats

Le CSNPH rejoint les auteurs de la revue de littérature lorsqu’ils soulignent combien les processus de demande sont longs, compliqués et contraignants.

En effet, pour le CSNPH, les délais de traitement des demandes sont un facteur déterminant du NTU. La loi de 1987 prévoit un délai de 6 mois, ce qui est déjà énorme pour une personne qui dispose de peu ou pas de ressources. Dans les faits, ce délai est souvent de 8 à 12 mois. Les attentes sont longues et peuvent aboutir à un refus du droit. De nombreuses personnes se découragent et abandonnent en cours de route en raison de la longueur des procédures.

Les procédures sont également compliquées : la complexité et l'incompréhensibilité des informations, notamment dans les formulaires administratifs, sont un obstacle majeur à l'accès aux services et aux droits. Par exemple, une personne avec une dette chez la DG HAN peut ne pas comprendre qu'elle peut introduire une demande en renonciation ou à tout le moins demander plus de précision sur la portée, et ce n'est qu'après avoir reçu une lettre de recouvrement de la DG HAN qu'elle réalise la gravité de la situation. Par ailleurs, la multiplication des services qui interviennent peut rendre l’information reçue opaque, voire incohérente. Souvent, les personnes doivent s'adresser à plusieurs intervenants (travailleurs sociaux, mutualités, centres d'information), mais ces derniers manquent parfois de ressources ou de formation pour fournir un accompagnement adéquat. Par exemple, le call center de la DG HAN ne parvient pas toujours à fournir des réponses précises et adaptées à l’ensemble de la situation, et les réponses sont souvent trop cloisonnées. Les personnes sont alors renvoyées vers d’autres guichets. Les CPAS ne connaissent pas toujours non plus les dispositifs existants ; certaines demandes devraient être redirigées vers les mutualités : cela se fait parfois de manière incorrecte, exacerbant ainsi le problème du NTU. De plus, les informations dispensées aux personnes en situation de handicap sont parfois incomplètes. De ce fait, étant donné que de nombreux droits ne sont pas octroyés automatiquement, les personnes se voient obligées d’en faire la demande sans forcément être informées de leur éligibilité. Les intervenants eux-mêmes (CPAS, mutuelles, parfois DG HAN elle-même) ne connaissent pas toujours tous les dispositifs existants et n’ont actuellement ni le temps, ni la compétence pour faire le tour des problèmes que rencontre la personne. La complexité de la législation joue également un rôle, comme en témoigne le flou autour des critères d'éligibilité pour l'attestation TVA voiture pour personnes handicapées, que peu de professionnels savent expliquer clairement. Enfin, le manque d’information sur les changements législatifs peut également mener à un non-recours de droits. Ainsi, des changements de la loi comme le prix du travail et le prix de l'amour ont entraîné une sous-protection massive chez les personnes en situation de handicap parce qu’elles n'étaient pas au courant de l'ouverture du droit.

Or la formation insuffisante des travailleurs sociaux et des agents administratifs entraîne des erreurs et une mauvaise gestion des demandes, qui peuvent aboutir à des erreurs d’évaluation ou à des rejets incorrects. Les dossiers dans lesquels une condition n'a pas changé (ou s'est plutôt détériorée) reçoivent parfois d'importantes dépréciations (3 points et plus). Le fait que la DG HAN ne mette pas en place un système de contrôle interne pour ces dossiers est incompréhensible. Etant donné que la plupart des personnes en situation de handicap ne connaissent pas les voies de défense et d'appel, elles restent donc sous-protégées jusqu'à ce que quelqu'un les aide à redresser la situation. Pour celles qui en revanche ont connaissance des possibilités de recours, la peur de perdre un revenu déjà modeste peut les dissuader de s'engager dans des démarches administratives ou des transitions qui pourraient potentiellement améliorer leur situation, mais qui comportent également des risques financiers (frais d’avocat).

En plus des obstacles ci-dessus, épinglés dans la revue de la littérature, le CSNPH souhaite attirer l’attention sur d’autres barrières qui ont un impact sur le NTU.

L’accessibilité des lieux et la distance à parcourir pour y arriver sont une barrière physique supplémentaire.

Par ailleurs, la multiplication des interlocuteurs est en partie causée par un glissement de certaines responsabilités des services publics vers les associations. Un tel affaiblissement du rôle de l’Etat renforce l’insécurité et la confusion dans les démarches administratives car il contribue à balloter le bénéficiaire entre différents intervenants, chacun se déchargeant parfois sur l’autre et laissant in fine les personnes sans protection sociale adéquate. Pour rappel aussi, les associations ne reçoivent aucun subside pour cette charge de travail revenant à l’Etat.

Dans ce contexte global de NTU, multifactoriel, le CSNPH se doit d’attirer l’attention sur ce qui peut paraître une évidence et qui pourtant reste sans écho sur le plan de l’approche administrative : au parcours médical, souvent long et parfois très pénible, s’ajoute celui administratif, tentaculaire et indéterminé dans le temps ; la reconnaissance d’allocations et de droits dérivés n’est jamais définitive, est toujours soumise à la contrainte des révisions, des justificatifs à produire, des formulaires à compléter tous azimuts... Cette situation ajoute souvent une pression supplémentaire contre-productive sur la personne, qui peut être vécue comme “la goutte de trop” par rapport à un parcours de soins et de revalidation déjà très lourd. C'est aussi un facteur essentiel à prendre en compte dans la lutte contre le NTU.  Pour cette raison également,  il est essentiel et urgent, que la loi du 27 février 1987 soit revue, dans cette perspective y compris.

Souhaits concrets

Afin de réduire les causes administratives du NTU, le CSNPH plaide pour que les bénéficiaires reçoivent l’information la plus complète et la plus précise possible, compréhensible et lisible, afin qu’ils soient rendus conscients de leurs droits, en ce compris les possibilités de recours. Conformément à l’article 21 de la Convention des Nations-Unies relative aux droits des Personnes Handicapées (UNCRPD), qui stipule que les informations doivent être proposées dans des formats accessibles, le CSNPH estime que cette lisibilité passe nécessairement par un usage systématique du « langage clair », du « facile à lire et à comprendre » (FALC), du Braille et du sous-titrage des éventuels supports audiovisuels afin de rendre ces informations accessibles à tous. La précision de l’information suppose en outre que celle-ci soit également ciblée sur la période de vie dans laquelle se trouve la personne : quels droits pour un enfant en situation de handicap concernant l’école ? les loisirs ? les transports ? impact des transitions sur les différentes allocations et statuts ? Etc.

Le CSNPH recommande à cet égard que les travailleurs sociaux soient mieux formés et informés afin qu’ils soient en capacité de délivrer cette information complète, précise et lisible, et d’accompagner valablement et efficacement les bénéficiaires.

Le CSNPH demande également à la DG HAN de mettre tout en place, de son côté, pour assurer une meilleure coordination, concertation et communication entre les différents services impliqués. Cette concertation devrait dépasser les contradictions actuelles relevées plus haut quant à l’articulation entre les incapacités (pour l’évaluation fédérale) et les possibilités restantes (au niveau régional). Il s’agit de sortir du piège “ou-ou” et réaliser une situation “et-et” de manière telle que la personne puisse enchainer les périodes de travail et d’arrêt et être protégée durant ces dernières.

En cas d’erreurs administratives, le CSNPH insiste pour que les personnes ne soient pas les victimes de procédures incomplètement ou incorrectement posées et que, dans tous les cas, la situation soit toujours redressée en leur faveur, sans perte de droit, et avec effet rétroactif.

Dans ce contexte, le CSNPH demande particulièrement à la DG HAN de mettre en place un système de contrôle interne pour éviter que des dossiers où les conditions n’ont pas changé, voire se sont dégradées, ne fassent l’objet d’importantes dépréciations, qui peuvent, dans certains cas, atteindre 3 points et plus.

Le CSNPH plaide enfin pour des délais raccourcis et une évaluation toujours basée sur une approche véritablement pluridisciplinaire, c’est-à-dire qui prend en compte les conséquences concrètes du handicap sur la vie de tous les jours, au-delà des observations purement médicales liées à la maladie ou au handicap.

3. Au niveau des bénéficiaires

Constats

Le CSNPH se joint aux auteurs de l’étude pour souligner les conséquences importantes que les facteurs politiques et administratifs épinglés ci-dessus peuvent avoir sur les bénéficiaires : manque de connaissance des droits, coût en énergie et en temps pour trouver et comprendre l’information nécessaire et se soumettre aux examens d’évaluation, absence de soutien adéquat (voir ci-dessus).

Concernant l’impact des expériences vécues lors de précédentes procédures analogues, le CSNPH s’inquiète de plaintes recueillies par les associations représentant les personnes en situation de handicap et faisant état de manques de respect envers le bénéficiaire de la part de certains médecins de la DG HAN. Les personnes concernées n'osent pas en parler parce qu'elles se sentent dépendantes du résultat de l’évaluation ou par peur d'un rendez-vous  ultérieur qui pourrait tourner négativement. Elles n’osent pas non plus, par la suite, faire appel ou introduire une demande ultérieure pour aggravation de leur situation.

Ces facteurs créent également des barrières psychologiques de peur et de méfiance qui contribuent au NTU. Comme la peur de perdre des droits : ainsi, les personnes qui se trouvent à la limite de l’éligibilité pour certains droits (par exemple, ceux qui obtiennent un score de 7/9 points) hésitent à demander une révision de peur de perdre des points, d'affronter des délais longs ou d’être confrontées à une lourde charge administrative. Parfois, même les services intermédiaires (prestataires de soins) sont réticents à conseiller de demander des examens si la situation s'aggrave, car ils ne peuvent pas estimer « logiquement », à l'avance, le résultat d'un examen médical et craignent de provoquer une détérioration de la situation sociale de leur patient. Ou sachant que le handicap est évolutif, les bénéficiaires craignent que certains choix aujourd’hui n’hypothèquent leurs droits de demain. Ou encore la crainte de perdre un revenu déjà modeste : cette crainte peut dissuader les individus de s'engager dans des démarches administratives ou des transitions qui pourraient potentiellement améliorer leur situation, mais qui comportent également des risques financiers. Les approches différentes du handicap selon les niveaux de pouvoir (voir plus haut) sont autant de sources de confusion, méfiance et peur.

A ce qui précède, le CSNPH tient à ajouter l’incertitude concernant les politiques à venir, qui contribue également à entretenir la peur et la méfiance des bénéficiaires vis-à-vis des services et des institutions. Ainsi, par exemple, la régionalisation potentielle des allocations nourrit les inquiétudes des personnes en situation de handicap. Une telle régionalisation pourrait entraîner des difficultés financières pour les bénéficiaires, notamment en ce qui concerne le paiement de l'aide à domicile.

Enfin, le CSNPH souligne particulièrement le poids considérable de la digitalisation sur le phénomène du NTU. En 2022, le CSNPH a consacré une note de position à la fracture numérique et à ses conséquences, notamment sur le non-recours aux droits. Dans cette note, le CSNPH relaie entre autres une étude de la Fondation Roi Baudouin selon laquelle 40% des Belges courent le risque d’être en situation d’exclusion numérique et 32% ont de faibles compétences en matière numérique. Le CSNPH, dans sa note de position, épingle les barrières financières et techniques et le manque de connaissances numériques à la source de la fracture numérique et comment ces éléments  fomentent le non-recours aux droits.

Souhaits concrets 

  • Afin de réduire chez les personnes en situation de handicap la peur de perdre leurs droits, le CSNPH plaide pour une plus grande transparence dans les montants perçus et à recevoir.
  • Dans le but de combattre les causes des mauvaises expériences vécues et leurs conséquences sur le non-recours aux droits, le CSNPH recommande que soit mise en place une courte enquête de satisfaction après les consultations. Cela permettrait plus rapidement de rendre visibles d’éventuels dysfonctionnements et de procéder ensuite aux ajustements nécessaires. Cette pratique, par extension, pourrait être appliquée à l'ensemble du front office de la DG HAN.
  • Concernant la digitalisation, le CSNPH renvoie à l’article 9 de la Convention ONU relative aux droits des personnes en situation de handicap (UNCRPD) qui vise à « assurer aux personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, l’accès à l’environnement physique, aux transports, à l’information et à la communication, y compris aux systèmes et technologies de l’information et de la communication, et aux autres équipements et services ouverts ou fournis au public. [...] Ces mesures, parmi lesquelles figurent l’identification et l’élimination des obstacles et barrières à l’accessibilité, s’appliquent, entre autres aux services d’information, de communication et autres services, y compris les services électroniques et les services d’urgence. » Sur cette base, le CSNPH insiste pour que la numérisation des services publics ne soit pas conçue comme une fin en soi, mais plutôt comme un outil au service des personnes ET qui s’ajoute aux canaux humains à maintenir de manière qualitative : centre de contact ouvert durant de larges plages horaires, assistants sociaux travaillant en réseau, etc. Il est crucial que la transition vers le numérique soit faite dans l'intérêt des bénéficiaires, en veillant à ce qu'elle ne crée pas de nouvelles formes d'exclusion. Il est nécessaire d'accompagner les usagers pour qu'ils puissent pleinement profiter des avantages offerts par la numérisation sans en subir les inconvénients. En particulier, le CSNPH estime inacceptable toute exclusion par conception, c’est-à-dire le fait qu’un défaut de conception d’un processus informatique exclue certaines personnes d’un service. Et si cela s’avère être le cas, il faut que les processus soient capables de récupérer les personnes exclues, avec un effet rétroactif. Le CSNPH demande à cet égard que soient utilisés, pour le traitement des dossiers personnels, des algorithmes performants et qu’un monitoring soit assuré afin d’en mesurer le fonctionnement correct et dans le but d’implémenter les nécessaires ajustements dès lors que des anomalies de traitement sont détectées. A cet effet, le CSNPH recommande que soient conservés les dossiers rejetés, ainsi que les données qui ont conduit au rejet.
  • La loi du 27 février 1987 devrait s’inscrire dans un modèle global et cohérent favorisant le travail quand c’est possible et ne pénalisant pas les personnes qui ne pourront jamais travailler ou seulement irrégulièrement. Dans ce contexte, l’article 100 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée du 14 juillet 1994, disposant de la notion d’”état antérieur”, devrait aussi être intégré dans l’exercice de réflexion. Ce serait à tout le moins respecter les textes de l’UNCRPD et de la Constitution belge qui obligent une mise en égalité entre les personnes en situation de handicap et celles qui ne le sont pas, de même qu’entre les personnes en situation de handicap elles-mêmes, au-delà de l’origine du handicap.

4. Proposition de bonnes pratiques pour réduire le NTU

Le CSNPH souscrit à la plupart des propositions de bonnes pratiques de la revue de littérature, tout en tenant à mettre en avant un certain nombre de points d’attention.

Parmi les bonnes pratiques que le CSNPH accueille favorablement, à noter :

  • L’amélioration de la diffusion et de l’information par la multiplication des formats et des langues (langage clair, FALC, Braille, audio, langues des signes, etc.)
  • Le recours à des programmes de sensibilisation ciblée auprès des publics
  • Une meilleure coordination entre les différentes administrations, services et systèmes de soutien, à travers notamment la création de guichets ou de points de contact uniques, éventuellement sur le modèle d’Integrated Rights Practices déjà testé en Flandre. Par rapport à cette approche, le CSNPH souhaiterait recevoir une évaluation concrète sur le plan notamment de la qualité des réponses, de l’accès effectif aux droits, etc.
  • Faire évoluer la perception du handicap du strictement médical vers le pluridisciplinaire ; de la prévention d’une présumée surconsommation des prestations sociales à une conception basée sur les droits humains, conforme à la Convention des Nations Unies relative aux Droits des Personnes Handicapées (UNCRPD)
  • La nécessité de disposer de données précises chiffrées qui permettront de mesurer l’efficacité des politiques sociales, notamment en matière de NTU
  • La simplification des procédures de demande, des formulaires et la réduction du nombre de documents à présenter
  • La formation du personnel accompagnant de première ligne et notamment la sensibilisation à la réalité et aux besoins des différents types de handicap, y compris les moins visibles
  • Favoriser les visites à domicile des travailleurs sociaux afin de permettre une vision holistique des besoins de la personne en situation de handicap

D’autres bonnes pratiques mises en avant dans l’étude appellent un certain nombre de remarques.

Concernant l’intégration et le partage des données, le CSNPH appelle à l’application de la loi « Only once » du 5 mai 2014 et entrée en vigueur en 2016, qui vise à éviter que les citoyens ne doivent fournir les mêmes informations à plusieurs reprises et « faire le facteur » entre plusieurs services publics. Si l’étude de la KUL, mentionnée dans le rapport à la p. 22, explorant la possibilité d’identifier automatiquement les bénéficiaires potentiels de l’aide sociale en se basant sur les informations disponibles dans la Banque-Carrefour de la Sécurité Sociale (BCSS), semble en effet une idée prometteuse, le CSNPH s’interroge sur les modalités de sa mise en place, en mai 2024, dans Mygov.be. En effet, « la BCSS a conçu avec ses partenaires un système qui permet de générer en format numérique un aperçu des statuts sociaux attribués à une personne ou à ses enfants de moins de 12 ans. Cette démarche personnelle, accessible depuis l’application MyBEnefits, peut désormais être également effectuée dans le cadre du portefeuille digital MyGov.be. L’application permet au citoyen de conserver localement sur son téléphone cette liste de statuts sociaux générée en temps réel. Chaque statut social est accompagné d’un code QR, d’une durée de validité de 15 jours. Via le code QR, le citoyen est en mesure de transmettre en toute sécurité les informations strictement nécessaires et utiles pour vérifier s’il peut bénéficier d’un avantage social. »
(MyGov.be intègre les statuts sociaux | News.belgium). Cette nouvelle fonctionnalité de MyGov.be va certes dans la direction d’une application de la loi « Only once », mais la transmission unique des données repose sur l’initiative personnelle du citoyen et exclut de facto les citoyens ayant peu ou pas de compétences numériques. D’autres questions se posent encore : cet outil va-t-il remplir toutes les fonctionnalités souhaitées ? De nombreuses organisations n’échangent pas encore leurs données : est-ce que cette réalité ne met pas à mal l’efficacité de l’outil ? 

Par ailleurs, le principe “Only once” doit être analysé à la lumière de l’édifice global existant, dont le présent avis dénonce la dimension “contradictoire et schizophrène” selon la porte d’entrée de la demande : si le CSNPH soutient le principe, il ne peut jamais se retourner contre la personne ; il a été expliqué plus haut en quoi cette garantie est totalement inexistante, compte tenu de la constellation réglementaire qui poursuit des objectifs différents.

Pour ce qui est de l’automatisation, le CSNPH renvoie à son avis rendu en 2018 à la suite de la publication du rapport 2016 de l’Observatoire de la Santé Bruxellois consacré au NTU. La question essentielle qui était posée dans le rapport était la suivante : L’automatisation des droits, est-ce la solution à l’accès aux droits ? Les conclusions de ce travail menaient à la constatation que « si en théorie, la numérisation devrait permettre la facilitation, l’amélioration, l’efficacité, la disponibilité des informations, sur le terrain, elle induit une augmentation de la charge de la preuve, des erreurs d’encodage, des blocages pour non-concordance. Les blocages qui apparaissent sont en totale contradiction avec les droits à l’information, à poser des questions, à un accès direct et indirect, à une rectification, etc. » Dans son avis de 2018, le CSNPH en concluait que « L’automatisation des droits est une partie de la réponse aux besoins des personnes : l’accompagnement personnel doit être renforcé car il permet de cerner l’ensemble d’une situation de crise et d’y travailler globalement et spécifiquement au besoin, ce que l’automatisation ne permet bien évidemment pas. Les réformes des services publics ne vont pas dans ce sens et génèrent une perte de qualité et pire ne permettent plus d’aller « chercher » les citoyens les plus vulnérables. […] L’automatisation doit rester un outil d’inclusion et de « rattrapage » et non pas devenir un obstacle à l’inclusion des personnes dans la société. »

En ce qui concerne le recours à l’intelligence artificielle, le CSNPH se réfère une nouvelle fois à sa note de position sur la fracture numérique. Le CSNPH renvoie notamment à la directive européenne sur l’accessibilité web qui impose aux organisations du secteur public d’appliquer la norme européenne EN 301 549 à leurs sites web et outils en ligne, et demande qu’en soient respectés les quatre principes fondamentaux, à savoir :

  1. Principe de perceptibilité : les contenus doivent être proposés de telle sorte que l’utilisateur soit en mesure d’y accéder, grâce à au moins l’un de ses sens. Par exemple, les images sont décrites à l’aide d’un texte de substitution destiné aux utilisateurs ayant une déficience visuelle.
  2. Principe d’utilisabilité : les contenus peuvent être contrôlés grâce à différents outils. Par exemple, les personnes qui ne sont pas en mesure d’utiliser une souris peuvent accéder aux contenus en utilisant uniquement le clavier.
  3. Principe de compréhensibilité : il faut utiliser un langage clair et simple et des interfaces prévisibles et cohérentes. C'est très important pour les personnes ayant des handicaps cognitifs ou un handicap de lecture.
  4. Principe de robustesse : le site internet ou l’application devrait fonctionner correctement sur les différents navigateurs, appareils et plateformes, y compris les technologies d’assistance.

Le CSNPH demande en outre l’application de la « conception inclusive », c’est-à-dire que « toute la diversité des personnes [puisse] bénéficier pleinement des moyens [numériques] d'information et de communication » (https://inclusie.gebruikercentraal.nl/over-de-toolkit-inclusie/wat-is-ontwerpen-voor-inclusie/). Pour ce faire, elle renvoie aux recommandations du réseau Digital Open du SPF Stratégie et Appui (BOSA) :

  1. Facilitez les premiers pas : fournissez des instructions dès le départ.
  2. Proposez des options : assurez-vous qu’il existe un choix pour chaque utilisateur-type différent.
  3. Rassurez pendant le processus : faites savoir aux personnes que leurs actions sont bien prises en compte.
  4. Amenez de la cohérence entre les plateformes : assurez-vous que l’utilisateur se repère visuellement.
  5. Simplifiez le niveau d’information : soyez clair et univoque.
  6. Facilitez la navigation : lors de la conception, pensez à la cohérence globale entre les services.

Enfin, le CSNPH souscrit aux 8 principes directeurs pour une technologie à dimension humaine de la Fondation Roi Baudouin :

  1. S’assurer que la technologie et l’utilisation des données conservent un rôle de facilitation et de soutien, qu’elles soient bien au service des genset de la société. Maximaliser la possibilité pour les citoyens de prendre leurs propres décisions en fonction de leurs besoins en aide et en soins et de leurs souhaits en matière de santé.
  2. Encourager une collaboration continue entre tous les acteurs en créant un écosystème technologique intégré dans lequel l’interopérabilité, les protocoles normalisés et une technologie de base en open source vont de soi. Aider les patients et les citoyens à participer de manière optimale à l’éclosion et au déploiement de cet écosystème.
  3. Délivrer des informations honnêtes, fiables, transparentes et compréhensibles sur les innovations en matière de soins et de santé. Veiller à ce que les personnes puissent poser des choix en toute autonomie et connaissance de cause (consentement véritable) en dépeignant objectivement l’utilité, l’applicabilité, les avantages et les inconvénients des innovations. Les gens doivent pouvoir avoir confiance dans les produits qu’ils adoptent.
  4. Renforcer la confiance des individus et des organisations dans l’utilisation des données et la conception d’innovations qui en exploitent le principe en leur garantissant la propriété sur leurs propres données. Aider les citoyens à partager leurs données en toute sécurité et à les employer comme un levier pour leur bien-être personnel et pour l’intérêt général.
  5. Promouvoir la littératie technologique, les compétences en santé et la participation de tous les citoyens. S’engager en faveur de l’éducation permanente pour tous. Veiller à ce que tout le monde soit impliqué, en ce compris les personnes vulnérables et défavorisées et celles qui réclament une attention plus particulière. L’innovation doit se concentrer sur la réduction des fossés numériques et sanitaires, pas contribuer à leur aggravation.
  6. Développer une gouvernance participative et adaptative du système d’innovation. Encourager les citoyens et les stakeholders à s’impliquer activement. Ajuster les politiques de manière souple mais néanmoins vigoureuse, sur la base des données, de l’expérience, de preuves et d’une expertise croissante.
  7. Elaborer des systèmes d’assurance qualité du processus d’innovation, c.-à-d. avant, pendant et après le développement de la technologie, l’utilisation des données et l’implémentation de la technologie. Le contrôle doit porter sur le contenu, la sécurité, la transparence des informations, la traçabilité, l’utilité et l’efficacité. Les leçons de l’expérience doivent aller de pair avec les preuves scientifiques. Introduire des labels de qualité, et diffuser les résultats des contrôles et évaluations.
  8. Monitorer les actions et vérifier qu’elles restent cohérentes avec les objectifs fixés en matière de santé et de soins dans un cadre plus large de prévention, d’éthique et de durabilité. Intégrer des objectifs de durabilité et des principes éthiques appropriés (par exemple, les droits de l’homme) dans la voie de la croissance de l’innovation.

Plus généralement, le CSNPH attire l’attention sur le fait que les technologies numériques peuvent être insuffisantes pour permettre la participation de chacun, car elles sont souvent déshumanisées. C’est le cas, notamment, des « chatbots » : un programme informatique qui simule et traite les conversations entre les personnes afin que les personnes disposant d'appareils numériques puissent communiquer comme si elles communiquaient avec une personne réelle. De nombreuses personnes en situation de handicap ont besoin d’une aide humaine et instantanée. C’est pourquoi la préservation des guichets et d’interlocuteurs humains est essentielle pour l’accessibilité des services publics. Les collaborateurs du guichet possèdent une expérience et un savoir-faire dans le domaine des procédures administratives, qui ne peuvent pas être remplacés par des moyens numériques.

Enfin, le CSNPH rejoint les auteurs du rapport sur les risques que comporte le recours à l’intelligence artificielle : biais, discriminations, opacité des décisions qui rendent les contestations difficiles. Il en appelle à une extrême prudence, inspirée par les principes repris ci-dessus, pour une mise en œuvre inclusive et accessible de ce nouvel outil.

C. Au sujet des rencontres d’acteurs du secteur

Le CSNPH renvoie à la rencontre du 17 juillet 2024 entre Madame Gisèle Marlière et Monsieur Maarten Ruymen, respectivement présidente et vice-président du CSNPH, et les consultants d’Antares Consulting.

D. Pour ce qui regarde l’enquête

(Remarque : lors de la validation de l’avis lors de la réunion plénière du 18 novembre 2024 par le CSNPH, celui-ci dispose seulement des résultats partiels établis sur la base des données du 30 septembre 2024.)

Le CSNPH salue le triple objectif poursuivi par l’enquête : identifier des bénéficiaires en situation de NTU, détecter des causes de non-recours pour chaque service de la DG HAN et récolter des retours d’expérience des bénéficiaires afin d’améliorer les services. Cependant, il s’interroge sur la correspondance entre ces objectifs et les moyens mis en place pour y parvenir.

En premier lieu, le CSNPH déplore que seules des versions française et néerlandaise du questionnaire aient été prévues initialement et qu’une version allemande ait été diffusée exclusivement via le format en ligne et ce, quinze jours après le démarrage de l’enquête. Cela a réduit le temps de réponse des Germanophones de 5 semaines à seulement 3.

Le CSNPH regrette également que la demande formulée le 26 juillet 2024, lors de la présentation de la revue de littérature, de mettre à disposition des versions de l’enquête en FALC et en langues des signes n’ait pas été suivie.

Le CSNPH estime qu’une réunion de travail eut été souhaitable pour le consulter, ainsi que des associations de terrain, afin de concevoir les questions et les embranchements de l’enquête et en améliorer la pertinence et l’accessibilité. Le CSNPH regrette à ce titre que le questionnaire lui ait été présenté, lors d’un webinaire général, sans possibilité d’en prendre connaissance à l’avance et de suggérer des corrections. Le CSNPH a bien noté que le questionnaire a intégré les réflexions d’une assistante sociale de la DG HAN, du service de Communication et de plusieurs experts du vécu du SPF Sécurité Sociale. Cet apport est bien évidemment utile mais pas nécessairement suffisant. Le CSNPH regrette en particulier que la dernière question de l’enquête n’ait donné la possibilité aux répondants de mentionner qu’un seul changement susceptible de contribuer à améliorer l’accès aux services de la DG HAN. Outre la formulation peu FALC de la question, le CSNPH estime que la DG HAN s’est ainsi privée d’une source importante d’information pour atteindre l’un des objectifs de l’étude : améliorer ses services.

Le CSNPH constate par ailleurs que l’assistance aux participants à l’enquête supposait d’envoyer préalablement un mail pour avoir accès à l’assistance téléphonique. Le CSNPH s’interroge sur le choix d’une telle méthode qui suppose un recours à un outil digital avant de pouvoir bénéficier d’un soutien humain. Cette méthode est en contradiction avec les constatations de la revue de littérature et ses recommandations en reproduisant, dans le cadre de l’enquête, des causes dénoncées du NTU.

Enfin, le CSNPH a pris connaissance avec intérêt des résultats partiels de l’enquête basés sur les données du 30 septembre 2024. Le CSNPH note que 60% des répondants sont soit en contact direct avec la DG HAN soit des bénéficiaires d’aides sociales à travers les mutuelles ou les CPAS. Le CSNPH s’interroge sur la pertinence des canaux de diffusion choisis, eu égard à l’objectif de comprendre les raisons non seulement du NTU secondaire, partiel ou frictionnel, mais aussi du NTU tertiaire, permanent et total. Une collaboration avec des hôpitaux, ou des centres d’accueil par exemple aurait pu s’avérer précieuse pour toucher le public des personnes éloignées des services sociaux.

En définitive et au vu des remarques qui précèdent, le CSNPH estime la démarche de l’enquête intéressante, mais regrette que la méthode et les moyens choisis ratent en partie leur cible.