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Avis 2023/17

 

Avis no 2023/17 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif au rapport du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) en matière de l’accès aux soins de santé des personnes en situation de handicap intellectuel.

Rendu en séance plénière du CSNPH du 19 juin 2023.

Avis rendu d’initiative par le CSNPH.

 

1. AVIS DESTINÉ

Pour suite utile :

  • au KCE ;
  • à Monsieur Frank Vandenbroucke, Vice-Premier ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique.

Pour information :

  • à Madame Karine Lalieux, Ministre des Pensions et de l’Intégration sociale, chargée des Personnes handicapées, de la Lutte contre la pauvreté et de Beliris ;
  • à Unia ;
  • au Mécanisme de coordination de l’UNCRPD ;
  • au Médiateur fédéral.
 

2. OBJET

Au mois de décembre 2022, le KCE a publié un rapport sur la façon d’améliorer l’accès aux soins de santé des personnes en situation de handicap intellectuel. Ce rapport a été présenté au CSNPH en réunion plénière du 20 mars 2023.

 

3. ANALYSE

La Belgique a ratifié la UNCRPD. Art. 25 stipule que les personnes en situation de handicap ont le droit de jouir du meilleur état de santé susceptible d'être atteint. Néanmoins, Special Olympics a noté que souvent de nombreux problèmes de santé ne sont pas diagnostiqués chez les personnes en situation de handicap intellectuelle, ou sont rarement reconnus par les personnes elles-mêmes ou leur entourage. Ainsi, Special Olympics Belgium a soumis une proposition de recherche au KCE avec la question : "Comment mesurer et améliorer l'état de santé des personnes en situation de handicap intellectuel?"

Inclusion asbl a également souligné que l’accès aux soins de santé reste un problème majeur pour les personnes en situation de handicap intellectuel.

A. Question de recherche 1 :

Quelle est l’ampleur des inégalités dans l’accès à certains professionnels et services de santé entre les personnes avec et sans handicap intellectuel?

La réponse est basée sur une analyse des demandes de reconnaissance de handicaps intellectuels auprès de la DG Personnes handicapées (DG HAN) et du remboursement des dépenses de santé à ces personnes (données de l’Agence intermutualiste).

Le problème est qu’il n’existe pas de base de données ni de registre permettant d’identifier ces personnes en situation de handicap en Belgique. C’est pourquoi il a été fait appel aux données de la DG HAN. Le manque de données spécifiques relatives au handicap intellectuel empêche de bien cerner leurs besoins spécifiques et d’adapter les soins en conséquence.

L’analyse ne montre pas de différence notable en matière d’accès au médecin traitant, mais des différences bien marquées en ce qui concerne l’accès au gynécologue et au dentiste.

Ces constats ne sont pas représentatifs de tous les soins prestés.

⇒ Recommandation du KCE : collecte de données — identification des personnes en situation de handicap intellectuel, de leur degré de handicap, de leur utilisation des soins de santé et de leurs besoins en soins de santé. Cet aperçu devrait également inclure des variables contextuelles, telles que le lieu de résidence, et des variables socio-économiques afin de mieux adapter les réponses du système de santé aux besoins des personnes en situation de handicap.

B. Question de recherche 2 :

Quels sont les obstacles à l’accès aux soins de santé pour les personnes en situation de handicap intellectuel et quelles sont les solutions pour y remédier?

La réponse est basée sur les obstacles communs identifiés d’une part dans la littérature et révélés d’autre part lors d’entretiens avec des professionnels du secteur du handicap, des personnes en situation de handicap intellectuel et des aidants proches.

Le premier constat est qu’il y a en Belgique une offre de soins générale et qu’il n’existe pas de trajectoire de soins de santé spécifique pour les personnes en situation de handicap intellectuel. Ces personnes ont pourtant des besoins spécifiques, auxquels aucune réponse n’est proposée (p. ex. informations en langage FALC…).

Les obstacles identifiés ont été répartis en 5 catégories :

    1. Obstacles liés aux attitudes et stéréotypes :
      D’une part, des préjugés subsistent du côté des professionnels de la santé. Ils portent sur l’idée que les personnes en situation de handicap intellectuel ne soient pas capables de comprendre certaines choses et que les plaintes de la personne soient liées au handicap intellectuel. Ces préjugés se font au détriment d’un véritable diagnostic ou de certaines options de traitement, qui ne leur sont pas proposées, voire qui leur sont refusées. Les préjugés induisent donc une attitude globalement négative à leur égard.
      D’autre part, les personnes en situation de handicap intellectuel adoptent certains comportements par peur de l’inconnu qui les empêchent d’avoir accès à des soins de qualité. Le manque de temps de la part de l’entourage pour préparer la personne au préalable peut renforcer sa crainte. Par ailleurs, une seule mauvaise expérience avec un médecin peut également engendrer des stéréotypes et renforcer leur propension à éviter le recours aux soins.

    2. Obstacles liés aux connaissances et compétences :
      D’une part, la plupart des professionnels de la santé ne sont pas formés à reconnaître les signes cliniques propres aux personnes en situation de handicap intellectuel, à identifier leurs besoins spécifiques ou à comprendre ce qu’est, signifie et entraîne le handicap. Ils interprètent parfois certains comportements «difficiles» comme des symptômes de maladie psychiatrique au lieu de signes de maladie somatique et de douleur. Le fait que les personnes en situation de handicap intellectuel sont insuffisamment représentées dans de nombreuses enquêtes de santé publique peut expliquer en partie l’inexistence de données spécifiques aux handicaps intellectuels.
      D’autre part, les personnes en situation de handicap intellectuel elles-mêmes manquent souvent de littératie en santé. Elles ne perçoivent généralement pas l’importance de la santé, de la prévention et des comportements sains et ne se rendent pas compte de la gravité de la situation.
      Tant les professionnels de la santé que les personnes en situation de handicap ne sont pas bien informés sur les aides financières et logistiques existantes.

    3. Obstacles liés à la communication  :
      La numérisation croissante des services de santé dresse sur le trajet des personnes en situation de handicap intellectuel des obstacles infranchissables.
      Le manque chronique de temps et de disponibilité d’écoute des professionnels de la santé les empêche de simplifier le langage compliqué utilisé.
      Le manque de communication entre soignants est un autre problème qui génère un fort sentiment d’impuissance chez les proches des personnes en situation de handicap. Les proches sont souvent obligés de s’adresser à plusieurs reprises à différentes organisations et de répéter les mêmes informations pour obtenir de l’aide.

    4. Obstacles organisationnels :
      Le manque de temps chez le personnel soignant ne lui permet pas de procéder à des aménagements raisonnables pour les personnes en situation de handicap intellectuel. Elles ont souvent besoin de consultations plus longues, de plus d’accompagnement.
      Le manque de temps caractérise également les formations des professionnels de la santé : les caractéristiques spécifiques aux personnes en situation de handicap n’y sont pas traitées ou le sont indirectement.
      De plus, il est essentiel de clarifier la signalisation dans les centres médicaux pour les personnes en situation de handicap intellectuel.

    5. Obstacles d’ordre politique et social :
      Il existe des lois en faveur d’un accès équitable pour tous à la santé et aux soins de santé, mais elles ne sont pas appliquées : des aménagements raisonnables ne sont donc pas mis en place.
      Il y a un manque de financement des soins et services pour ces personnes. Par exemple : l’absence de financement pour le temps supplémentaire nécessaire à une consultation médicale de qualité. De plus, les hôpitaux manquent de ressources pour organiser un accueil personnalisé pour ces personnes aux besoins particuliers.
      Les obstacles d’ordre social augmentent également le manque de possibilités pour les proches d’aménager leur temps de travail et d’accompagner une personne en situation de handicap intellectuel à un rendez-vous médical.

C. Question de recherche 3 :

Quelles sont, d’après les stakeholders belges, les solutions acceptables et réalistes pour améliorer l’accès aux soins de santé pour les personnes en situation de handicap intellectuel?

Des solutions ont été identifiées grâce à des entretiens avec des personnes en situation de handicap et leur entourage, à des initiatives existantes et à la littérature, et ont été proposées à des stakeholders et à des experts. Il a ainsi été discuté de leur acceptabilité et de leur faisabilité.
Ces solutions ne constituent par conséquent pas une liste exhaustive, mais des suggestions qui ont retenu l’attention des stakeholders.

    1. Accès à des informations sur la santé claires, fiables et centralisées :
      Avant de pouvoir participer aux décisions relatives à leur santé, les personnes en situation de handicap intellectuel ont a fortiori besoin d’avoir accès à des informations compréhensibles sur la santé.
      Tout d’abord, cela signifie que les institutions (de soins) de santé devraient prévoir une version FALC des informations considérées comme pertinentes par les principaux acteurs des soins aux personnes en situation de handicap. La sélection d’informations se fait donc en concertation. Les institutions qui devraient y travailler sont entre autres les mutualités, le SPF Santé publique, l’INAMI, les entités fédérées, les sites axés sur l’information en matière de santé en général (http://www.gezondheidenwetenschap.be/ ou http://www.infosante.be/)…
      Étant donné que les contacts se font de plus en plus en ligne, il convient de tenir compte de l’exclusion numérique. Il faut donc améliorer la littératie numérique et conserver un accompagnement humain.

    2. Sensibilisation à la détection de symptômes alarmants :
      Il est nécessaire d’organiser des campagnes annuelles d’information diffusant des outils adaptés, en concertation avec des associations de personnes handicapées.
      Le public cible est très large : les personnes en situation de handicap intellectuel, leur entourage, le secteur du handicap, les entreprises de travail adapté…
      Il est également nécessaire que les personnes en situation de handicap intellectuel apprennent à exprimer les symptômes qu’elles ressentent. Les professionnels de santé doivent donc réapprendre à adapter leurs outils de communication à ce public. Il est nécessaire d’organiser des formations à cet effet.

    3. Répertoire centralisé des professionnels de santé «accessibles»:
      Il faut créer un répertoire centralisé des professionnels qualifiés qui indiquent leur niveau d’accessibilité (respect des normes PMR, utilisation d’un langage FALC…).
      Cette accessibilité pourrait également faire l’objet d’un audit et d’une labélisation via des organismes spécialisés.
      Dans l’idéal, ce répertoire devrait être centralisé au niveau fédéral.

    4. Accompagnement dans la prise de décisions :
      Les autorités devraient lancer des campagnes de sensibilisation afin d’encourager l’entourage des personnes en situation de handicap intellectuel à discuter avec celles-ci de leurs préférences et besoins en matière de santé et de soins.
      Ces dialogues peuvent être facilités par l’utilisation d’outils, tels que les livrets Smile développés par Inclusion asbl, qui contiennent des affirmations accompagnées de smileys : souriant, neutre, fâché et d’autres pictogrammes pour permettre aux personnes en situation de handicap intellectuel de donner leur avis facilement.
      Il est évident qu’un tel outil ne suffit pas, et que les proches doivent pouvoir compter sur un soutien et un accompagnement en matière de communication. Il faut également prévoir du temps pour ces entretiens (congé de soins pour les aidants proches, consultations plus longues et rémunérées auprès de professionnels).

    5. La coordination des informations sur la santé est cruciale :
      Un médecin traitant fixe peut coordonner tous les contacts avec les spécialistes. L’importance de cette démarche peut être expliquée dans une campagne d’information mise sur pied par l’AVIQ, le Service PHARE, la VAPH, Opgroeien, Brusselse Aanmeldingspunt voor Personen met een Handicap (BrAP) et le Dienststelle für Selbstbestimmtes Leben (DSL), en collaboration avec le Collège de Médecine générale (CMG), Domus Medica et les mutualités.
      De plus, les services existants comme le portail en ligne Ma santé devraient également être proposés en langage FALC. Permettre la circulation des informations grâce au dossier informatique serait un plus.
      Une concertation multidisciplinaire annuelle devrait être organisée par le médecin généraliste ou un professionnel de santé référent. Pour le suivi, un rapport écrit et un éventuel plan de soins doivent être mis sur pied (en langage FALC). Tous les professionnels impliqués doivent recevoir une indemnité spécifique.
      Lors du passage d’une personne des soins pédiatriques aux soins pour adultes, un plan de transition devrait être élaboré et une concertation spécifique devrait être organisée.
      En vue de faciliter la communication, il peut être fait appel à des outils visuels comme les Babbelgidsen développés par Dito. En plus des informations médicales, ce support devrait comprendre une description des besoins et du fonctionnement de la personne en situation de handicap intellectuel. Il serait souhaitable que les associations de médecine générale apportent leur aide pour sélectionner et adapter de tels outils.

    6. Améliorer l’accès aux soins préventifs :
      De nouveau, le médecin généraliste chargé du DMG (Dossier Médical Global) est une figure clé, mais d’autres professionnels pourraient également être impliqués dans ce suivi préventif, à condition que toutes les informations soient transmises au médecin généraliste. Notamment, les travailleurs sociaux, les psychologues, les aides à domicile, les infirmiers à domicile, les aides familiales et autres professionnels qui peuvent également préparer la personne à ces visites ou organiser les déplacements.
      L’INAMI doit alors créer un code de nomenclature pour au moins une consultation annuelle de longue durée. Ce code servirait à réaliser un bilan de santé et à organiser les dépistages et suivis préventifs nécessaires.
      Par ailleurs, d’autres incitants financiers devraient également être mis en place par l’INAMI, en collaboration avec les entités fédérées et les mutualités, afin d’améliorer la couverture des soins préventifs. Par exemple, l’envoi d’invitations annuelles pour certaines vaccinations ou des suivis peut être rémunéré.
      Enfin, il faut en général investir davantage (de ressources financières et humaines) dans la politique des soins préventifs.

    7. Améliorer le suivi du diabète :
      D’après la littérature, le diabète est particulièrement prévalent dans la population des personnes en situation de handicap intellectuel. Actuellement, l’éducation pour la santé ciblée sur le diabète ne peut être facturée que si la prestation est dispensée au domicile privé du patient. Il serait donc nécessaire que l’INAMI modifie la nomenclature des soins infirmiers pour permettre sa facturation également pour les personnes vivant en institution. Des honoraires supplémentaires pourraient être prévus pour les infirmiers ayant suivi une formation au langage FALC.

    8. Accessibilité des soins :
      Il existe une nomenclature permettant aux spécialistes de visiter le lieu de résidence des patients pour leur donner un avis (au domicile ou en institution). Cette possibilité gagnerait à être mieux connue des médecins généralistes et des spécialistes.
      Par ailleurs, certaines institutions disposent d’une infrastructure qui permet d’organiser des consultations dans leurs locaux. Ce type de système devait être plus étendu (non seulement en termes du nombre d’institutions, mais aussi de patients : être également ouvert à d’autres personnes qui ne résident pas dans ces institutions, mais pour qui les déplacements sont difficiles).
      Les initiatives de soins mobiles doivent être plus répandues et davantage soutenues financièrement.
      Il convient de se concentrer sur l’amélioration du transport de patients vers les établissements de soins (prix, nombre de véhicules, procédures de réservation, accompagnement…).
      En cas de transport urgent, la présence d’un accompagnateur doit être possible ; emmener les personnes en situation de handicap intellectuel, si la situation le permet, vers leur hôpital de référence plutôt que vers l’hôpital le plus proche doit être la procédure par défaut.

    9. Conditions de consultation adaptées :
      Les personnes en situation de handicap intellectuel ont des besoins spécifiques. En vue de réduire l’anxiété du patient, il conviendrait d’éviter les temps d’attente trop longs, par exemple en proposant un rendez-vous en début de journée. De plus, il conviendrait d’instaurer des consultations plus longues avec un code de nomenclature. Les professionnels certifiés pour fournir ces prestations longues doivent être formés pour pouvoir communiquer de manière appropriée avec les personnes relevant du statut de « personnes ayant des besoins particuliers ».

    10. Rendre le milieu hospitalier plus accessible :
      Il doit y avoir un point de contact dans les hôpitaux pour coordonner l’échange d’informations : des soins de 1re ligne, des soins hospitaliers ambulatoires et résidentiels.
      De plus, les informations doivent être disponibles en langage FALC, comme stipulé à l’art. 7 de la loi relative aux droits du patient.
      Il faut assurer l’accompagnement par un proche du choix de la personne.
      Le personnel d’accueil doit suivre des formations sur les besoins spécifiques des personnes en situation de handicap intellectuel. Une autre option serait de proposer un navigateur de soins : une personne formée pour aider les patients à naviguer au sein de l’hôpital.
      Exemple : à l’hôpital AZ Delta de Roeselare, le projet Unieke Mensen a été mis en place dans le service de pédiatrie. Il consiste à évaluer, avant l’arrivée d’un enfant en situation de handicap, quels sont ses besoins spécifiques. Lorsque l’enfant arrive, il est accueilli personnellement dès l’entrée et tout le monde est briefé. Cela crée une atmosphère de confiance.
      L’environnement physique doit être adapté avec la participation des organisations de personnes en situation de handicap (intellectuel).
      Il faut formaliser la reconnaissance du handicap intellectuel comme raison médicale pour bénéficier d’une chambre individuelle.
      Les personnes en situation de handicap intellectuel doivent faire partie du programme des «experts du vécu» de l’INAMI et du SPP Intégration sociale.
      Des centres de coordination et de concertation multidisciplinaire doivent être présents dans chaque région/réseau hospitalier pour les personnes en situation de handicap intellectuel. Ces centres se chargeraient de réaliser des bilans de santé annuels.

    11. Détection de problèmes de santé :
      Le personnel du secteur du handicap est souvent en première ligne pour observer le comportement de personnes qu’il connait bien. Il peut donc jouer un rôle important dans la détection de problèmes de santé. Il serait judicieux de leur proposer une formation pour utiliser des outils servant à décoder les plaintes et à reconnaître certains symptômes.
      En dehors du secteur du handicap, les professionnels de la santé ont également besoin de guidelines et de formations tout d’abord en termes de communication, mais également pour les doubles diagnostics (comorbidité) associés au handicap, etc.

    12. Collecte de données :
      Pour identifier les besoins des personnes en situation de handicap intellectuel, il faut d’abord procéder à une collecte de données.
      Il serait intéressant que, d’une part, l’enquête nationale par interview sur la santé (HIS) de Sciensano puisse inclure une question permettant l’identification des participants en situation de handicap, et d’autre part, de réaliser une enquête supplémentaire ciblant les personnes en situation de handicap intellectuel.
      L’utilisation de la nomenclature pour traiter les personnes à domicile doit aussi faire l’objet d’un suivi.

 

4. AVIS

Le CSNPH tient tout d’abord à souligner que de nombreuses recommandations formulées dans l’avis sont valables pour l’ensemble des personnes en situation de handicap et, par conséquent, ne se limitent pas aux personnes en situation de handicap intellectuel.

A. Concernant l’accessibilité de l’information et de la communication :

Le CSNPH était content de lire dans le projet de modernisation de la loi relative aux droits du patient (voir Avis 2023/11) à l’article 7 que les informations doivent être fournies d’une manière qui tient compte des capacités de compréhension du patient. Par ailleurs, le patient devrait également recevoir les informations complexes par écrit. Ceci se rattache à l’article 9 (1)(b) de la UNCRPD qui prévoit l’obligation de prendre des mesures appropriées pour assurer l’accès à la communication.
Afin de ne pas exclure d’autres formes de handicap et les handicaps multiples, il est également important que les informations soient proposées en langue des signes et que les informations complexes soient accessibles aux personnes aveugles et malvoyantes (format compatible avec des lecteurs d’écran et/ou en braille).

Le CSNPH souligne la nécessité de proposer les informations générales sur la santé en langage FALC, il s’agit en effet d’une première étape pour aider les personnes à suivre leur santé. La sélection d’informations (du SPF Santé publique, des mutualités, de l’INAMI…) doit en effet se faire en concertation avec des organisations qui représentent les personnes en situation de handicap intellectuel. Il ne faut pas non plus oublier la langue des signes, voir Avis 2023/03.

Conformément à l’art. 25 (a) de la UNCRPD, le CSNPH tient à rappeler les convocations du Comité UNCRPD (point 21 (c)) en 2019, de la Commission européenne dans la stratégie relative aux droits des personnes handicapées et du Comité CEDAW en novembre 2022 pour améliorer l’accès aux droits sexuels et reproductifs. La garantie de ces droits (également auprès des personnes en situation de handicap intellectuel) commence en effet par la possession d’informations fiables et accessibles.

⇒ Les informations individuelles et générales importantes sur la santé doivent être proposées en langage FALC et en langue des signes.

Le CSNPH souligne que les personnes en situation de handicap sont plus souvent confrontées à l’exclusion numérique et ont donc davantage besoin de services humains. La nécessité d’un service non numérique a également été reconnue par le Parlement européen dans sa résolution du 15 mars 2023 sur un revenu minimum adéquat.

De plus, le KCE conseille, tout comme le CSNPH (voir Avis 2023/03) de prévoir des formations pour les professionnels, notamment en matière de communication. Le CSNPH est également favorable à un répertoire centralisé des professionnels qualifiés qui indique leur niveau d’accessibilité et auquel un éventuel label pourrait être attaché. Un tel répertoire devrait pouvoir utiliser différents critères : l’utilisation du langage FALC, le respect de certaines normes d’accessibilité dans le bâtiment, la connaissance de la langue des signes…

⇒ Il convient de mettre davantage l’accent sur l’inclusion des personnes en situation de handicap dans les cursus médicaux et la formation continue. Les médecins doivent apprendre à adopter un comportement adapté vis-à-vis des personnes en situation de handicap (intellectuel) et de l’aidant proche.

⇒ Il serait bon de disposer d’un répertoire centralisé reprenant le niveau d’accessibilité de certains professionnels.

B. Concernant l’accompagnement dans la prise de décisions :

Le projet de modernisation de la loi relative aux droits du patient prévoit une modification de l’art. 14 de cette loi, de sorte que les droits du patient correspondent le plus possible aux préférences exprimées par ce dernier. Ceci est conforme à l’art. 12 de la UNCRPD et est une bonne adaptation (voir Avis 2023/11).

Concernant les outils possibles comme les livrets Smile de Inclusion asbl, il serait bon de promouvoir le développement de tels outils.

⇒ Conformément à l’art. 12 de la UNCRPD, le patient doit continuer d’occuper une place centrale en ce qui concerne les besoins et les préférences en termes de soins.

⇒ Il faut miser sur la promotion du développement d’outils qui simplifient le dialogue lors de la prise de décisions.

C. En termes d’accessibilité des soins :

Conformément à l’art. 9 (1)(a) et l’art. 25 (c) de la UNCRPD, les soins doivent en effet être dispensés aussi près que possible du domicile du bénéficiaire.

L’inégalité quant à la nomenclature pour l’éducation pour la santé ciblée sur le diabète doit être résolue : l’INAMI doit également veiller au remboursement de la formation donnée aux personnes en institution.

Le CSNPH est favorable à la mise en place d’infrastructures dans les institutions pour organiser des consultations pour les personnes qui ont des difficultés à marcher. Bien que cela relève de la compétence régionale, les collaborations entre les entités fédérées et, notamment, l’INAMI sont recommandées. Par ailleurs, le CSNPH rappelle que la Belgique dans son ensemble est obligée de répondre à ses engagements internationaux en vertu de la UNCRPD de manière progressive et de bonne foi, comme stipulé à l’art. 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Au niveau international, l’échec d’une entité signifie l’échec de tout le pays.

⇒ Il convient de promouvoir la nomenclature permettant aux spécialistes de donner des renseignements aux patients à leur domicile, surtout pour les personnes en situation de handicap. La présence d’un poste de garde à proximité n’enlève point le besoin des personnes en situation de handicap intellectuel d’un environnement familier.

⇒ Les initiatives de soins mobiles doivent être plus répandues et faire l’objet d’un meilleur soutien financier.

⇒ Le transport vers et depuis les établissements de soins doit être amélioré. On peut penser à la garantie d’une assistance lors de déplacements intermodaux (voir Avis 2023/03). Sur le chemin du retour, il est important de prêter attention à l’état vulnérable d’une personne après un traitement et au besoin d’une éventuelle assistance.

⇒ L’accompagnement des personnes en situation de handicap doit devenir une procédure par défaut dans la prestation de soins (y compris lors de transports urgents, de consultations, d’interventions…). Il est donc essentiel que l’accompagnement ne soit pas limité à une seule personne de confiance (voir Avis 2023/11 relatif à la modernisation de la loi sur les droits du patient : proposition d’introduction du droit à une personne de confiance dans un nouvel art. 11/1 de la loi relative aux droits du patient). En fonction du contexte, la personne pourrait en effet avoir besoin d’autres accompagnants.

Le CSNPH souhaiterait également rappeler sa position (voir Avis 2016/13) sur le non-remboursement par l’INAMI de la logopédie monodisciplinaire pour les personnes avec un QI estimé inférieur à 86 et/ou ayant un trouble du spectre autistique. Ce soin doit être accessible - voir Avis 2023/21.

D. Concernant l’accueil adapté/les conditions de consultation adaptées :

Le CSNPH a déjà soulevé, conformément à l’art. 9 de la UNCRPD, la nécessité d’une signalisation facilement compréhensible dans les bâtiments ouverts au public comme les hôpitaux (qui doit également être uniforme dans tout le pays), d’informations audio (signaux et annonces), etc. Bien entendu, il devrait être possible d’obtenir des renseignements sur demande, mais la signalisation donne aux personnes en situation de handicap une plus grande autonomie que la dépendance directe à l’égard d’un « navigateur de soins », comme le propose le KCE.

⇒ Les hôpitaux devraient disposer d’une signalisation uniforme et facile à comprendre. La possibilité d’informations audio doit être étudiée.

Par ailleurs, il serait bon que le personnel d’accueil suive une formation sur les besoins spécifiques des personnes en situation de handicap (intellectuel), comme recommandé par le KCE. Ceci est conforme à la demande du CSNPH de prévoir des équipes d’accueil spéciales pour les personnes en situation de handicap.

⇒ Le personnel d’accueil dans les hôpitaux doit pouvoir bénéficier d’une formation sur les besoins des personnes en situation de handicap (intellectuel).

⇒ Les hôpitaux qui organisent de telles formations doivent recevoir un soutien financier.

Le CSNPH demande, tout comme le KCE, de donner cette possibilité sous la forme d’une nomenclature spécifique pour les consultations plus longues. Il s’agit d’une forme d’aménagement raisonnable, surtout à l’égard des personnes en situation de handicap intellectuel.

⇒ Il faut introduire une nomenclature spécifique qui permette aux personnes en situation de handicap (intellectuel) de bénéficier de consultations plus longues.

Le CSNPH trouve que les Babbelgidsen de Dito sont un bel exemple de dispositif de soutien de la concertation entre le médecin et le patient en situation de handicap intellectuel. Le CSNPH plaide donc pour une collaboration entre les associations de médecins, les associations de patients et les organisations qui représentent les personnes en situation de handicap afin d’élaborer un outil cohérent à l’échelle de la Belgique en soutien à la concertation avec le médecin (aide pour verbaliser les symptômes…).

⇒ Une collaboration est requise pour mettre en place un dispositif visuel en vue de faciliter la concertation entre le médecin et le patient en situation de handicap intellectuel. Cet outil se doit d’être cohérent et disponible dans toute la Belgique.

E. Concernant la coordination de l’information :

La coordination et l’échange d’informations sont essentiels. Il serait donc utile de disposer, pour les dossiers complexes auxquels sont liés différents professionnels, d’un dossier entièrement numérique accessible à toutes les personnes concernées (professionnels de la santé, soignants, travailleurs sociaux…). Conformément au droit de protection des données, le patient doit bien entendu donner son consentement pour la confection d’un tel dossier électronique général ainsi qu’à toute personne concernée qui y aura accès. Le dossier doit en effet être disponible en langage FALC pour le patient en situation de handicap intellectuel en question.

En effet, il est vrai que le médecin généraliste, en tant qu’acteur de première ligne dans le domaine des soins de santé, devrait en tout cas être au courant de tous les contacts avec les professionnels. Toutefois, la responsabilité du partage des informations devrait être individuelle (valable pour chaque personne concernée).

⇒ Permettre les échanges de données multidisciplinaires grâce à un dossier électronique disponible en langage FALC, avec le consentement du patient pour chaque personne concernée y ayant accès.

F. Concernant la médecine préventive :

Des formations doivent être ouvertes aux personnes en situation de handicap intellectuel et à toutes les personnes en contact avec elles, pour apprendre à reconnaître les symptômes et à décrypter certaines plaintes (personnes du secteur du handicap, aidants qualifiés, famille…).

Ces formations devraient être obligatoires pour les professionnels médicaux, afin qu’ils ne considèrent pas les symptômes comme résultant d’un handicap (intellectuel).

⇒ Il convient d’investir dans l’élaboration de formations et de directives autour de la reconnaissance des symptômes, en particulier pour les professionnels de la santé.

Le CSNPH est favorable à une concertation multidisciplinaire annuelle et à un contrôle de santé organisé par le médecin traitant ou un mécanisme de coordination au sein d’un hôpital. Naturellement, une nomenclature doit être prévue à cet effet.

⇒ Il faut préparer une nomenclature pour une concertation multidisciplinaire annuelle et un contrôle de santé.

G. Concernant la collecte de données :

La ventilation des données en fonction du statut du handicap (degré du handicap et besoins spécifiques) est importante. Le KCE propose de contrôler l’utilisation de la nomenclature qui indemnise les consultations à domicile et propose à Sciensano d’inclure une question pour identifier les personnes en situation de handicap dans l’Enquête nationale sur la santé.

Le CSNPH estime (Avis 2023/03) que des questions qui permettent d’identifier les personnes en situation de handicap peuvent également être posées lors du recensement. À cet égard, les questions posées par le Washington Group on Disability Statistics peuvent également être prises en compte. Il s’agit d’une recommandation du Comité UNCRPD.

⇒ Compte tenu de l’approche du handicap fondée sur les droits humains en vertu de la UNCRPD, il convient d’utiliser lors du recensement et de l’Enquête nationale sur la santé des questions qui permettent d’identifier les personnes en situation de handicap.

⇒ Il est également nécessaire de pouvoir distinguer les personnes en situation de handicap intellectuel au sein de ce groupe.