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Avis 2023/14

 

Avis no 2023/14 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif à la proposition de résolution de la Chambre visant à promouvoir l’occupation de personnes en situation de handicap (DOC 55 3318/001), rendu en séance plénière du 19 juin 2023.

Avis rendu d’initiative par le CSNPH.

 

1. AVIS DESTINÉ

Pour suite utile aux députés suivants :

  • Madame Nahima Lanjri ;
  • Madame Nathalie Muylle ;
  • Madame Nawal Farih ;
  • Monsieur Servais Verherstraeten ;
  • Monsieur Wouter Beke.

Pour information :

  • À Madame Karine Lalieux, Ministre des Pensions et de l’Intégration sociale, chargée des Personnes handicapées, de la Lutte contre la pauvreté et de Beliris ;
  • À Monsieur Pierre-Yves Dermagne, Vice-Premier ministre et Ministre de l’Économie et du Travail ;
  • À Madame Marie-Colline Leroy, Secrétaire d’État à l’Égalité des genres, à l’Égalité des chances et à la Diversité ;
  • À Monsieur Jo Brouns, Ministre flamand de l’Économie, de l’Innovation, de l’Emploi, de l’Économie sociale et de l’Agriculture ;
  • À Monsieur Bernard Clerfayt, Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé de l’Emploi et de la Formation professionnelle, de la Transition numérique, des Pouvoirs locaux et du Bien-être animal ;
  • À Madame Christie Morreale, Vice-ministre-présidente du Gouvernement wallon et Ministre de l’Emploi, de l’Action sociale, de la Santé et de l’Égalité des Chances;
  • À Madame Isabelle Weykmans, Vice-ministre-présidente de la Communauté germanophone et Ministre de la Culture et des Sports, de l’Emploi et des Médias ;
  • À Monsieur Frédéric Daerden, Vice-ministre-président de la Communauté française et Ministre du Budget, de la Fonction publique et de l’Égalité des chances ;
  • À Madame Nawal Ben Hamou, Secrétaire d’État à la Région de Bruxelles-Capitale, chargée du Logement et de l’Égalité des chances;
  • À Monsieur Bart Somers, Vice-ministre-président du Gouvernement flamand et Ministre flamand de l’Administration intérieure, de la Gouvernance publique, de l’Insertion civique et de l’Égalité des Chances;
  • A Unia ;
  • Au Mécanisme de coordination de l’UNCRPD ;
  • Au Médiateur fédéral.
 

2. OBJET

En date du 19 avril 2023, Madame Nahima Lanjri a déposé une Proposition de Résolution à la Chambre visant à promouvoir l’occupation de personnes en situation de handicap.

 

3. ANALYSE

A. Constats :

i. La Belgique n’est pas performante lorsqu’il s’agit d’offrir des opportunités d’emploi aux personnes en situation de handicap :
En Belgique, l’écart en matière de participation à l’emploi est plus de 10 % supérieur à la moyenne européenne. Les femmes en situation de handicap sont doublement touchées, car elles ont moins de chances de trouver un travail que les hommes en situation de handicap. Cela s’applique à la fois au secteur privé, à l’emploi dans une entreprise de travail adapté et à l’emploi auprès des autorités fédérales.

ii. La proposition de résolution part de la définition du handicap de la UNCRPD

iii. L’enquête de terrain sur le marché du travail gantois et les signalements reçus par Unia montrent une grande discrimination envers les personnes en situation de handicap. Les employeurs ont encore trop de stéréotypes et de préjugés à leur égard, ce qui a un impact sur les chances de recrutement des personnes en situation de handicap. Les travailleurs indépendants en situation de handicap recevront par exemple moins rapidement un crédit.

Par ailleurs, les employeurs ne savent pas toujours qu’ils peuvent recevoir une aide financière pour les aménagements raisonnables sur le lieu de travail et trouvent que les procédures de demande de ces primes sont trop complexes.

iv. Économiquement avantageux pour tous :

Le marché du travail belge fait face à une pénurie, qui ne fera qu’augmenter avec le vieillissement de la population. L’activation des personnes en situation de handicap inactives ne profitera pas seulement à la productivité des entreprises belges, mais aussi à la cagnotte de l’État compte tenu du fait que les dépenses que représente pour les pouvoirs publics le paiement de l’allocation de remplacement de revenus diminueront et que les impôts sur le travail assureront au gouvernement des recettes supplémentaires.

v. Obligation sociétale :

Le fait d’avoir un emploi représente bien plus que le travail en lui-même ; c’est aussi l’occasion de s’épanouir, de faire connaissance et, de manière générale, de participer à la société sur un pied d’égalité. L’art. 22ter de la Constitution stipule d’ailleurs que chaque personne en situation de handicap a le droit à une pleine inclusion dans la société.

Par ailleurs, avoir un emploi digne de ce nom réduit le risque de pauvreté disproportionné des personnes en situation de handicap.

En outre, il ressort de nombreuses études que la diversité sur le lieu de travail amène davantage de créativité et d’innovation et évite une vision étroite des choses.

vi. L’administration fédérale n’est pas encore un bon exemple :

Bien qu’il existe un quota de 3 %, il n’a encore jamais été atteint. Il serait bon de demander aux organismes publics de s’expliquer si le quota n’est pas atteint et de tenir compte du respect de ce quota au moment de l’évaluation de hauts fonctionnaires.

Il est nécessaire de procéder à une meilleure collecte des données. Ces données doivent également être correctes et les personnes qui travaillent dans une entreprise de travail adapté et qui accomplissent des tâches de service public ne doivent pas être prises en compte dans le quota de 3 %.

La proposition de résolution appelle à une collaboration plus étroite avec les offices de l’emploi comme le VDAB, Actiris et le Forem, mais aussi avec les organisations représentatives des personnes handicapées afin d’assurer activement une meilleure adéquation entre les personnes handicapées et le profil des fonctions vacantes au sein de l’administration fédérale.

En outre, il convient de revoir les procédures de recrutement.

    • Du point de vue du contenu : les tests actuels se concentrent sur des compétences génériques dont les personnes n’auront pas nécessairement besoin dans l’exercice de leur fonction.
    • Du point de vue de l’accessibilité : plus d’options qu’une simple présence physique à Bruxelles au Selor (connu depuis peu sous le nom de travaillerpour.be) ; des bâtiments accessibles…

vii. L’emploi est surtout stimulé par des mesures de soutien financier pour les employeurs :

    • En Flandre, il est possible de recevoir (à partir du 1erjuillet 2023) une prime salariale et une prime d’accompagnement dans le cadre du travail adapté individuel.
    • En Région wallonne, il s’agit d’une prime de compensation, destinée à compenser l’éventuelle perte de productivité.
    • En Région de Bruxelles-Capitale, il est possible de recevoir une prime d’insertion et une prime de sensibilisation.

viii. La coopération interfédérale est cruciale :
Les compétences relatives à la politique des personnes handicapées sont éparpillées entre les différents niveaux de pouvoir. Par ailleurs, une collaboration s’impose également sur le plan de la collecte et de l’échange de données.

ix. Nécessité de représenter les personnes en situation de handicap au sein du Conseil national du travail (CNT) :
Le CNT est une instance exerçant une grande influence sur la politique du marché du travail, mais les avis relatifs à l’inclusion des personnes en situation de handicap sur les lieux de travail sont rares, voire inexistants.

x. Nécessité d’offrir des options de formation accessibles :
Les personnes en situation de handicap ont généralement un niveau de formation inférieur à la moyenne de la population active.
C’est pourquoi il est essentiel de leur donner accès à l’éducation, à la formation professionnelle et à des formations tant au travail qu’en dehors.

xi. Mettre l’accent sur une coopération entre les entreprises de travail adapté et les entreprises régulières :
Les conseillers des entreprises de travail adapté disposent d’une connaissance et d’une expertise solides du travail leur permettant de travailler avec des personnes assez éloignées du marché du travail.
Le partage de ces connaissances et de cette expérience peut conduire à un meilleur accompagnement des personnes en situation de handicap sur le marché du travail.

xii. Besoin urgent de campagnes d’information et de sensibilisation pour les employeurs :
La nouvelle culture du travail doit se concentrer sur l’inclusion et la diversité. Les employeurs doivent apprendre à faire du job crafting (adaptation de la manière de travailler).

xiii. Recalculer l’ARR la même année et non pas l’année X+1

xiv. Nécessité de quotas dans le secteur privé :
Beaucoup des pays de l’UE qui obtiennent le meilleur score en matière de disability gap recourent à des quotas. Entre autres, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, le Luxembourg et l’Autriche font partie des pays qui appliquent un système de quotas en faveur des personnes en situation de handicap.

xv. Mettre l’accent sur l’incitation à l’entrepreneuriat :
Il y a aujourd’hui un manque d’informations sur les modalités d’installation comme indépendant, sur les possibilités d’aide, sur l’impact de ce travail sur les allocations et les avantages sociaux, etc. Il est nécessaire de mettre en place un point d’information et de contact.

Par ailleurs, les personnes en situation de handicap disposent généralement d’un capital de départ moins élevé, c’est pourquoi elles ont davantage besoin d’une plus grande marge de manœuvre financière et de cotisations sociales réduites.

B. Demandes au gouvernement fédéral :

i. CIM Emploi et plan interfédéral sur l’occupation des personnes en situation de handicap :
Tous les niveaux de pouvoir doivent se rassembler pour trouver des solutions structurelles et échanger les bonnes pratiques éventuelles entre régions.

Le plan interfédéral Emploi doit harmoniser les différentes mesures de soutien des régions et définir des objectifs concrets avec des délais. Les instances ne réalisant pas les objectifs doivent expliquer les raisons de leur échec et exposer les actions qu’elles comptent entreprendre pour les atteindre.

ii. L’autorité fédérale comme modèle :

    • Remplir les postes vacants en collaborant activement avec les offices de l’emploi et les organisations représentatives des personnes handicapées.
    • Rendre les procédures de sélection plus accessibles en offrant entre autres la possibilité de présenter les épreuves de sélection en ligne. Il faut également veiller à ce que les bâtiments des services publics fédéraux satisfassent aux conditions d’accessibilité.
    • Adapter les tests de sélection afin de tester uniquement les compétences vraiment nécessaires. Prévoir éventuellement des procédures de sélection alternatives pour les personnes en situation de handicap : p. ex. un stage rémunéré qui conduit éventuellement à une offre d’emploi.
    • Coupler un mécanisme de suivi et de sanction au quota de 3 %, entre autres en tenant compte au moment de l’évaluation de fonctionnaires responsables de services de l’implication et des efforts de leur département pour créer des opportunités d’emploi pour les personnes en situation de handicap.
    • Ajouter des clauses sociales lors de marchés publics, lesquels devront prévoir d’occuper un nombre minimal de personnes en situation de handicap.
    • Procéder régulièrement à des tests de situation pour identifier la discrimination.
    • Créer un service de prêt avec du matériel et des outils ergonomiques. Un service de prêt est plus simple et plus accessible qu’une procédure de demande individuelle. Cette solution est donc plus durable : si une personne change d’emploi, une autre peut utiliser le matériel.

iii. Représentation au sein des organes de concertation importants qui participent à l’élaboration de la politique du marché du travail :
Afin d’assurer le « handistreaming », il faut veiller à davantage d’implication des personnes en situation de handicap et de leurs représentants au sein du CNT, du comité de gestion de l’ONSS, etc.

iv. Meilleure collaboration entre les entreprises, les offices de l’emploi et les entreprises de travail adapté :
Afin d’atteindre réellement les personnes en situation de handicap et de tenter de les activer, une meilleure collaboration avec les offices de l’emploi est nécessaire.

Une meilleure collaboration avec les conseillers d’entreprises de travail adapté est essentielle pour apprendre une certaine expertise aux employeurs.

v. Mettre en place des campagnes d’information ciblées pour sensibiliser les employeurs au job crafting et à une nouvelle culture de travail

vi. Mettre en place des points d’information et de contact vers lesquels les employeurs, travailleurs salariés et indépendants peuvent se tourner pour obtenir facilement des informations précises ou poser des questions, entre autres, sur les mesures de soutien et d’accompagnement existantes

vii. Implémenter une procédure plus rapide pour recalculer l’ARR

viii. Étudier la possibilité de quotas d’embauche dans le secteur privé :
Étudier la possibilité d’instaurer un mécanisme de responsabilisation, imposant aux employeurs qui ne font pas suffisamment d’efforts pour respecter les quotas d’embauche de personnes en situation de handicap, de verser un montant déterminé dans un fonds à créer dont l’objectif serait de promouvoir l’emploi des personnes en situation de handicap, et ce par analogie avec le mécanisme appliqué en France.

ix. Prolonger le régime des primostarters pour indépendants débutants de quatre à huit mois pour les personnes qui perçoivent une ARR.

 

4. AVIS

Le CSNPH est heureux d’apprendre que le thème de l’emploi des personnes en situation de handicap a été discuté en détail à la Chambre. Beaucoup de personnes ont déjà entendu parler de ce problème, mais peu sont réellement conscientes de la problématique. Une résolution serait un premier pas dans le processus de conscientisation et, espérons-le, un point de départ pour d’autres actions et une réglementation contraignante.

Par ailleurs, le CSNPH ne peut que souligner les observations faites dans la proposition de résolution et les diffuser davantage. Étant donné que la proposition met en évidence, à juste titre, une série d’enjeux dépassant le cadre du travail, le CSNPH estime nécessaire d’attirer l’attention des entités fédérées sur le besoin de suivi au niveau interfédéral.

Le CSNPH précise également que la participation et l’inclusion réelles totales des personnes en situation de handicap dans la société, telles que prescrites par la UNCRPD, requièrent des actions concrètes pour améliorer la situation des personnes en situation de handicap. Les actions existantes sont insuffisantes :

  • Approche du handicap complètement fondée sur les droits humains :
    Aujourd’hui, l’accent est fortement mis sur les problèmes de santé et la situation de handicap de la personne. Cela engendre donc une politique passive en matière d’emploi, alors qu’il faudrait une politique plus active, axée sur ce qu’une personne peut encore faire.

  • Campagnes de conscientisation :
    Il y a actuellement peu de campagnes de sensibilisation axées sur les employeurs pour les faire abandonner leurs stéréotypes, comme une productivité faible, plus d’absences, coût plus élevé pour le recrutement d’une personne en situation de handicap, etc. Les campagnes existantes viennent généralement d’ASBL qui, malheureusement, ne sont pas suffisamment financées.

    Un point d'information demandé (voir ci-dessous) apporterait une solution à ceux qui cherchent des réponses aux questions liées au handicap et aux idées fausses qui l'entourent. Cela signifie que le passif aide aussi à sensibiliser. Une politique active qui signale les stéréotypes et promeut les solutions existantes est néanmoins nécessaire.

    Ceci correspond à l’exigence du Comité UNCRPD (voir point 8 (b)) de promouvoir une image positive des personnes en situation de handicap et d’éliminer les idées fausses et les stéréotypes.

    Dans le cadre du Train de mesures visant à améliorer les perspectives des personnes handicapées sur le marché du travail, la Commission européenne a annoncé qu’elle publiera en 2023 un catalogue d’actions positives qui se concentrera entre autres sur la conscientisation des capacités, des talents et du potentiel des personnes en situation de handicap.

  • Suivi et maintien du droit à des aménagements raisonnables :
    Le « caractère disproportionné » d’un aménagement est aujourd’hui trop souvent utilisé comme prétexte pour ne pas procéder à cet aménagement raisonnable. La législation en matière d’aménagements raisonnables et la notion de disproportionnalité doivent être révisées. Le Protocole relatif au concept d’aménagements raisonnables peut servir de point de départ.

    Le CSNPH insiste en tout cas sur le contrôle du respect du droit aux aménagements raisonnables. Actuellement, ceci est à peine contraignant en dehors du tribunal, alors que la loi stipule clairement que le refus de procéder à des aménagements raisonnables équivaut à de la discrimination (art. 14 loi anti-discrimination ; art. 2 et 5 (3) UNCRPD). Il manque peut-être une instance administrative chargée d’évaluer l’opportunité/le caractère raisonnable d’un aménagement raisonnable donné (qu’elle soit purement indicative ou non). L’instance peut également agir comme une sorte de médiateur entre le demandeur d’aménagements raisonnables et l’employeur, tenir des statistiques sur ce qui a été jugé acceptable et à quel moment, etc. Il serait intéressant d’étudier ces pistes (éventuellement par Unia?).

    Ce problème a également été abordé en 2019 par le Comité UNCRPD (voir point 25 (c)).

    Dans le cadre du Train de mesures visant à améliorer les perspectives des personnes handicapées sur le marché du travail, la Commission européenne a annoncé qu’elle publiera en 2023 ces lignes directrices pour les employeurs concernant les aménagements raisonnables.

Conformément à l’art. 22ter de la Constitution, les obligations internationales en vertu de la UNCRPD et les obligations positives en vertu de l’art. 8 de la CEDH nécessitent à présent des actions contraignantes et efficaces.

Le CSNPH rappelle également qu’actuellement, de nombreux travailleurs en situation de handicap se trouvent dans des situations incertaines :

  • Stages non rémunérés ou autres « parcours d’expérience professionnelle » ;
  • Contrats qui prennent fin une fois que l’employeur a bénéficié de toutes les primes possibles ;
  • La protection de sécurité sociale des travailleurs en situation de handicap est très faible; ils sont très vite poussés définitivement dans l’aide sociale (loi relative à l’ARR et à l’AI de 1987).

Citons pour illustration : une personne en situation de handicap qui n’a pas accès à l’incapacité de travail, car l’art. 100 de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994 stipule qu’elle ne peut pas prendre effet en raison d’une condition préexistante. Les enfants en situation de handicap sont donc condamnés à vivre dans l’aide sociale. Avis 2022/29.

Autre exemple : les personnes en situation de handicap ne sont pas autorisées dans le régime de chômage en raison de leur « incapacité de travail ». Ici aussi, elles se retrouvent souvent de manière permanente dans le régime d’indemnisation de la loi de 1987. Ce régime ne prévoit pas non plus de soutien sous forme d’accompagnement et/ou de formations lors du retour au travail.

A. Concernant le «disability employment gap» :

Le CSNPH souligne que l’écart important a également été mis en évidence au niveau de l’UE par la Commission européenne lors du Semestre européen (p. 47) et par le European Disability Forum (EDF) (p. 33).

Le CSNPH aimerait ajouter que la situation est particulièrement précaire pour les femmes en situation de handicap et les personnes présentant un handicap sévère (besoin de soins élevé). Dans son récent rapport (p. 37 et 38), l’EDF a déclaré que la Belgique enregistrait le niveau d’emploi le plus faible pour ces deux catégories de main d’œuvre. Il s’agit dans les deux cas d’un taux d’emploi inférieur à 20 %. Il est donc important de mettre l’accent sur les mesures d’emploi pour ces groupes cibles.

B. Concernant un éventuel «plan interfédéral pour l’emploi» :

Le CSNPH accueillerait favorablement un tel plan assorti d’objectifs et de délais. Il semble également réalisable pour le CSNPH, étant donné que la CIM Handicap a désigné l’emploi comme un domaine de travail prioritaire. Ceci correspond également au point 26 des Conclusions du Conseil de l’Union européenne sur l’intégration des personnes en situation de handicap sur le marché du travail, selon lequel les États membres sont priés de mettre en place des coopérations régionales entre les acteurs pertinents en matière d’emploi.

Le CSNPH est également heureux de voir que la proposition de résolution propose une obligation de motivation si les objectifs ne sont pas atteints.

C. Concernant la formation des personnes en situation de handicap :

La proposition de résolution appelle à éliminer les obstacles existants empêchant l’accès à l’éducation (en ligne), aux formations professionnelles et à la formation permanente. Il s’agit en effet d’un point important. Dans son Avis 2023/03, le CSNPH a également indiqué qu’investir dans l’apprentissage sur le marché du travail ordinaire, l’apprentissage en alternance et les cours de formation professionnelle au sein des offices de l’emploi, augmente considérablement les chances sur le marché du travail et constitue un canal d’entrée important. Il s’ensuit que le financement de formations et l’accessibilité aux formations sont essentiels pour l’emploi des personnes en situation de handicap.

Le CSNPH est également ravi de voir que l’exclusion numérique n’est pas négligée dans la proposition de résolution.

Le lien entre la formation et le travail en général y fait toutefois défaut. Ce même lien faisait également défaut dans la Stratégie interfédérale de la CIM Handicap (voir Avis 2023/03).

Comme souligné par l’EDF (p. 107), de nombreuses personnes en situation de handicap sont formées en dehors de l’enseignement ordinaire, ce qui signifie qu’elles n’ont pas certaines qualifications et que leurs opportunités sur le marché du travail sont limitées. Par conséquent, une politique d’emploi inclusive pour les personnes en situation de handicap commence déjà sur les bancs d’école. Il est nécessaire de mettre en place un système formel et cohérent de validation des études qui valorise sur le marché du travail les compétences acquises.

Les enfants en situation de handicap doivent pouvoir intégrer au maximum l’enseignement ordinaire, ce qui nécessite un accompagnement personnalisé de l’enfant et de l’enseignant. Le Comité UNCRPD déclare également qu’il est nécessaire de disposer de plus de main d’œuvre pour fournir un accompagnement individuel aux élèves en situation de handicap.

Les formations dans l’enseignement spécialisé doivent offrir plus d’opportunités sur le marché du travail.

Le CSNPH aimerait profiter de cette occasion pour réitérer le souhait de la Plateforme des Conseils consultatifs qu’il s’agisse d’un goulot d’étranglement interfédéral devant être mis à l’ordre du jour des CIM compétentes (de préférence dans le cadre du « plan interfédéral pour l’emploi » mentionné plus haut).

D. Concernant la nécessité d’une nouvelle culture du travail :

Le CSNPH reconnaît la nécessité d’une nouvelle culture du travail, mais cette extension doit aller au-delà de simples séances d’information pour les collègues et les chefs de service d’une personne en situation de handicap, comme indiqué dans la proposition de résolution.

La nouvelle culture du travail doit se concentrer sur la prévention et le maintien au travail. L’expansion du disability management peut ainsi maintenir les individus plus longtemps au travail. Le « travail faisable » peut également prévenir une sortie prématurée du marché du travail et améliorer l’entrée sur celui-ci. La proposition de résolution semble aller dans ce sens, puisqu’elle appelle à sensibiliser les employeurs au job crafting et à la flexibilité en matière de temps, de lieu et de durée de travail pour les personnes en situation de handicap.

Par ailleurs, les parcours de réintégration doivent également être plus accessibles : la réduction du temps de travail et la reprise partielle du travail devraient être possibles moyennant une compensation financière, sans que la personne soit totalement en incapacité de travail pendant au moins 1 jour. Voir Avis 2023/03.

E. Concernant le développement d’une entreprise de travail adapté vers un marché du travail ouvert :

Les entreprises de travail adapté ont un rôle important à jouer dans la mise en œuvre d’une politique sur mesure, sur la base de laquelle les personnes en situation de handicap peuvent, de préférence, passer au marché du travail ordinaire ou poursuivre leur développement professionnel au sein de l’entreprise de travail adapté, si elles ont besoin de cet environnement de travail sûr pour leur bien-être global (y compris de bonnes conditions de travail et d’une rémunération équitable). Pour rendre ce trajet de développement possible, il faut que les ambitions en matière d’emploi ordinaire soient élevées.

L’emploi des personnes en situation de handicap sur le marché du travail ouvert nécessite davantage de financement, de sensibilisation et d’initiatives politiques (actions positives). Il est nécessaire de soutenir les employeurs pour qu’ils intègrent l’inclusion dans leur stratégie d’entreprise. Les CTT peuvent jouer un rôle central à cet effet.

Voir Avis 2023/03.

F. Concernant l’autorité fédérale comme modèle :

Le CSNPH ne peut qu’approuver les propositions avancées.

⇒ Les postes vacants doivent être pourvus en collaboration avec les offices de l’emploi et les organisations représentatives des personnes handicapées.

⇒ Les tests de sélection doivent également pouvoir être organisés en ligne et leur contenu doit être adapté aux compétences concrètes nécessaires pour la fonction. Dans ce cadre, il convient également de tenir compte de l’obligation d’aménagements raisonnables, ex 14 loi anti-discrimination. Il va sans dire que l'accessibilité de ces tests numériques doit être prise en compte afin qu'aucune exclusion numérique ne se produise.

Concernant la proposition d’un stage rémunéré pouvant conduire à une offre d’emploi, le CSNPH fait remarquer qu’il a émis en mars 2023 un avis sur une proposition de « trajet d’accueil » au sein de l’administration fédérale qui s’appuie sur la même idée.Voir Avis 2023/05.

⇒ Coupler le quota de 3 % à un mécanisme de suivi et de sanction. Concrètement, il faut tenir compte lors de l’évaluation des fonctionnaires exerçant une fonction dirigeante de l’engagement et des efforts dont leur département fait preuve pour créer des opportunités d’emploi pour les personnes en situation de handicap. Voir aussi Note de position Emploi (p. 11).

⇒ Inclure, lors de la passation de marchés publics, des clauses sociales impliquant qu’un des critères à prendre en compte est l’occupation d’un nombre minimal de personnes en situation de handicap. Voir aussi Note de position Emploi (p. 11).

⇒ Procéder régulièrement à des tests de situation sur la discrimination.

⇒ Créer un service de prêt avec du matériel et des outils ergonomiques. Le système de service de prêt est plus simple et plus accessible qu’une procédure de demande individuelle. Cette solution est donc plus durable : si une personne change d’emploi, une autre peut utiliser le matériel.

Une remarque s’impose : l’outil convenant à une personne en situation de handicap ne convient pas nécessairement à une autre. C’est pourquoi il faut absolument conserver la possibilité d’introduire une demande individuelle.

G. Concernant l’introduction de quotas dans le secteur privé :

Le CSNPH veut souligner que les quotas ne peuvent pas être la seule solution. Ainsi, le rapport récent de l’EDF (p. 45 et 32) montre, par exemple, que l’Allemagne a un système de quotas contraignant, mais aussi l’un des taux d’écart de participation à l’emploi les plus élevés (32,4 %). L’un n’exclut donc pas l’autre.

C’est pourquoi le CSNPH est d’avis que le quota doit s’inscrire dans une politique de diversité plus vaste. Les employeurs pourraient ainsi prendre librement des initiatives de promotion de l’inclusion et les définir dans un rapport de résultats. Voir Note de position Emploi (p. 11).

Il est surtout important d’adapter la culture du travail et de sensibiliser l’entièreté du marché du travail et de la politique du marché du travail à l’inclusion des personnes en situation de handicap.

⇒ Des campagnes de sensibilisation et d’information doivent être mises en place d’urgence. Elles ne doivent pas seulement être axées sur les employeurs, mais aussi sur les médecins (de contrôle) impliqués. La perception des personnes en situation de handicap doit changer d’urgence : il s’agit en premier lieu d’une main d’œuvre/d’étudiants avec des compétences et des expériences propres. Aujourd'hui, l'accent est trop mis sur les éventuels obstacles auxquels une personne en situation de handicap peut être confronté.… Une politique qui se concentre sur ce qui est possible commence par lever les stéréotypes.

Ceci correspond à l’exigence du Comité UNCRPD (voir point 8 (b)).

⇒ Investir dans des collaborations avec des entreprises de travail adapté et des entreprises ordinaires :
Les conseillers d’entreprises de travail adapté ont beaucoup de connaissances et d’expertise en matière d’accompagnement des personnes en situation de handicap. L’utilisation de ces connaissances sur le marché du travail ordinaire est une étape essentielle pour parvenir à l’inclusion.

Ceci devrait également faciliter la transition d’une entreprise de travail adapté vers le marché du travail ouvert. Une transition qui est demandée par le Comité UNCRPD (voir point 25 (b)).

⇒ Offices de l’emploi :
Il est nécessaire d’améliorer la collaboration entre les différents offices de l’emploi, les entreprises et les organisations représentatives des personnes en situation de handicap.

Compte tenu du fait que les personnes en situation de handicap ont souvent une relation de confiance avec certaines ASBL, ces ASBL peuvent donc jouer un rôle important pour atteindre réellement les personnes en situation de handicap.

Par ailleurs, les offices de l’emploi manquent souvent d’expertise, de temps et de financement pour accompagner correctement les personnes en situation de handicap. La collaboration avec les organisations représentatives des personnes en situation de handicap, moyennant un soutien financier suffisant de ces dernières, peut donc également être favorable à la formation, à l’accompagnement…

Ce partenariat est à la fois recommandé par la Commission européenne et le Conseil de l’UE. La Commission conseille le partenariat dans sa boîte à outils pratique pour les services publics de l’emploi (p. 23) (dans le cadre du Train de mesures visant à améliorer les perspectives des personnes handicapées sur le marché du travail). Le Conseil de l’UE signe l’avis dans ses Conclusions du 9 décembre 2022 (point 36).

H. Concernant la mise en place de points d’information :

Les personnes en situation de handicap ne sont pas suffisamment informées sur le travail, les allocations et l’inactivité. En cas de doute sur l’avenir, la peur s’installe, ce qui conduit au refus d’un éventuel emploi. (voir Avis 2023/03).

Le CSNPH est partisan d’un one-stop shop (ou guichet unique) vers lequel les travailleurs salariés et les travailleurs indépendants en situation de handicap, ainsi que les employeurs, peuvent se tourner.

Il est important que l’accès au point d’accueil reste accessible et, par conséquent, ne soit pas lié à des conditions préalables, telles que l’obligation de s’inscrire comme demandeur d’emploi.

Le point de contact doit pouvoir fournir des informations sur les allocations fédérales et régionales, les primes, les possibilités dans le domaine du travail (reprise formelle et informelle du travail) et des études. En outre, il doit être possible d’orienter les personnes vers des associations qui se spécialisent dans un domaine d’activités spécifique.

⇒ Il faut mettre en place un one-stop shop accessible qui fournisse des informations sur le travail (ou la reprise du travail), les études, les aménagements raisonnables, les allocations, les primes et les associations qui se spécialisent dans un domaine d’activités spécifique.

I. Concernant le soutien aux entrepreneurs en situation de handicap :

La Commission européenne et le Conseil de l’UE (point 36) ont également appelé à la promotion de l’entrepreneuriat chez les personnes en situation de handicap. Des moyens européens ont été mis à disposition à cet effet.

Outre la réduction des cotisations sociales pendant les premiers trimestres, un autre problème se pose. Les candidats entrepreneurs qui reçoivent une ARR et qui ne peuvent exercer leur activité qu’à temps partiel sont quasiment exclus de l’entrepreneuriat étant donné qu’ils doivent payer des cotisations d’indépendant à titre principal.

⇒ La réglementation doit être modifiée pour pouvoir continuer de combiner les revenus d’une activité indépendante avec les allocations aux personnes handicapées. Les premières mesures ont été prises avec la proposition d’abaisser les seuils financiers pour accéder au statut social des indépendants (voir Avis 2022/31) pour les personnes en situation de handicap, mais cela ne suffit toujours pas à réellement promouvoir l’entrepreneuriat.

⇒ De plus, le CSNPH rappelle que la Commission européenne a appelé les États membres (point 4.3.) à fournir également un soutien sur le plan juridique et dans l’exercice de l’activité indépendante elle-même.

J. Procéder plus vite au nouveau calcul de l’ARR :

i. Début d’une activité professionnelle – révision le 31 décembre :
Si une personne conserve son emploi pendant plus de 3 mois (voir art. 23 § 1bis, 1°, alinéa 3 de l’Arrêté royal relatif à la procédure concernant le traitement des dossiers en matière des allocations aux personnes handicapées), une révision de l’ARR est prévue le 31 décembre.

Cela signifie que pendant l’année au cours de laquelle la personne commence à travailler, elle bénéficie encore d’une ARR «majorée», car ses revenus professionnels ne sont pas encore déduits du montant de l’ARR.

Ceci est valable à la fois pour les personnes avec des revenus imposables au cours de l’année -2 et/ou -1 (art. 8 § 1, alinéa 4 j° art. 9 § 1, alinéa 1 AR ARR/AI) et les personnes qui génèrent seulement des revenus imposables au cours de l’année même de l’emploi (art. 23 §1bis, °1, alinéa 2 de l’AR relatif à la procédure concernant le traitement des dossiers en matière des allocations aux personnes handicapées j° art. 8ter AR ARR/AI).

⇒ Compte tenu de l’incertitude qui entoure le maintien d’un emploi, c’est une bonne chose. Dans le cas des chômeurs de longue durée en situation de handicap, une période de cumul encore plus longue serait utile. Ces personnes peuvent alors combiner plus longtemps l’ARR avec des revenus professionnels, ce qui réduit la peur liée à la recherche d’un emploi et à l’essai d’emplois différents.

ii. Perte d’un emploi – révision le 31 décembre :
La situation est inversée en ce qui concerne la perte d’un emploi après que l’ARR a baissé au cours de l’année X+1 sur la base d’une augmentation du revenu au cours de l’année X ou X-1 : la personne en question bénéficie de la révision suivante, donc d’une ARR «réduite».

Lors de la révision suivante, en cas de perte de revenus (revenus professionnels, allocation de chômage, indemnités de maladie…), les revenus au cours des années -2 et -1 ne seront pas pris en compte (art. 9 §2 AR ARR/AI).

⇒ Le CSNPH estime important qu’en cas de perte d’activité professionnelle, le nouveau calcul de l’ARR soit effectué le plus vite possible. De cette façon, un revenu suffisant peut être assuré à tout moment.

K. Représentation/consultation de personnes en situation de handicap au sein du/par le CNT :

A ce jour (24 juillet 2023), le dossier thématique « handicap » du CNT n'a pas été mise à jour depuis le 30 juillet 2015. Le CSNPH trouve toutefois le dossier très utile, compte tenu de la dispersion institutionnelle en Belgique, et aimerait demander au CNT de le diffuser, sous réserve d’une mise à jour.

Le CSNPH trouve néanmoins que l’introduction de l’article 22ter de la Constitution requiert au moins une réévaluation des CTT existantes, en tenant compte du droit à l’inclusion et aux aménagements raisonnables des personnes en situation de handicap.

La représentation ou au moins la consultation des personnes en situation de handicap au sein de/et par la CTT devrait profiter au handistreaming et devrait aussi aider à sensibiliser les employeurs. Les CTT (inter)sectorielles peuvent - par exemple - jouer un rôle important dans l’ancrage de la diversité et de l’inclusion dans les stratégies d’entreprise des employeurs.

Le CSNPH a déjà collaboré avec les partenaires sociaux et aimerait approfondir cette collaboration.

L. Ne sont pas abordés dans la proposition de résolution :

Quelques points qui n’ont pas été abordés dans la proposition de résolution, mais qui sont tout aussi importants :

    • Tout d’abord, en matière d’accessibilité : l’accessibilité des transports et des infrastructures est une condition essentielle pour se déplacer et, par conséquent, constitue également la porte d’accès au marché du travail. Le manque d’accessibilité et d’interopérabilité entre les différents moyens de transport est un réel obstacle à l’emploi des personnes en situation de handicap.

    • Ensuite, en ce qui concerne la mobilité interrégionale, il est nécessaire d’améliorer la conformité des différentes aides et primes de soutien pour les affiliés à une agence pour les personnes en situation de handicap, mais qui travaillent dans une autre région. Des problèmes sont encore souvent signalés en ce qui concerne l’accès aux aides sur le lieu de travail ou à la maison. Voir Avis 2023/03.