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Avis 2023/11

 

Avis n° 2023/11 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif à la modernisation de la loi sur les droits du patient, rendu en séance plénière du 17/04/2023.

Avis rendu d’initiative par le CSNPH.

 

1. AVIS DESTINÉ

  • Pour suite utile à Monsieur Frank Vandenbroucke, Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique
  • Pour information à Madame Karine Lalieux, Ministre des Pensions et de l’Intégration sociale, chargée des Personnes handicapées, de la Lutte contre la pauvreté et de Beliris
  • Pour information à Unia
  • Pour information au Mécanisme de Coordination de l’UNCRPD
  • Pour information au Médiateur fédéral
 

2. OBJET

En consultant le site du Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, le CSNPH a eu connaissance du fait que la loi sur les droits du patient (LDP) allait être modernisée et qu’une consultation était organisée à ce sujet. Toute personne qui le souhaite peut, via le bouton de réaction, formuler des recommandations ou des commentaires jusqu’au 18 avril 2023.

Sur le site, se trouve :

  1. un exposé général
  2. un avant-projet des modifications contenant une discussion article par article
  3. le projet de loi coordonnée
 

3. ANALYSE

Ce qui est repris ci-dessous reprend les mesures qui semblent les plus importantes pour le CSNPH.

A. Ce qui est modifié/ajouté

  1. Définition du patient (article 2 de la LDP) : le patient était défini dans la loi de 2002 comme « la personne physique à qui des soins de santé sont dispensés, à sa demande ou non ». En le définissant désormais activement comme « la personne physique qui souhaite recevoir ou reçoit des soins de santé », le Ministre veille à ce que le patient ne soit pas seulement une personne qui décide de répondre ou non aux propositions d'examen ou de traitement du prestataire de soins, mais qu'il joue un rôle actif dans le processus.

  2. Soins de qualité (article 5 LDP ) : les soins ciblés impliquent une transition des soins axés sur la maladie et les problèmes vers des soins basés sur les objectifs et les valeurs de la personne ayant un besoin de soins et d'aide.

  3. La planification préalable des soins (article 8/2 de la LDP) : la définition des objectifs de santé et des souhaits pour ses propres soins de santé est un processus continu pour le patient. Il est essentiel qu'un prestataire de soins ait connaissance de ces objectifs et préférences pour qu’il puisse agir dans l'intérêt du patient et tenir compte de ces objectifs et préférences. Mais cela vaut également pour le représentant du patient qui doit prendre une décision pour le patient (article 14 de la LDP). Au moyen d’une disposition distincte, le droit à la planification préalable des soins est désormais inscrit dans la loi.

  4. Droit au libre choix (article 6 de la LDP) : pour pouvoir choisir en connaissance de cause son prestataire de soins, le patient doit savoir qui est ce prestataire de soins. Le droit à l'information nécessaire pour faire ce choix s'ajoute au droit au libre choix du prestataire de soins, plus particulièrement en ce qui concerne la compétence et l'expérience professionnelles, la couverture d'assurance en matière de responsabilité professionnelle et le statut d'autorisation et d'enregistrement du prestataire de soins. Par exemple, si un prestataire de soins s’est vu imposer une restriction d'exercer sa profession en raison d'une dépendance aux médicaments, le patient a le droit de savoir que le prestataire de soins ne peut pas exercer pleinement sa profession.

  5. Exception thérapeutique (article 7 de la LDP) : les discussions à ce sujet ont souvent été suscitées par le caractère « tout ou rien » de cette exception thérapeutique : soit vous partagez toutes les informations, soit vous ne partagez aucune information. Pour éviter cela, le Ministre complète le concept d'exception thérapeutique par l'obligation pour le prestataire de soins d'examiner si l'information peut être communiquée au patient d'une manière qui tienne compte du préjudice. Par exemple, en communiquant l'information au patient en plusieurs étapes.

  6. Droit à l'information sur l'état de santé (article 7 de la LDP) : pour qu'un patient puisse évaluer correctement l’état exact de sa santé, les informations doivent être fournies d'une manière adaptée à ce que le patient comprend. Il est également important que le patient dispose du temps nécessaire pour traiter les informations relatives à son état de santé. Le droit à l'information sera adapté en conséquence. En outre, le patient recevra toujours les informations complexes par écrit afin qu’il puisse les relire. Ce n'est que si cela s'avère inutile, par exemple parce que le patient est lui-même un spécialiste en la matière, que cela ne doit pas être fait.

  7. Droit au consentement éclairé (article 8, 8/1, 8/2 et 8/3 de la LDP) : le fait de pouvoir décider soi-même des examens et des traitements que l'on souhaite ou non - ce que l'on appelle le droit à disposer de soi-même - est une importante pierre angulaire de nos soins de santé. Le Ministre souhaite souligner davantage l’importance de ce droit. L'article original a été divisé en 4 articles, chacun ayant son propre sujet :

    1. le droit au consentement éclairé ;
    2. le droit au refus éclairé ;
    3. le droit à l'expression préalable de la volonté ;
    4. le consentement présumé en cas de soins d'urgence.
  8. Personne de confiance (Article 11/1 de la LDP) : Un patient n'est généralement pas seul. Il est entouré de membres de sa famille, d'amis, d'experts du vécu qui le soutiennent et le guident dans les soins de santé qu'il reçoit. Ce sont les personnes dites de confiance du patient. Il est important que ces personnes de confiance occupent une place centrale dans l'ensemble de la loi relative aux droits du patient. Par conséquent, un droit général du patient à être assisté par une personne de confiance est inscrit dans la loi.

  9. Désignation d'une personne de confiance / d’un représentant (articles 11/1 et 14 de la LDP) : il doit être possible de désigner une personne de confiance ou un représentant de manière accessible. Il faut éviter de faire remplir des formulaires papier qui aboutissent ensuite chez les mauvaises personnes. C'est pourquoi la possibilité est créée de procéder à cette désignation via un portail central pour les patients. D'une part, cela garantit que le patient peut l’effectuer ou la modifier quand il le souhaite, et d'autre part, une désignation centrale en ligne garantit que tout prestataire de soins qui a besoin d'en être informé peut effectivement savoir si un patient a désigné une personne de confiance et/ou un représentant.

  10. Représentant (article 14 de la LDP) : Un représentant est une personne qui intervient lorsqu'un patient n'est pas (ou plus) en mesure d'exercer lui-même ses droits en tant que patient. Comme déjà indiqué, l’accent est mis sur un système qui permet de désigner en ligne un représentant de manière accessible et flexible. Le prestataire de soins joue un rôle de facilitateur à cet égard. Mais le rôle du représentant ne doit pas être tout noir ou tout blanc. Même si un patient n'est pas (ou plus) considéré comme capable d'exercer lui-même ses droits en tant que patient, il est crucial que le représentant qui assume cette compétence pour lui le fasse conjointement avec le patient. Ce principe est désormais inscrit dans la loi relative aux droits du patient. En outre, pour renforcer encore cet aspect conjoint, le représentant devra toujours décider en fonction des préférences et des objectifs de santé qui ont été fixés par le patient.

B. Ce qui ne change pas

  • Protection spécifique : La loi relative aux droits du patient concerne « le patient ». Bien entendu, « le patient stéréotype » n'existe pas. Certains patients auront besoin de plus de protection que d'autres en raison de leur vulnérabilité, par exemple à cause de leur âge ou de leur santé mentale. La loi permet d'élaborer une protection supplémentaire dans un arrêté d’exécution pour des (groupes de) patients spécifiques, tels que les patients en soins de santé mentale ou les patients mineurs d’âge. Le Ministre conserve cette possibilité dans le projet d’arrêté et encourage l'administration à concrétiser cette intention dans un avenir proche afin que ces groupes de patients vulnérables puissent être protégés de manière plus nuancée et spécifique.
 

4. AVIS

A. En ce qui concerne la consultation du CSNPH :

Le CSNPH déplore de ne pas avoir été consulté directement par le Ministre sur le projet de modernisation. Il a appris par la presse qu’une consultation populaire avait été mise en place. Par ailleurs, toute personne peut donner son avis sur le projet de modernisation. Le CSNPH n’est absolument pas contre cette idée. Le CSNPH rappelle cependant la spécificité de son rôle de synthèse des points de vue des personnes en situation de handicap.

En outre, le CSNPH renvoie à sa note de position « Un cadre de soins et d’accompagnement qui répond aux besoins du patient handicapé et au patient malade chronique ».

⇒ Souhait concret : le CSNPH espère qu’il sera tenu compte du présent avis à sa juste valeur.

B. À propos du droit à l’information (point 3.A.vi)

Le projet de modernisation prévoit que les informations doivent être fournies d’une manière adaptée à ce que le patient comprend. Ce principe est repris à l’article 9 de la Convention des Nations unies sur les droits des Personnes handicapées (UNCRPD) (accessibilité au sens large du terme).

Le CSNPH rappelle que toute information doit se donner dans un langage clair et adapté à toutes les personnes selon leurs besoins et quel que soit leur handicap ou leur maladie. Cet accès à l’information doit par ailleurs être facilitée pour tous les patients, quel que soit leur handicap ou leur maladie.

⇒ Souhait concret : il est notamment nécessaire de prévoir et de financer des traductions en langue des signes ainsi qu’un vocabulaire souvent à la base technique en mots et idées justes et précis mais faciles à comprendre.
⇒ Souhait concret : dans tous les parcours de formations (apprentissage ou continuée), des modules sur « les composantes d’une bonne communication » devraient être obligatoires. Une attention particulière doit être accordée aux personnes en situation de handicap intellectuel. Le CSNPH insiste aussi sur la nécessité de l’information durant tout le parcours thérapeutique. Par définition, pour une personne porteuse d’un handicap ou subissant une maladie chronique, les conséquences évoluent et varient au fil du temps et des circonstances. Le patient doit pouvoir compter sur une information durable dans le cadre de la prévention mais aussi du traitement et de son confort global.
⇒ Souhait concret : accompagner le patient (annonce du diagnostic, traitement, suivi…) nécessite du temps. Actuellement, dans certains services hospitaliers et parmi de nombreux praticiens, le mot d’ordre est la rentabilité (souvent mesurée an nombre de consultations horaires). Toutefois, les consultations peuvent prendre plus de temps que la moyenne pour les personnes en situation de handicap. Pour garantir une consultation de qualité, il faut reconnaître financièrement le temps que le prestataire de services consacre à la consultation. Il est donc nécessaire d'établir une nomenclature spécifique pour les prestataires de services médicaux qui prennent du temps.

Par ailleurs, le CSNPH se demande comment le praticien va s’assurer que le patient a réellement compris l’information.

C. Au sujet de la désignation d’une personne de confiance (point 3.A.ix)

Le projet de modernisation prévoit qu’il doit être possible de désigner une personne de confiance ou un représentant de manière accessible. Le projet prévoit également la possibilité de procéder à la désignation d’une personne de confiance via un portail central pour les patients.

⇒ Souhait concret : en ce qui concerne la personne de confiance, le CSNPH insiste sur le fait que cette personne ne doit pas toujours être la même. En effet, le choix de la personne de confiance par le patient peut dépendre du praticien, de la disponibilité des proches, … Il doit donc être possible de désigner plusieurs personnes de confiance via le portail central.

D. En ce qui concerne le représentant (point 3.A.x)

Le CSNPH se réjouit du fait que la loi indiquera que même si un patient n'est pas (ou plus) considéré comme capable d'exercer lui-même ses droits en tant que patient, il est crucial que le représentant qui assume cette compétence pour lui le fasse conjointement avec le patient.

En effet, l’article 12 UNCRPD rappelle que

  1. Les États Parties réaffirment que les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique.
  2. Les États Parties reconnaissent que les personnes handicapées jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres.
  3. Les États Parties prennent des mesures appropriées pour donner aux personnes handicapées accès à l’accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique.

Ces principes s’appliquent également au domaine de la santé.

Le CSNPH insiste sur la nécessité de maintenir le patient, représenté ou simplement accompagné, au centre de la relation de soins et d’accompagnement (écoute, accompagnement,…).

E. En ce qui concerne la protection spécifique (point 3.B.)

La loi permet d'élaborer une protection supplémentaire dans un arrêté d’exécution pour des (groupes de) patients spécifiques, tels que les patients en soins de santé mentale ou les patients mineurs d’âge.

⇒ Souhait concret : le CSNPH insiste pour être consulté en temps opportun sur le projet d’arrêté d’exécution, de préférence avant même les travaux de rédaction. Ceci est conforme à l'article 4 (3) UNCRPD, qui prévoit que la consultation des personnes handicapées doit avoir lieu lors de l'élaboration des politiques et pas seulement une fois que les politiques ont été approuvées.