Avis 2021/32
Avis n° 2021/32 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif aux scan-cars et à l'utilisation de la carte de stationnement pour personnes handicapées, rendu dans l'urgence après consultation par e-mail le 28/10/2021.
Avis rendu d’initiative par le CSNPH.
1. OBJET
Le CSNPH reçoit de plus en plus fréquemment des plaintes de personnes en situation de handicap verbalisées à la suite d’un contrôle de stationnement par une « scan-car ».pour s’être stationnées avec une carte de stationnement pour personnes handicapées.
2. ANALYSE
Le CSNPH a déjà traité en détail la question des scan-cars, des zones de basses émissions (LEZ) et de leur impact sur les personnes en situation de handicap (PSH) dans son avis 2020-04. Le CSNPH a réitéré son point de vue dans son avis 2021-25 relatif au Plan d'action fédéral handicap de la Ministre Lalieux.
Malheureusement, le CSNPH constate que les problèmes n'ont fait qu'augmenter pour les PSH.
Le CSNPH avait déjà émis en 2015 l'avis 2015-20 sur la politique de stationnement pour les PSH. L'application de la politique de stationnement relève de la compétence des villes et communes. Cela signifie que les règles de stationnement peuvent être très différentes d'une commune à l'autre et que la PSH n'est jamais certaine des règles en vigueur en ce qui concerne les emplacements de stationnement ordinaires, les emplacements réservés aux PSH, le prix (gratuit ou non ?), la durée (limitée dans le temps ou non ?), la carte de riverain, etc. L'insécurité juridique est importante.
Ainsi, il existe des « zones rouges » où vous pouvez stationner contre paiement pour une durée très limitée, par exemple 2 heures, comme à Coxyde. Pour les PSH et les personnes à mobilité réduite en général, cette durée est tout simplement trop courte, notamment pour faire des courses. Des zones rouges apparaissent également dans d'autres villes.
Dans les zones où la carte de riverain est en vigueur, les PSH ne peuvent absolument pas faire usage de leur carte de stationnement pour personnes handicapées si elles n'ont pas de carte de riverain. Toute infraction conduit dès lors à une amende.
Les divers choix politiques des communes rendent le stationnement correct très difficile depuis des années déjà, car les limites des communes et des villes ne sont bien souvent pas clairement indiquées. Pensez notamment aux différentes communes bruxelloises.
La voiture est également de plus en plus bannie des centres des communes et des villes, notamment dans les zones piétonnes, où les emplacements de stationnement disparaissent, y compris pour les PSH.
S'ajoute encore à cela le fait que les communes effectuent de plus en plus de contrôles de stationnement à l'aide de scan-cars. Les scan-cars ne scannent pas la carte européenne de stationnement pour les personnes handicapées, mais le numéro d'immatriculation du véhicule. Ce dispositif vérifie si la voiture portant ce numéro de plaque d'immatriculation enregistré peut ou non stationner à un endroit, et à quelles conditions. Les personnes doivent donc également enregistrer au préalable leur numéro de plaque auprès de la commune.
La carte européenne de stationnement pour personnes handicapées n'est toutefois pas liée à un numéro de plaque, mais bien à la personne. Les PSH ne disposent pas toujours de leur propre voiture et font souvent appel à des amis ou des membres de la famille pour leurs déplacements. Dans ce cadre, elles peuvent utiliser la carte pour stationner. Le contrôle de la carte est également devenu facile grâce à une application web.
De plus en plus de villes et communes de tout le pays demandent de communiquer un ou maximum 2 numéros d'immatriculation pour pouvoir stationner en tant que PSH. Et ce donc pour chaque ville ou commune distincte ! Des conditions restrictives sont ainsi de facto imposées à l'utilisation de la carte de stationnement : une limitation du nombre de voitures (et donc d'amis et membres de la famille autorisés à transporter la PSH) pour le transport personnel et un enregistrement obligatoire dans chaque ville et commune où la PSH souhaite stationner. Ces règles communales minent le principe de la carte européenne de stationnement pour personnes handicapées.
Le CSNPH est bien informé que les PSH qui reçoivent une amende après un contrôle par une scan-car réussissent souvent à faire annuler cette amende, à condition toutefois que les autres dispositions locales en matière de stationnement aient été respectées. Mais cela nécessite que l'initiative vienne de la PSH elle-même. Et lorsque la PSH n'est pas de retour à temps ou n'a pas respecté une autre limitation locale, elle devra quand même payer l'amende.
Cette situation est très préjudiciable aux PSH de Belgique. Et pour les PSH étrangères — par exemple en visite ou en transit — il est même tout à fait impossible de stationner correctement. Pourtant, leur carte européenne de stationnement est également valable ici. Contester l'amende est encore plus difficile pour les PSH étrangères.
Le CSNPH rappelle que l'environnement et les transports publics sont encore trop peu accessibles pour les PSH. La carte de stationnement pour personnes handicapées est une petite compensation par rapport à cette situation, afin de faciliter les déplacements et de permettre une vie inclusive. Cette compensation ne peut pas être vidée de sa substance.
3. AVIS
Pour le CSNPH, il demeure inacceptable et même contraire à la réglementation que le contrôle effectué par les scan-cars associe des conditions restrictives à l'utilisation de la carte de stationnement pour personnes handicapées. Il n'est pas admissible que les contrôles effectués par les scan-cars génèrent automatiquement une amende sans même prendre la peine de contrôler la carte de stationnement pour personnes handicapées. Le fait que l'amende soit souvent annulée est un point positif, mais cela ne change rien à l'essence du problème, à savoir que les PSH ne peuvent pas pleinement tirer usage de leur carte de stationnement.
Le CSNPH est d'avis que les PSH devraient pouvoir stationner gratuitement et sans limite de durée avec leur carte de stationnement en cours de validité, non seulement sur les emplacements réservés aux PSH, mais aussi sur d'autres emplacements de stationnement. C'est d'autant plus essentiel que l'accès aux centres-villes et aux centres des communes est revu. Il est essentiel que l'accès aux centres — englobant les services administratifs, les hôpitaux, les monuments, les magasins, l'horeca, les infrastructures sportives, les musées, les cinémas et les théâtres… —reste garanti, y compris aux PSH. Si les politiques mises en place par les villes et communes compliquent et limitent l'utilisation de la carte européenne de stationnement, cela revient de fait à bannir les PSH de la ville ou de la commune !
Une concertation est nécessaire entre le niveau fédéral, les régions et les communes. C'est le seul moyen d'aboutir à une harmonisation de la politique locale de stationnement. La libre circulation des PSH doit être au cœur de la démarche. La reconnaissance et l'utilisation de la carte sont soumises à des règles strictes. La technologie doit soutenir l'application de ce droit, et non lui faire obstacle ou la compliquer.
Si des villes et communes libèrent des espaces pour la mobilité douce (zones rouges, zones piétonnes, etc.), elles doivent alors également permettre aux PSH de stationner à proximité des zones d'activités commerciales et sociales.
Le CSNPH renvoie par ailleurs aux recommandations de son avis 2020-04.
4. AVIS DESTINÉ
- Pour suite utile à madame Karine Lalieux, Ministre des Pensions et de l’Intégration sociale, chargée des Personnes handicapées, de la Lutte contre la pauvreté et de Beliris
- Pour suite utile à monsieur Alexander De Croo, Premier ministre
- Pour suite utile à l'Union des Villes et Communes
- Pour suite utile à monsieur Georges Gilkinet, Ministre de la Mobilité
- Pour information à madame Annelies Verlinden, Ministre de l'Intérieur
- Pour information aux conseils consultatifs régionaux
- Pour information au Directeur général de la DG Personnes handicapées
- Pour information à Unia
- Pour information au Mécanisme de coordination de l'UNCRPD