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Avis 2025/23

 

Le secrétariat du CSNPH est actuellement en sous-effectif important.

Le 9 mai dernier, le Comité de direction du Service public fédéral Sécurité sociale a décidé que les collaborateurs qui ne travaillaient plus pour le secrétariat ne seraient pas remplacés.

Cela met le CSNPH en grande difficulté dans la réalisation des missions liées à sa fonction consultative. Très concrètement, les délais réglementaires prévus pour la remise de ses avis devront être allongés.

 

Avis n° 2025/23 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif à la proposition de résolution visant le maintien et le déploiement des guichets de gare (DOC 56 0694/001).

Rendu le 13 août 2025 après approbation par e-mail du 29 juillet 2025.

Avis rendu d’initiative par le CSNPH.

 

1. AVIS DESTINÉ

  • Pour suite utile à madame Farah Jacquet et consorts, auteurs de la proposition de résolution
  • Pour suite utile à la commission de la Mobilité, des Entreprises publiques et des Institutions fédérales de la Chambre
  • Pour suite utile à monsieur Jean-Luc Crucke, ministre de la Mobilité, du Climat et de la Transition environnementale, chargé du Développement durable
  • Pour suite utile à la SNCB
  • Pour suite utile au SPF Mobilité et Transports
  • Pour information à monsieur Rob Beenders, ministre de la Protection des consommateurs, de la Lutte contre la fraude sociale, des Personnes handicapées et de l’Égalité des chances
  • Pour information au Comité consultatif pour les voyageurs ferroviaires (CCVF)
  • Pour information à monsieur Bart De Wever, Premier ministre
  • Pour information à Unia
  • Pour information au Mécanisme de coordination de l’UNCRPD
  • Pour information à Ombudsrail
  • Pour information à Infrabel
 

2. OBJET

Le 11 juillet 2025, la commission de la Mobilité, des Entreprises publiques et des Institutions fédérales de la Chambre des représentants a fait savoir au Comité consultatif pour les voyageurs ferroviaires qu’elle avait entamé la discussion de la proposition de résolution visant le maintien et le déploiement des guichets de gare (DOC 56 0694/001). Les auteurs ont demandé l’avis d’une série de parties prenantes. Le CSNPH a décidé de sa propre initiative de formuler un avis.

 

3. ANALYSE

A. Une vague de fermetures

La proposition de résolution commence par une constatation qui donne à réfléchir : « En 2007, la SNCB comptait 208 guichets accessibles.
En 2018, sur un total de 551 gares, ce nombre est passé à 135, pour ensuite diminuer à 91 guichets trois ans plus tard. En 2024, une réduction drastique des plages horaires d’ouverture des guichets restants a eu lieu, entraînant notamment la fermeture totale de certains guichets durant le week-end. Pourtant, durant toutes ces années, le nombre de voyageurs a fortement progressé à l’intérieur du pays, passant de 196,6 millions de voyageurs en 2007 à 244 millions en 2023. Une forte contestation est née à ce moment-là : en particulier du fait des syndicats et des associations de voyageurs et de personnes handicapées, ces entités étant soutenues par le PVDA-PTB au Parlement fédéral. […] Mais la SNCB continue malgré tout de détricoter son offre de guichets puisque les plages horaires d’ouverture ont encore été réduites en 2024 dans 54 gares (sans fermeture totale cette fois).»

Le CSNPH avait déjà fait part de son inquiétude dans son avis 2024/04 relatif à l’adaptation des heures d’ouverture des guichets de la SNCB dans les gares.

Des fermetures de gares restent également possibles au cours de la nouvelle législature. Dans son exposé d’orientation politique Mobilité du 13 mars 2025, monsieur Jean-Luc Crucke, ministre de la Mobilité, du Climat et de la Transition environnementale, chargé du Développement durable avait évoqué à plusieurs reprises « les fermetures ou ouvertures éventuelles de gares ou points d’arrêt».

«En ce qui concerne les fermetures ou ouvertures éventuelles de gares ou points d’arrêt, quelques règles de bon sens devront être suivies :

  • Un réseau dense de gares est avant tout un atout pour le rail et pour le pays. Il permet de desservir une grande partie de la population et d’offrir une solution de mobilité attractive.
  • Le contrat de service public prévoit des critères précis pour envisager soit de fermer soit d’ouvrir de nouvelles gares. Je veillerai à ce qu’ils soient appliqués de manière rigoureuse et équilibrée sur l’ensemble du territoire.
  • Une fermeture éventuelle devra se justifier par l’amélioration concrète et tangible du service sur la ligne ou dans la région concernée, par exemple par une amélioration des fréquences pour les autres gares de la ligne concernée.
  • Une fermeture éventuelle ne peut s’envisager que si une alternative crédible de déplacement existe au moment de la fermeture.»

L’exposé d’orientation politique du ministre Crucke ne laisse donc planer aucun doute à ce sujet : des fermetures de gares restent possibles sous la législature actuelle. Cette possibilité figure également dans le contrat de service public. Il faut donc faire preuve de vigilance.

Au passage, le CSNPH signale à ce propos la formulation quelque peu malheureuse figurant dans l’exposé d’orientation politique : « soit de fermer soit d’ouvrir de nouvelles gares », donnant ainsi l’impression que le ministre souhaite même fermer de nouvelles gares. Le CSNPH part du principe que ce n’est pas l’intention du ministre et suggère la formulation suivante : «la fermeture ou non de gares existantes, la réouverture de gares ou l’ouverture de nouvelles gares».

B. La numérisation et la fracture numérique

La proposition de résolution souligne également le paradoxe de la numérisation.

« Premièrement, la SNCB pousse ses usagers à utiliser les moyens digitaux pour acheter des billets, ce qui crée une suppression de personnel provoquant des files interminables aux guichets, mais également des horaires d’ouverture réduits, des tarifs préférentiels et promotions uniquement disponibles via les applications et des services avantageux aux guichets désormais supprimés. Tout cela diminue le nombre d’usagers utilisant les guichets et sert d’argument pour les supprimer. »

Dans son Actualité du 08/02/2021 – Des billets de train plus chers et moins de guichets, le CSNPH avait déjà souligné le caractère injuste des prix moins élevés pratiqués pour les produits SNCB achetés en ligne. La proposition de résolution renvoie aux critiques d’Unia et de Test Achats.

 « Deuxièmement, pour des raisons diverses, toute une série d’usagers ont besoin d’un guichet pour acheter les billets de train. Ces usagers sont les personnes illettrées […], les personnes handicapées, les touristes, les nouveaux usagers ne connaissant pas les moyens digitaux, etc.» La fermeture de guichets oblige en effet les personnes à utiliser les applications numériques, mais tout le monde n’est pas en mesure d’acheter un titre de transport en ligne ou à un distributeur automatique.

À cet égard, le CSNPH renvoie à la question connexe du tarif à bord, sur lequel il a notamment publié l’avis 2015/21. La personne qui achète un billet à bord du train doit actuellement payer un supplément de 9 euros par rapport au prix normal. Lorsque des guichets ferment, ce problème s’accentue. Le contrat de service public mentionne la possibilité d’exemption sur présentation de la carte European Disability Card (EDC), mais pour le moment, cela reste une piste de réflexion : « La SNCB peut exempter les personnes en situation de handicap du supplément de tarif à bord sur présentation de la carte “European Disability Card”. Cette possibilité dépend des résultats de l’expérience pilote menée dans 8 pays de l’Union européenne (à l’entrée en vigueur du présent Contrat) et de la proposition de la Commission européenne qui en résultera (en principe fin 2023) afin d’établir une reconnaissance internationale de cette carte supportée notamment par des principes d’émission communs.»

« Troisièmement, les guichets ne servent pas qu’à vendre des billets. » En effet, les guichets et le personnel de guichet sont bien plus qu’un endroit où acheter un titre de transport. Vous pouvez y obtenir des renseignements sur les voyages, objets perdus, procédures, travaux, retards, etc. De même, les touristes (étrangers) et les voyageurs égarés s’adressent généralement au personnel pour avoir des informations. La présence de personnel humain renforce également la sécurité des gares, tout comme celle des autres membres du personnel. Dans certaines gares, il est uniquement possible d’avoir la clé des toilettes auprès du personnel de guichet.

Il est possible d’assigner d’autres tâches au personnel de guichet. Dans la proposition de résolution figure la suggestion suivante : « De plus, rien n’indique que les missions du personnel de guichet ne pourraient pas être étendues, en concertation avec les organisations syndicales. » Et : « Certains pas en ce sens ont été faits. Depuis le 1er octobre 2024, les guichetiers accompagnent certains groupes et certaines PMR.» Le CSNPH suit ces évolutions au sein de la SNCB avec une attention particulière. Cela a été le cas dernièrement avec la réforme/suppression du service d’assistance « B for You » et l’instauration d’une nouvelle méthode de travail avec un personnel (de guichet) polyvalent. À terme, une évaluation serait souhaitable.

 

4. AVIS

A. Considérations générales

Le CSNPH souhaite remercier les initiateurs de la proposition de résolution, en particulier pour l’attention accordée aux personnes en situation de handicap. Le CSNPH est un fervent défenseur du maintien et de l’ouverture ou de la réouverture des guichets de gare avec du personnel et il est convaincu que les positions exprimées dans la résolution sont largement partagées par tous les courants politiques. Le CSNPH souscrit dans les grandes lignes à l’analyse de la proposition de résolution et au plaidoyer pour le maintien et le déploiement des guichets de gare.

Le CSNPH estime toutefois que la proposition de résolution gagnerait à être plus concrète dans la formulation de ses positions et de ses exigences.

B. En ce qui concerne la demande d’avis

Le CSNPH a appris l’existence de la proposition de résolution par l’intermédiaire de la demande d’avis adressée au Comité consultatif pour les voyageurs ferroviaires (CCVF) dans lequel le CSNPH siège aussi. En tant qu’organe consultatif en matière de handicap au niveau fédéral, le CSNPH s’étonne que son avis n’ait pas été demandé alors que d’autres parties prenantes – dont d’autres parties prenantes siégeant dans le CCVF – ont quant à elles été consultées. Pourtant, la proposition de résolution renvoie souvent aux personnes en situation de handicap et au CSNPH, et cite même l’avis 2021/02 du CSNPH : « Les gares doivent être/devenir accessibles par tous de manière autonome, quel que soit le handicap. Les guichets et les installations sanitaires ne doivent pas non plus être oubliés. Un planning ambitieux doit être établi et mis en œuvre à cet effet.» De même, la proposition de résolution conclut comme suit : « Le principe “rien sur nous, sans nous” est le fil conducteur de la Convention des Nations Unies. La participation des personnes handicapées et des associations qui les représentent est nécessaire pour parvenir à
une mise en œuvre effective des dispositions de ladite Convention.
» Il semble donc évident de demander l’avis du CSNPH.

Par ailleurs, les organisations représentatives des aînés n’ont pas non plus été consultées, alors que les guichets de gare sont aussi très importants pour ce groupe cible.

C. En ce qui concerne le contenu

  1. Le CSNPH souscrit dans les grandes lignes au contenu et aux principes de la proposition de résolution.

Les guichets de gare constituent un aménagement raisonnable. Ne pas proposer cet aménagement raisonnable est discriminatoire. Pour le CSNPH, les guichets avec du personnel doivent être maintenus, à côté de canaux numériques et autres. Le personnel de guichet peut offrir une prestation de services personnalisée, ce qui n’est pas (toujours) possible sous forme numérique. En cas de retard, de grève, de suppression d’un train, d’accident, de panne technique, etc., le personnel affecté au guichet peut mieux informer et aider les voyageurs que des applications et autres outils informatiques. La SNCB a en effet la mission sociale d’offrir une prestation de service à tous les voyageurs, pas seulement à ceux qui sont totalement familiarisés avec la numérisation.
Il est évident que les guichets doivent être accessibles. Toutes les personnes en situation de handicap n’ont pas les mêmes besoins.
Par exemple :

      • un guichet abaissé pour les usagers en fauteuil roulant et les personnes de petite taille
      • une boucle d’induction pour les personnes avec un handicap auditif
      • des lignes podotactiles vers le guichet pour les personnes aveugles et malvoyantes (guichet classique, pas de guichet abaissé saillant pour ces personnes !)
      • signalisation claire
      • personnel ayant reçu une formation sur les différents handicaps

⇒ Le CSNPH réitère une fois encore que les prix aux guichets de gare ne peuvent pas être plus élevés que les prix du même produit en ligne, comme c’est actuellement le cas pour les voyages internationaux et les Discovery Tickets (réduction sur le billet de train au moyen d’un code numérique obtenu après achat auprès d’un partenaire de la SNCB). Il s’agit là aussi d’une discrimination. 

  1. La SNCB doit également veiller à améliorer en permanence la qualité de l’accueil dans les gares, la qualité du transport ferroviaire et l’organisation des correspondances se combinant avec les autres moyens de transports en commun.» Les gares « constituent des nœuds qui sont utilisés chaque semaine par des millions de Belges et où se croisent trains, bus, trams, vélos partagés et voitures de location. » Les gares sont en effet des nœuds de mobilité. Même les plus petites gares ont généralement aussi au moins un arrêt de bus, un parking pour les autos et les vélos que beaucoup utilisent, surtout là où d’autres alternatives en matière de mobilité ne sont pas disponibles. Les guichets ont donc également toute leur importance dans les gares peu fréquentées.

⇒ Le CSNPH reconnaît l’importance des gares en tant que nœuds de mobilité.
⇒ Le CSNPH demande que la multimodalité soit davantage développée, permettant à chacun, y compris aux personnes en situation de handicap d’utiliser facilement et sans interruption les transports publics et autres modes de transport – à savoir sans interruption en matière d’accessibilité et d’assistance aux personnes à mobilité réduite –, ainsi que de voyager librement et sans entrave.
⇒ Le CSNPH demande la poursuite du travail de la plateforme «transport ferroviaire» mise en place lors de la précédente législature au sein du SPF Mobilité et Transports et rassemblant autour de la table les différents fournisseurs de transport fédéraux et régionaux dans le cadre de la multimodalité.

  1. « Pourquoi est-il possible d’acheter un abonnement au système de vélos en libre-service (VLS) au supermarché, mais pas au guichet d’une gare? »

⇒ Il s’agit d’une question pertinente.

  1. Le CSNPH apprécie la phrase suivante : La SNCB « doit veiller à ce que les services ferroviaires puissent être exploités dans les meilleures conditions possibles au regard de la sécurité, de l’accessibilité, du confort et de la ponctualité.»

⇒ le CSNPH demande depuis des années que l’accessibilité soit un critère d’évaluation au même titre que la sécurité et la ponctualité dans l’évaluation de la SNCB et d’Infrabel.

  1. La proposition de résolution formule des remarques critiques concernant les activités commerciales dans les gares : «Aujourd’hui, les grandes gares sont devenues de véritables centres commerciaux où des trains s’arrêtent.  La SNCB est devenue une entreprise immobilière, ce qui l’a éloignée de sa mission de service public. »

⇒ De toute évidence, le CSNPH estime lui aussi que la SNCB doit d’abord remplir sa mission de service public. Toutefois, le CSNPH considère que les magasins et les établissements horeca ont leur place dans les gares. Ils ont une utilité pour les voyageurs qui ont faim et soif, rendent la correspondance plus agréable et donnent de la vie aux gares.
⇒ En revanche, les activités commerciales ne doivent pas compromettre l’accessibilité des gares. Il faut éviter de placer du matériel promotionnel ou autre dans les couloirs, et certainement sur les lignes podotactiles pour les personnes aveugles et malvoyantes.

  1. Le CSNPH reconnaît la valeur ajoutée et les perspectives d’avenir qu’offrent les guichets et le personnel de guichet, dont d’autres tâches éventuelles. Le CSNPH formule les observations qui suivent.
    • Dans la proposition de résolution, figure : «Plutôt que fermer des guichets, nous devrions en faire des points de référence pour la mobilité durable. Les voyageurs pourraient alors y trouver toutes les informations sur les transports en commun et la mobilité partagée.»

⇒ Le CSNPH demande aux auteurs de la proposition de résolution de clarifier le concept de «points de référence pour la mobilité durable».

    • «En effet, pourquoi ne pas envisager de conclure un partenariat avec bpost pour y permettre le retrait de certains colis?»

⇒ Le CSNPH n’y est pas fondamentalement opposé, mais il a cependant quelques questions à ce sujet.

        • Le retrait se fait-il au guichet ? S’agit-il d’un guichet abaissé accessible aux usagers en fauteuil roulant et/ou pourvu d’une boucle d’induction pour les personnes en situation de handicap auditif ?
        • L’accessibilité peut-elle être garantie ? Nous savons par expérience que les points poste qui ne sont pas gérés par bpost ne sont pas toujours accessibles. (Par ailleurs, les bureaux de poste officiels ne le sont malheureusement pas toujours non plus.)
        • Les tâches supplémentaires ne vont-elles pas allonger les files d’attente ? Dans ce cas, cela mettrait en danger la prestation de services de base. 

D. Points d’attention du CSNPH

  • Le CSNPH profite de l’occasion pour plaider une fois encore pour une assistance dans toutes les gares. C’est encore loin d’être le cas aujourd’hui (174 sur 550 à 555 gares ?). Il existe également un mouvement visant à rendre toutes les gares accessibles. Il s’agit en effet d’une évolution positive, mais pour le CSNPH, une gare ne peut être considérée comme intégralement accessible que lorsqu’une assistance est également offerte à ceux qui en ont besoin. Jusqu’à présent, les personnes en situation de handicap ne peuvent pas toujours recevoir une assistance dans la gare de départ et/ou de destination la plus proche. La SNCB met parfois à disposition des taxis depuis ou vers une gare avec assistance, mais il ne s’agit généralement pas de l’itinéraire le plus rapide possible.
  • Outre leurs tâches habituelles au guichet, les guichetiers se chargent également depuis le 1er octobre 2024 d’accompagner les personnes à mobilité réduite.

Le CSNPH souhaite que cette manière de travailler fasse l’objet d’une évaluation après un an.

  • Le CSNPH demande une fois de plus de trouver une bonne solution pour le tarif à bord, par une exemption sur présentation de la carte EDC par exemple. Fermer des gares n’est certainement pas la solution.