Avis 2025/22
Le secrétariat du CSNPH est actuellement en sous-effectif important.
Le 9 mai dernier, le Comité de direction du Service public fédéral Sécurité sociale a décidé que les collaborateurs qui ne travaillaient plus pour le secrétariat ne seraient pas remplacés.
Cela met le CSNPH en grande difficulté dans la réalisation des missions liées à sa fonction consultative. Très concrètement, les délais réglementaires prévus pour la remise de ses avis devront être allongés.
Avis n° 2025/22 de la plateforme des conseils d’avis handicap sur la nécessité de lui attribuer un statut juridique et un secrétariat spécifique et permanent.
Rendu le 15.09.2025 après discussion en plateforme du 1er juin et consultation de la plateforme par courrier électronique entre le 25.07 et le 10.08.2025.
Avis rendu d’initiative par la plateforme des conseils d’avis handicap.
1. AVIS DESTINÉ
- Pour suite utile à Monsieur Rob Beenders, ministre de la Protection des consommateurs, de la Lutte contre la Fraude sociale, des Personnes handicapées et de l’Egalité des chances
- Pour information à Monsieur Bart De Wever, Premier ministre
- Pour suite utile aux ministres en charge du handicap dans les entités fédérées
- Pour suite utile aux ministres présidents des entités fédérées
- Pour suite utile à la Conférence interministérielle (CIM) Égalité des chances, Handicap et Lutte contre le racisme
- Pour information à Unia
- Pour information au Mécanisme de Coordination de l’UNCRPD
- Pour information au Médiateur fédéral
2. OBJET
Attribution d’un secrétariat spécifique et permanent à la plateforme rassemblant les conseils d’avis fédéral et fédérés ainsi que le conseil d’avis au niveau européen et international (BDF - Belgian Disability Forum).
3. ANALYSE
La Belgique est un État fédéral avec plusieurs niveaux égaux de pouvoirs (fédéral, communautés, régions). Les compétences sont parfois partagées pour un même domaine ; ce qui nécessite des articulations et des collaborations entre les niveaux de pouvoirs. Dans le domaine du handicap, les collaborations administratives et politiques se sont cristallisées notamment sous la forme de la CIM Handicap[1] ou du Plan interfédéral handicap 2021-2029 par exemple.
Cette collaboration est cependant loin d’être parfaite et du point de vue du citoyen, il y a un vrai problème lié aux domaines de compétences partagées : les situations de pertes de droits et d’effets pervers sont nombreuses. Les raisons sont multiples
- Complexité administrative : Les personnes concernées doivent souvent naviguer entre plusieurs administrations, ce qui rend l’accès aux droits et services plus difficile.
- Manque de coordination : la CIM est loin de couvrir tous les enjeux (actuellement, s’occupe de l’emploi, de l’EDC et des statistiques uniquement)
- Inégalités territoriales dans l'accès aux aides financières: selon la Région ou la Communauté, les services et aides ne sont pas toujours équivalents. Par ailleurs, une personne qui se forme ou travaille dans une région différente de celle dans laquelle elle vit perd l’accès à des aides financières ou techniques.
- Multiplication des démarches administratives : les personnes en situation de handicap doivent souvent contacter plusieurs administrations (fédérales, régionales, communautaires) pour obtenir des aides diverses (allocations, aides techniques, accompagnement, soins). Ce morcellement complique l’accès aux droits et accroît la charge administrative, particulièrement pour les personnes ayant des capacités réduites.
- Manque de coordination entre services : ainsi par ex., un service d’aide à domicile géré par une Région peut ne pas être coordonné avec les soins médicaux fédéraux, créant des ruptures dans le suivi.
- Différences dans les critères de reconnaissance du handicap : les critères médicaux ou administratifs pour reconnaître un handicap ne sont pas toujours harmonisés, ce qui peut entraîner des refus dans certaines entités alors que la personne serait reconnue ailleurs.
- Difficultés d’intégration scolaire et professionnelle : les dispositifs d’aide à l’intégration (soutien scolaire spécialisé, aides à l’emploi) varient selon les communautés. Une personne en situation de handicap peut donc rencontrer des soutiens très différents selon son lieu de vie.
Dans la vie au quotidien, ces problèmes peuvent prendre une dimension dramatique : épuisement de la personne et de la famille, non-recours aux droits, isolement et exclusion, pauvreté…
Ces situations ne sont malheureusement pas isolées et pour les conseils d’avis handicap, il s’agit de parler au nom de toutes les personnes en situation de handicap de la Belgique et de faire état des problèmes globaux qui dépassent les compétences de chaque entité. Faute de statistiques globales intégrées en Belgique, il est impossible de quantifier ces réalités mais tous les acteurs institutionnels spécialisés (UNIA, SPF sécurité sociale, Statbel…) convergent pour montrer que la complexité fédérale amplifie les disparités territoriales, retarde le traitement des droits et crée des obstacles administratifs sérieux pour les personnes en situation de handicap. Cette situation n’est pas spécifique au domaine du handicap mais elle est particulièrement palpable par rapport à un public fragilisé au départ et pour qui peu de facilités sont prévues pour sillonner dans les dédales administratifs. Cet état de fait est aussi largement relayé par la littérature académique qui pointe parmi les solutions bien évidemment l’harmonisation des critères et des procédures, la mise en place de guichets uniques, le renforcement des instances de coordination (CIM et protocoles). Une toute récente étude sur les allocations pour les personnes handicapées a également mis en évidence l’importance des mesures intégrées pour lutter contre le non-take-up (voir avis 2024-17 et 2025-11).
C’est la raison pour laquelle, en 2011 déjà, des représentants du CSNPH, du Conseil consultatif bruxellois près la COCOF et près la COCOM, des associations de Flandre (pas de conseil d’avis à l’époque) et de la commission consultative wallonne des personnes handicapées ont constitué une plateforme interfédérale consultative handicap (« plateforme »).
Depuis 2011, la plateforme se réunit plusieurs fois chaque année autour d’un ordre du jour varié. La plateforme rend ainsi des avis d’initiative et sur demande et interpelle les différents niveaux de pouvoirs. La plateforme collabore aussi activement aux rapports alternatifs sur la mise en œuvre de l’UNCRPD.
Depuis 2023, c’est la CIM Handicap elle-même qui demande des avis à la plateforme sur des thèmes variés : planifications des priorités handicap, emploi, mobilité et accessibilité, etc. Le politique lui-même exprime donc la nécessité d’avoir une approche globale et intégrée du handicap et de pouvoir s’appuyer sur l’expertise de tous les conseils d’avis, au travers notamment d’avis demandés à la CIM handicap.
La situation de travail de la plateforme est cependant compliquée car
- La plateforme n’a aucun statut juridique et n’est dotée d’aucun moyen en propre : il n’existe pas de secrétariat lié à la plateforme
- Les conseils d’avis sont habilités à rendre des avis dans leurs domaines de compétence matérielle et territoriale respectifs
- Le secrétariat du CSNPH prend habituellement en charge l’organisation des réunions et le travail d’écriture nécessaires à la rédaction de l’avis ; d’autres conseils commencent aussi à le faire. Cependant,
- Les avis interfédéraux sont plus complexes et énergivores
- Cet exercice d’intégration nécessite un investissement important du secrétariat de chaque conseil d’avis mais aussi des membres de chaque conseil d’avis
- un travail d’analyse important (situation dans chaque entité du point de vue réglementaire, défis…),
- l’organisation de réunions – parfois plusieurs,
- un exercice d’écriture intégré très important pour le secrétariat en charge de l’écriture finale,
- une charge liée à la participation et à la lecture pour les membres eux-mêmes dans les conseils d’avis,
- pour chaque secrétariat et conseil d’avis, cela représente un temps de travail supplémentaire qui vient en plus des missions réglementaires
- Les secrétariats des conseils existants ont une force de travail parfois très réduite qui ne leur permet déjà pas, pour la toute grande majorité, d’assurer leurs missions de base.
[1] Jusque sous le gouvernement fédéral De Croo, le handicap était pris en charge dans la CIM « Familles, bien-être et sports » ; le gouvernement 2024-2029 a remanié les CIM et le handicap sera traité dans la CIM « Egalité des Chances, Handicap et Lutte contre le racisme ».
4. AVIS
La plateforme mais aussi la CIM Handicap reconnaissent la nécessité d’investir plusieurs domaines de compétence de manière transversale.
Face à l’attente politique de la CIM Handicap de s’appuyer sur des avis intégrés et soutenus par tous les conseils d’avis handicap dans les entités fédérale et fédérées de Belgique,
⇒ La plateforme demande que soit mis en priorité haute, à l’ordre du jour de la prochaine CIM handicap, la nécessite de doter la plateforme
-
- d’un statut juridique exclusif et propre : reconnaître la plateforme actuelle des conseils d’avis handicap (fédéral, entités fédérées et supranational) comme conseil d’avis interfédéral handicap liée à la CIM Handicap mais aussi aux autres CIM dans une logique de handistreaming
- et d’un secrétariat ad hoc
- composé de moyens humains qui permettent la préparation, la rédaction et le suivi des avis et des rapportages interfédéraux, globaux et intégrés
- pouvant compter sur les outils nécessaires au bon fonctionnement, en ce compris
- l’organisation des réunions dans les 3 langues nationales,
- la traduction des avis et rapports dans les 3 langues nationales,
- la visibilisation et à la communication (site internet).