Avis 2025/08
Le secrétariat du CSNPH est actuellement en sous-effectif important.
Le 9 mai dernier, le Comité de direction du Service public fédéral Sécurité sociale a décidé que les collaborateurs qui ne travaillaient plus pour le secrétariat ne seraient pas remplacés.
Cela met le CSNPH en grande difficulté dans la réalisation des missions liées à sa fonction consultative. Très concrètement, les délais réglementaires prévus pour la remise de ses avis devront être allongés.
Avis n° 2025/08 du Conseil supérieur national des personnes handicapées (CSNPH) concernant la proposition de résolution visant à promouvoir l'occupation des personnes handicapées : DOC 56 0446/001.
Rendu lors de la session plénière du 14/04/2025.
Avis transmis à la demande de M. Denis Ducarme, président de la commission des affaires sociales, de l'emploi et des pensions de la Chambre par courriel du 18/03/2025.
1. AVIS DESTINÉ
Pour suite utile aux membres de la Commission des Affaires sociales de la Chambre
- Denis Ducarme ;
- Mme Nahima Lanjri ;
- Mme Nathalie Muylle ;
- Mme Nawal Farih ;
- Servais Verherstraeten ;
- Wouter Beke.
Pour information
- À Monsieur Rob Beenders, ministre de la protection des consommateurs, de la lutte contre la fraude sociale, des personnes handicapées et de l'égalité des chances.
- À Monsieur David Clarinval, vice-premier ministre et ministre de l’emploi, de l'économie et de l'agriculture.
- Unia.
- Au mécanisme de coordination de l'UNCRPD.
- Au Médiateur fédéral.
2. OBJET
La commission des affaires sociales, de l'emploi et des pensions de la Chambre des représentants a entamé la discussion sur la proposition de résolution visant à promouvoir l'occupation des personnes handicapées, déposée par Mme Nathalie Muylle.
3. ANALYSE
- Le Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) constate que cette proposition est un copié-collé d’une précédente proposition du même intitulé et déposée le 19 avril 2023 (DOC 55 3318/001). Le CSNPH avait remis un avis 2023-14 dont aucune recommandation n’a été retenue. Les données et informations de l’époque reprises dans la présente proposition de résolution ne sont plus non plus d’actualité.
Les avis du CSNPH ne sont pas nécessairement contraignants, mais le CSNPH souhaite rappeler son rôle de conseil consultatif et partenaire de réflexion et de décision au sens de la Convention des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées (art. 4.3).
- Au-delà de son avis 2023/14 dont il réitère le contenu, le CSNPH rappelle aussi un certain nombre de documents et positions utiles à la réflexion :
Recommandation 57 "Le Comité recommande à l'État partie de s'efforcer, en étroite consultation avec les personnes en situation de handicap et avec leur participation active par l'intermédiaire des organisations qui les représentent, de fournir, à tous les niveaux du gouvernement, des informations dans des formats accessibles sur les mesures visant à faciliter le retour à un emploi régulier, les aménagements raisonnables, les prestations disponibles et les associations spécialisées dans des domaines spécifiques, et de prendre des mesures structurelles pour assurer une coopération efficace entre toutes les entités impliquées dans l'aide aux personnes en situation de handicap sur le marché du travail."
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- L’accord de coalition fédéral qui précise l'ambition d'atteindre un taux de participation au marché du travail de 80 % d'ici 2029.
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- Le rapport sur la diversité du SPF Emploi qui note :
"Le taux d'emploi des personnes en situation de handicap est faible - même lorsqu'elles ne perçoivent pas d'allocations d'invalidité et qu'elles sont diplômées de l'enseignement supérieur - et leurs taux de chômage et d'inactivité sont élevés. Le taux de chômage et d'inactivité est élevé, et ce dernier continue d'augmenter avec l'âge. Lorsqu'elles sont employées, les personnes en situation de handicap ont moins de chances de travailler à temps plein. En outre, nous n'avons pas réussi à améliorer structurellement leur taux d'emploi au cours de la dernière décennie, et ce dans presque tous les secteurs, y compris le secteur public".
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- Le Projet de conclusions du Conseil sur la promotion de l'inclusion sociale des personnes handicapées par le biais de l'emploi, d'aménagements raisonnables et de la réadaptation (25.11.2024 - approuvé) précise que chaque État est encouragé à : (...) la création d'un fonds commun pour les ajustements raisonnables financés par les employeurs (…) le respect des conventions internationales pertinentes soit une condition pour l'octroi d'aides d'Etat incitatives.
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- Le rapport CSE (page 20) souligne que le gap entre personnes « valides » et personnes en situation de handicap ou malades, est actuellement de 33,1% et qu’il faut le réduire à 24,5% et il importe donc de prendre les mesures nécessaires (aménagements raisonnables au travail, accompagnement, etc.) pour le resserrer.
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- Le paquet emploi pour les personnes en situation de handicap 2023 : la Commission européenne a publié un catalogue d'actions positives axées, entre autres, sur la sensibilisation aux capacités, aux talents et au potentiel des personnes en situation de handicap.
4. AVIS
La résolution manque d’ambition !
- Cette résolution est un texte d’intentions, trop faible et sans aucune portée contraignante.
⇒ Le CSNPH réclame une loi qui rendra enfin possible l’emploi des personnes en situation de handicap, en tenant compte des contraintes notamment liées à l’environnement et à leur parcours de soins.
Le CSNPH aurait apprécié voir pris en compte les préoccupations et attentes de l'avis 2023-14 : le CSNPH est, pour rappel, l’organe d’avis officiel fédéral en matière de handicap.
- La version française de la résolution parle d'"occupation".
⇒ Le CSNPH demande de remplacer ce terme par celui d’ « emploi », car il s’agit de questionner et résoudre la question de l’emploi des personnes en situation de handicap et non pas se limiter à des formes d’occupation.
- Quotas :
La résolution reconnaît que le quota légal de 3% d'emploi au sein de la fonction publique fédérale n'est pas atteint (seulement 1,06% en 2021) et que les chiffres sont même en baisse.
⇒ Le CSNPH considère que l’Etat doit donner l’exemple et demande de revoir ce cadre en prévoyant aussi un volet de sanctions.
⇒ Le CSNPH considère aussi que la politique de sensibilisation n’a pas porté de résultats suffisants dans le secteur privé. Il a fallu des actions positives pour amorcer l’égalité hommes-femmes ; le CSNPH estime que des actions positives sont aussi nécessaires pour permettre à plus de personnes en situation de handicap d’accéder au marché du travail.
- Absence de délais concrets ou de cadres d'évaluation.
La résolution demande des rapports annuels et un suivi, mais sans délais contraignants, ni sanctions claires, ni budgets concrets.
- L'accent n'est pas suffisamment mis sur les aménagements raisonnables ; l’idée des actions positives n’est pas abordée.
⇒ Le CSNPH demande de clarifier les concepts d’aménagements raisonnables et actions positives et de préciser ce qui est concrètement attendu des employeurs.
- Peu d'attention est portée à la discrimination intersectionnelle.
Bien que les femmes en situation de handicap soient brièvement mentionnées (taux d'emploi plus faible, plus de travail à temps partiel), il n'existe pas de stratégie intersectionnelle, ce qui nie la réalité pourtant à présent bien identifiée du cumul des facteurs discriminants ( voir le rapport sur la diversité du SPF Emploi).
Plus globalement, le CSNPH demande avec urgence et insistance :
- Une politique interfédérale pour l'emploi des personnes en situation de handicap
Remettre les personnes en situation de handicap au travail ne se décrète pas. Cela nécessite une coordination et des priorités claires :
⇒ une vision et une planification, assurer une coopération entre les niveaux de compétences communautaires et régionales (formation et accompagnement, incitants) et fédérales (statuts et protection des travailleurs, mesures contraignantes vis-à-vis des employeurs).
⇒ un plan interfédéral pour coordonner les actions à tous les niveaux.
⇒ un rapportage annuel (suivi des progrès) et un partage des données entre les gouvernements.
⇒ des infrastructures et des transports publics accessibles.
⇒ des lieux de travail développés selon le principe de la conception universelle.
⇒ des clauses sociales inclusives dans tous les marchés publics.
- Sensibilisation des employeurs du secteur privé
Les employeurs sont souvent insuffisamment informés des aides existantes et des possibilités qu'offre l'emploi de personnes en situation de handicap. La résolution propose quelques campagnes de sensibilisation, mais ne s'engage pas à promouvoir activement l'emploi inclusif. Il faut :
⇒ Un guichet unique pour les employeurs et les employés et qui traite les questions concrètes concernant le travail, les aménagements raisonnables, le cumul des rémunérations et des indemnités, etc.
⇒ Encourager la coopération entre les entreprises générales et les entreprises de travail adapté.
⇒ Encourager la coopération entre l'enseignement et les entreprises.
⇒ Une étude de faisabilité sur l'introduction de quotas et d'un fonds de responsabilisation sur le modèle français.
⇒ Que la conception universelle s'impose comme une évidence lors de la construction ou de la rénovation d'un établissement. Introduire un test de handicap (cfr. le test climat).
⇒ Une obligation de recourir à des aménagements raisonnables. Cfr brochure handistreaming et brochure travailler avec un handicap.
- Un nouveau statut pour les personnes travaillant selon un horaire irrégulier pour des raisons de santé
La peur de ne pas accéder à des ressources suffisantes après une période de travail éloigne de nombreuses personnes en situation de handicap du marché du travail.
⇒ Il faudrait autoriser les personnes à enchainer les périodes de salaires et les périodes d’allocations de remplacement de revenus.
Le CSNPH rappelle également que de nombreuses personnes en situation de handicap sont actuellement employées dans des situations précaires :
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- Stages non rémunérés ou autres "parcours d'expérience professionnelle" ;
- Les contrats sont résiliés lorsque l'employeur a bénéficié de toutes les primes possibles ;
- La protection de la sécurité sociale pour les travailleurs handicapés est très faible ; les travailleurs sont rapidement et définitivement poussés vers l'assistance sociale (loi de 1987 sur l'allocation de remplacement de revenus et l'allocation d'intégration (ARR et AI).
- Formation
Les personnes en situation de handicap sont en moyenne moins scolarisées que la population active en raison des obstacles à la formation. Il existe dans la proposition de résolution quelques vagues suggestions sur la formation numérique, mais aucune politique concrète visant à supprimer structurellement les obstacles à la formation. Il faut au contraire veiller :
⇒ Au renforcement des services d'aide à l'emploi pour les personnes en situation de handicap.
⇒ À une coopération active entre les employeurs et les services de l'emploi.
⇒ À une meilleure adéquation entre les compétences et les postes vacants. À un accompagnement concret pour l'employeur et pour l'employé lors du recrutement et sur le lieu de travail, de manière durable et en fonction des besoins concrets.
⇒ À la formation accessible (en ligne) et apprentissage tout au long de la vie.
- Soutenir réglementairement le changement de mentalité
Il faut :
⇒ Une application stricte du droit à l'inclusion, article 22bis de la Constitution.
⇒ Des campagnes, actions positives autour de l'inclusion, de la diversité et de la création d'emplois.
⇒ Une réécriture de la loi du 27/02/1987 relative aux allocations pour personnes en situation de handicap. Le prix du travail et les pièges à l’emploi devraient être éliminés des allocations de remplacement de revenu (ARR). Dans ses recommandations à la Belgique du 5 septembre 2024, le Comité des experts pour les droits des personnes en situation de handicap indique que l'allocation couvrant les coûts liés au handicap doit être intégralement maintenue lorsque ces personnes entrent sur le marché du travail. La condition préexistante devrait également être réexaminée (art. 100 de la loi du 14/07/1994).
⇒ Examiner la faisabilité du cumul de l'ARR et du salaire journalier.
⇒ Soutenir les personnes lorsqu'elles ne peuvent pas travailler (rechute ou obstacles – environnement inaccessible, conséquences de la maladie ou du handicap).
⇒ Pour toutes les personnes des allocations supérieures au seuil de pauvreté (actuellement, l’ARR est inférieure de 10 % au seuil de pauvreté).
⇒ Permettre le cumul entre le travail à temps partiel et l'ARR.
⇒ Activer l’ARR dès l'arrêt du travail.
⇒ Adopter les mesures législatives et politiques nécessaires pour permettre aux parents de personnes en situation de handicap d'élever leurs enfants au sein de la famille sans avoir à quitter le marché du travail.