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Avis 2025/17

 

Le secrétariat du CSNPH est actuellement en sous-effectif important.

Le 9 mai dernier, le Comité de direction du Service public fédéral Sécurité sociale a décidé que les collaborateurs qui ne travaillaient plus pour le secrétariat ne seraient pas remplacés.

Cela met le CSNPH en grande difficulté dans la réalisation des missions liées à sa fonction consultative. Très concrètement, les délais réglementaires prévus pour la remise de ses avis devront être allongés.

 

Avis n° 2025/17 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif au projet de lignes directrices sur l’accessibilité des services de commerce électronique.

Avis rendu le 23/06/2025 après discussion en séance plénière du 16 mai 2025 et consultation par voie électronique.

Avis rendu à la demande de monsieur David Clarinval, vice-premier ministre et ministre de l’Emploi, de l’Économie et de l’Agriculture (lettre du 23 mai 2025).

 

1. AVIS DESTINÉ

  • Pour suite utile à monsieur David Clarinval, vice-premier ministre et ministre de l’Emploi, de l’Économie et de l’Agriculture
  • Pour suite utile à la Direction générale Inspection économique
  • Pour information à monsieur Rob Beenders, ministre de la Protection des consommateurs, de la Lutte contre la fraude sociale, des Personnes handicapées et de l’Égalité des chances
  • Pour information à madame Vanessa Matz, ministre de l’Action et de la Modernisation publiques, chargée des Entreprises publiques, de la Fonction publique, de la Gestion immobilière de l’État, du Numérique et de la Politique scientifique
  • Pour information à Unia
  • Pour information au Mécanisme de coordination de l’UNCRPD
  • Pour information au Médiateur fédéral
  • Pour information au Service de médiation pour le consommateur
 

2. OBJET

La directive sur les exigences en matière d’accessibilité a été adoptée dans l’Union européenne le 17 avril 2019. Elle impose aux États membres de veiller à ce que tous les produits et services qu’elle énumère soient plus accessibles aux consommateurs, notamment les services de commerce électronique. Le législateur belge a apporté plusieurs modifications législatives afin de répondre à cette obligation. Dans ce cadre, l’Inspection économique du SPF Économie a rédigé une série de lignes directrices relatives aux services de commerce électronique, déjà disponibles en français et en néerlandais.

 

3. ANALYSE

La loi du 5 novembre 2023 habilite la Direction générale Inspection économique du SPF Économie à effectuer des contrôles relatifs aux exigences d’accessibilité concernant les services bancaires aux consommateurs et les services de commerce électronique.

Conformément à l’article 10 de la loi du 5 novembre 2023, l’Inspection économique peut rédiger des avis et fournir des renseignements aux entreprises sur la façon dont elles peuvent respecter les exigences en matière d’accessibilité.

Les avis et renseignements dont la portée est générale doivent être soumis pour avis au Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées.

Dans ce cadre, l’Inspection économique a rédigé une série de lignes directrices sur les services électroniques. Celles-ci ont pour but de clarifier la législation relative à l’accessibilité des services de commerce électronique. Il existait déjà une réglementation européenne sur la fourniture d’informations dans les contrats conclus à distance (tels que les achats sur des webshops), mais pas encore sur l’accessibilité de ces informations. Le principe de base que les prestataires de services doivent s’efforcer de respecter est qu’il doit être possible pour chaque consommateur de prendre, de manière indépendante, des décisions en connaissance de cause en ce qui concerne les contrats qu’il conclut par voie électronique. Cela signifie d’une part que les consommateurs en situation de handicap doivent pouvoir utiliser les sites web et applications sur lesquels ils peuvent conclure ces contrats, et d’autre part que les informations sur les services de commerce électronique proposés doivent être compréhensibles. Les services de commerce électronique doivent donc être aussi utilisables et compréhensibles que possible, afin que l’aide d’autres personnes ne soit pas toujours nécessaire.

Les services de commerce électronique sont des services fournis à distance, via des sites internet et des services intégrés sur des appareils mobiles, par voie électronique et à la demande individuelle d’un consommateur, en vue de conclure un contrat de consommation. Un service de commerce électronique remplit donc toujours les conditions suivantes :

  • « à distance» : cela signifie que les différentes parties au contrat, par exemple l’acheteur et le vendeur, ne sont pas présentes en même temps ;
  • « via des sites internet, des services intégrés sur des appareils mobiles » : cela inclut les sites web et les applications mobiles (apps) ;
  • « par voie électronique » : cela signifie que le service est envoyé et reçu au moyen d’équipements électroniques. Cela couvre à la fois le traitement et le stockage des données. Ces données sont entièrement transmises, acheminées et reçues par voie filaire, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques ;
  • « à la demande individuelle d’un consommateur» : cela signifie que le consommateur doit pouvoir faire appel lui-même au service. Il doit donc pouvoir choisir de se rendre sur le site web ou d’utiliser l’application pour conclure un contrat ;
  • « en vue de conclure un contrat de consommation» : cela signifie que le consommateur doit être en mesure de conclure un contrat. Par exemple, si des produits sont proposés sur un site web et que vous pouvez les acheter via ce site, vous pouvez, en tant que consommateur, conclure un contrat d’achat. (La formulation «afgebeeld/affichés» utilisée dans le projet de lignes directrices est malheureuse, étant donné que les personnes aveugles doivent aussi pouvoir acheter en ligne.)

Une législation relative à l’accessibilité des services de commerce électronique n’est certainement pas superflue. Le CSNPH reçoit régulièrement des plaintes de personnes en situation de handicap concernant le manque d’accessibilité des services de commerce électronique. Or, il n’existe quasiment plus d’alternative physique aux services de commerce électronique, comme un magasin à proximité.

 

4. AVIS

A. En ce qui concerne la demande d’avis

  • À la demande du ministre, le projet de lignes directrices n’a pas été joint à l’avis pour des raisons de confidentialité, bien que cela complique les références au texte. Quoi qu’il en soit, les avis du CSNPH sont publiés sur le site web du CSNPH.
  • Dans sa lettre, le ministre fait référence à l’obligation de l’Inspection économique de recueillir l’avis du CSNPH.

Le CSNPH demande à l’Inspection économique de consulter le CSNPH dès le début de la réflexion politique, conformément au principe «rien sur nous sans nous» et à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. 

  • Bien que Le CSNPH se réjouisse que l’accessibilité des services de commerce électronique devienne une obligation et qu’il y ait des lignes directrices à ce sujet, le CSNPH déplore que la demande d’avis arrive tardivement, à savoir le 23 mai 2025. Cela ne donne en principe qu’un mois au CSNPH pour rédiger un avis. En outre, le CSNPH lit dans le projet que les exigences en matière d’accessibilité entreront déjà en vigueur le 28 juin 2025. Cela laisse peu de latitude pour des ajustements concrets par la suite.

Veuillez transmettre les demandes d’avis au CSNPH suffisamment à temps.

B. Champ d’application

Le CSNPH trouve que ces règles manquent d’ambition. Elles sont insuffisantes pour garantir une accessibilité totale à tout le monde.

  • Le CSNPH lit ce qui suit : « Tous les prestataires de services qui, à partir de ce moment [28/06/2025], proposent aux consommateurs des services de commerce électronique devront veiller à ce que ces services soient accessibles. »

Les entreprises et sociétés prestataires de service, comme la SNCB, Infrabel, bpost, etc., sont-elles soumises à cette obligation?

C. En ce qui concerne les exigences minimales en matière d’accessibilité

  • Il est évidemment important de définir des exigences minimales en matière d’accessibilité, mais le CSNPH estime que ce minimum ne suffit pas à garantir une accessibilité intégrale.

  • Le CSNPH demande d’interpréter les exigences minimales en matière d’accessibilité de manière ambitieuse et de viser l’accessibilité intégrale.

Les sous-titres doivent être bien lisibles sur un fond uniforme et contrasté.
Les informations audio doivent être bien compréhensibles (pas de bruit de fond).

  • Il faut également veiller à ce qu’il n’y ait pas de divergence entre les règles et les plans, d’une part et la pratique, d’autre part. Il arrive aussi régulièrement qu’un projet qui respecte les règles et qui est accessible sur plan ne l’est finalement pas en pratique.

Impliquez à temps l’expertise technique des bureaux d’accessibilité comme le CAWaB (Wallonie-Bruxelles) et Inter (Flandre).

  • Le projet de lignes directrices mentionne à plusieurs reprises que les consommateurs doivent pouvoir percevoir l’information par le biais d’au moins deux sens différents. «Un texte doit ainsi pouvoir être perçu non seulement par la vue, mais aussi par l’ouïe ou le toucher. » Le CSNPH trouve cette description vague et insuffisante.
    Quelques exemples :
    • Les personnes sourdes ont besoin à la fois de texte écrit et de langue des signes, étant donné qu’elles ne savent pas toutes lire et/ou ne maîtrisent pas toutes la langue des signes.
    • Toutes les personnes aveugles ne maîtrisent pas le braille. De nombreuses personnes deviennent malvoyantes ou aveugles à un âge plus avancé. Souvent, elles n’arrivent alors plus à apprendre le braille.
    • Le handicap multiple ou la combinaison de handicaps ne sont pas suffisamment pris en compte. Par exemple : les personnes sourdes-aveugles peuvent communiquer, mais les informations visuelles ou auditives ne leur sont d’aucune utilité.

Le CSNPH demande que les services de commerce électronique soient accessibles à tous, quel que soit le handicap. Outre le texte écrit, il convient donc également de prévoir des versions en braille, en langue des signes (par ex. sur le site web avec des bulles en langue des signes), en langage simple (FALC), une fonction vocale, etc.
Le CSNPH renvoie au concept de conception universelle (universal design).

  • Le CSNPH lit ce qui suit : « De nombreux prestataires de services proposent des services d’assistance visant à apporter une aide supplémentaire au consommateur. Il s’agit des services qui aident le consommateur à répondre à ses questions ou plaintes, par exemple les hot-lines, call-centers, services d’assistance technique, services de médiation ou services de formation. Si un prestataire de services offre un service d’assistance de ce type, ce service doit également pouvoir répondre aux questions relatives à l’accessibilité du service de commerce électronique. »

Le CSNPH estime que tous les prestataires de services auxquels s’appliquent ces lignes directrices doivent offrir un service d’assistance intégralement accessible. 

Pour le contenu web, le CSNPH demande de viser le niveau AAA des règles WCAG. 

  • Le CSNPH lit dans le projet ce qui suit : « Plusieurs exemples et conseils concrets sont donnés dans les exigences en matière d’accessibilité, mais cette liste n’est en aucun cas exhaustive. Les exigences en matière d’accessibilité peuvent toujours être respectées d’autres manières. Tout contrôle réalisé évaluera donc systématiquement au cas par cas si les mesures prises sont suffisantes dans la situation concrète. »

Le CSNPH trouve cette vision non contraignante et demande un cadre clair et obligatoire.

  • Le CSNPH lit au point 2.2.3. ce qui suit : « Veillez à ce que les services d’assistance puissent fournir des informations sur l’accessibilité et la compatibilité avec les technologies d’assistance. » Attention : les prestataires de service commerciaux ont tendance à faire leur propre promotion, de sorte que l’accessibilité et la compatibilité sont probablement présentées de manière trop optimiste pour des raisons de concurrence.

L’Inspection économique doit contrôler l’accessibilité et la compatibilité avec les technologies d’assistance.

  • Le CSNPH lit au point 2.2.4. : « Les fournisseurs de ces produits et services doivent veiller à ce que cet achat puisse être effectué de manière accessible et informer les consommateurs à ce sujet. Il est en outre important pour le consommateur de savoir si tous les produits et services proposés sont eux-mêmes accessibles. […] Toutefois, cette obligation ne va pas jusqu’à exiger du vendeur qu’il procède lui-même à un examen approfondi de chaque produit ou service afin d’en indiquer l’accessibilité. Pour ce faire, il peut s’appuyer sur les informations qui lui sont fournies par l’opérateur économique responsable, tel que le fournisseur, par exemple. Si le vendeur ne reçoit aucune information, il ne peut pas non plus en communiquer au consommateur et ne doit donc pas se conformer à cette exigence. »

Le CSNPH trouve ce passage problématique. Le CSNPH estime que les fournisseurs doivent (s’) informer sur l’accessibilité des produits proposés, même s’ils n’en sont pas eux-mêmes les producteurs. Il est trop facile de se cacher derrière l’ignorance et de rejeter la responsabilité sur le producteur de manière non contraignante.

  • « 2.2.5. Fournissez une possibilité accessible d’identification, de sécurisation et de paiement » : le CSNPH trouve ce point important. Attention, beaucoup de formulaires d’identification en ligne ne sont pas (intégralement) accessibles : par exemple des options insuffisantes, tant sur le plan technique que sur le contenu.

Évitez les formulaires en ligne ou contrôlez en profondeur l’accessibilité totale.

  • Dans la description des critères en matière de performances fonctionnelles (point 2.3.), il n’est pas tenu compte d’un handicap combiné.

Veuillez compléter les critères en matière de performances fonctionnelles dans ce sens.

D. Exceptions

  • Le CSNPH craint que les exceptions autorisées au respect et que les critères pour une charge disproportionnée ne soient utilisés dans la pratique comme excuse pour ne pas devoir rendre accessibles les services de commerce électronique.
    Ainsi la question de la charge disproportionnée. L’annexe 2 énumère 3 critères permettant d’évaluer le caractère disproportionné d’une charge. Le 2e critère est formulé comme suit : « Estimation des coûts et des avantages pour les opérateurs économiques, y compris en ce qui concerne les processus de production et les investissements, par rapport à l’avantage estimé pour les personnes handicapées, compte tenu de la quantité et de la fréquence d’utilisation d’un service spécifique. » Le CSNPH se demande comment il peut être tenu compte de la quantité et de la fréquence d’utilisation du service par les personnes en situation de handicap si l’aménagement en vue de l’accessibilité n’a pas encore eu lieu. Existe-t-il des données ou des statistiques disponibles afin de réaliser cette estimation et de déterminer si un aménagement est raisonnable ou pas ? Ou bien va-t-on se lancer dans des approximations ?

Le CSNPH souhaite qu’une charge disproportionnée éventuelle puisse uniquement être définie à l’aide de critères clairs, mesurables et objectifs, et ce, afin d’éviter tout abus de cette échappatoire.

E. Application

  • L’Inspection économique est compétente pour contrôler le respect des exigences en matière d’accessibilité dans les services de commerce électronique. En cas de problème, les lignes directrices conseillent au consommateur de prendre d’abord contact avec le prestataire de services. Si aucune solution n’est trouvée, le consommateur peut introduire une plainte auprès de l’Inspection économique.

Le CSNPH se demande si l’Inspection économique sera dotée des moyens et de l’expertise nécessaires afin de contrôler le respect des exigences en matière d’accessibilité dans les services de commerce électronique, car cette nouvelle mission s’ajoute à ses principales missions.
L’application des exigences en matière d’accessibilité des services de commerce électronique sera-t-elle une priorité pour l’Inspection économique? En l’absence de contrôle, le respect des exigences en matière d’accessibilité risque de dépendre de la bonne volonté des institutions.
Le CSNPH demande à l’Inspection économique de ne pas hésiter à faire appel au CSNPH pour avis.
Il convient d’impliquer à temps l’expertise technique des bureaux d’accessibilité comme le CAWaB (Wallonie-Bruxelles) et Inter (Flandre).

F. En ce qui concerne les alternatives non numériques

  • Bien que les alternatives non numériques ne relèvent pas au sens strict du sujet de la demande d’avis qui traite uniquement de l’accessibilité des services de commerce électronique, le CSNPH attache cependant beaucoup d’importance à ces alternatives. Pour beaucoup de personnes en situation de handicap, mais également pour un certain nombre de personnes âgées, de personnes défavorisées, de personnes peu qualifiées, etc., la fracture numérique est bien réelle.
  • Dans son exposé d’orientation politique Numérique et son exposé d’orientation politique Fonction publique, madame Vanessa Matz, ministre de l’Action et de la Modernisation publiques, chargée des Entreprises publiques, de la Fonction publique, de la Gestion immobilière de l’État, du Numérique et de la Politique scientifique, promet également d’accorder de l’attention aux solutions non numériques.

Le CSNPH ne manquera pas de rappeler ses promesses à la ministre.