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Avis 2020/16

Avis n° 2020/16 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif à l’avant-projet de loi relative à la participation de bénéficiaires d’allocations de remplacement de revenus (ARR) et d'allocations d'intégration (AI) à des projets temporaires visant à favoriser leur insertion dans le marché du travail, rendu le 01/07/2020 après consultation des membres du CSNPH par courrier électronique du 25/06/2020 en raison de l’urgence demandée par Madame Nathalie Muylle, Ministre de l'Emploi, de l'Économie et des Consommateurs, chargée de la Lutte contre la pauvreté, de l'Egalite des chances et des Personnes handicapées.

Avis rendu à la demande de Madame Nathalie Muylle, Ministre de l'Emploi, de l'Économie et des Consommateurs, chargée de la Lutte contre la pauvreté, de l'Egalite des chances et des Personnes handicapées, par son courrier électronique du 25/06/2020.

1. OBJET

Cet avis concerne l’avant-projet de loi relative à la participation de bénéficiaires d’allocations de remplacement de revenus et d'allocations d'intégration à des projets temporaires visant à favoriser leur insertion dans le marché du travail. L’avant-projet de loi prévoit l'introduction d'une législation expérimentale permettant aux personnes handicapées de disposer d’un revenu professionnel supplémentaire sans que cela ait une incidence sur leurs allocations pour personnes handicapées lorsqu'elles travaillent dans le cadre d'un parcours d'insertion accompagné, en collaboration avec les services régionaux de l'emploi et les services de placement des travailleurs handicapés.

2. ANALYSE

L’avant-projet de loi s’inscrit dans la continuité de l'accord conclu par le Kern élargi quant aux mesures de relance à prendre à la suite de la crise COVID-19. L’objectif de l’avant-projet de loi est d’introduire une législation expérimentale concernant l'élimination des pièges à l’emploi dans lesquels se trouvent de nombreux bénéficiaires d’une allocation de remplacement de revenu et d’une allocation d'intégration.

La Ministre de l'Emploi, de l'Économie et des Consommateurs, chargée de la Lutte contre la pauvreté, de l'Egalite des chances et des Personnes handicapées considère que l'objectif de cette loi expérimentale est de parvenir à une réglementation plus définitive et généralisée, structurelle ou organique.

Pour la Ministre, un point de départ important de cette législation expérimentale est l'idée que certaines des personnes qui reçoivent une allocation de remplacement de revenus (ARR) peuvent et veulent exercer un travail rémunéré. Ce travail doit être en adéquation avec leurs propres capacités, inclure le soutien approprié et s'inscrire dans un cadre juridique approprié.

Elle évoque l’étude "Pauvreté et handicap en Belgique" (2019), réalisée par le SPF Sécurité Sociale et le SPP Intégration sociale, et à laquelle a participé le CSNPH. L’étude met en évidence que le cadre réglementaire des allocations pour personnes handicapées et la manière dont il est mis en œuvre ont un impact négatif sur l'emploi des personnes handicapées.

Un des problèmes majeurs concerne les effets plutôt complexes et partiellement imprévisibles des répercussions d’une insertion professionnelle des bénéficiaires d’une ARR.

En principe, ces bénéficiaires ne doivent pas demander l'autorisation de pouvoir travailler, mais ils doivent signaler toute modification de leurs revenus à l'administration dans les 3 mois afin qu'un révision puisse être programmée un an plus tard. Les allocations ne peuvent être réduites que dans l'année qui suit le début du travail. Il est donc possible que suite au nouveau calcul, leur allocation diminue ou disparaisse. Si celle-ci disparaît, elle entraîne également la perte de certaines mesures sociales et fiscales, telles que le tarif social du gaz et de l'électricité, l'exonération ou la compensation de la contribution sanitaire sur la facture d'eau, etc.

En outre, si les bénéficiaires perdent leur emploi après un certain temps, ils devront de nouveau le signaler à l'administration. L'adaptation de leur allocation dépendra alors de multiples facteurs qui sont difficiles à prévoir au début de leur insertion professionnelle. De plus, après un éventuel licenciement, dans de nombreuses situations, le montant de la nouvelle allocation sera beaucoup moins élevé et souvent non adapté aux revenus réels des personnes et cela pendant des mois.

L'objectif de ce projet-pilote est de stimuler l'inclusion des personnes handicapées sur le marché du travail en leur offrant, d'une part, un soutien approprié (grâce à des parcours individuels sur mesure proposés par les services régionaux d'emploi et de placement) et, d'autre part, un cadre réglementaire plus sûr et plus prévisible pour leur statut social.

À cette fin, cet avant-projet de loi accorde une exception - pour une période déterminée de 3 ans maximum – :

  1. à la limite d'âge de 21 ans visée à l'article 2 de la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées : l'objectif est de donner aux personnes handicapées la possibilité de participer à cette expérience dès l'âge de 18 ans ;
  2. aux règles régissant la prise en compte des revenus pour l’ARR/AI visées à l'article 8 de l'arrêté royal du 6 juillet 1987 relatif à l'allocation de remplacement de revenus et à l’allocation d'intégration : les revenus perçus par les personnes handicapées dans le cadre de cette expérience n'ont aucune incidence sur le calcul de l'allocation pour personnes handicapées ;
  3. aux règles relatives à la durée minimale hebdomadaire de travail des travailleurs à temps partiel.

Les dérogations par rapport au cadre juridique actuel ne visent que les trois conditions mentionnées ci-dessus.

En outre, ces dérogations s'appliqueront uniquement aux personnes participant à un projet-pilote pour les personnes handicapées soutenu par les services régionaux de l'emploi (VDAB, FOREM, ACTIRIS, ADG), et les partenaires de ces derniers avec lesquels une convention de coopération est conclue.

Description des articles

Article 2

La loi s’applique aux personnes qui ont droit à une allocation pour personnes handicapées en application de la loi du 27 février 1987 relative aux allocations pour personnes handicapées et qui participent à un programme d’insertion professionnelle soutenu par un des services régionaux de l’emploi ou un des partenaires de ces services.

Article 3

Le programme d’insertion professionnelle visé à l’article 2 doit s’inscrire dans le cadre d’un projet défini par une convention de coopération conclue entre le SPF Sécurité sociale et un ou plusieurs des services définis à l’article 2.

Article 4

Cet article prévoit que la durée minimale hebdomadaire de travail des travailleurs à temps partiel prévue à l’article 11bis de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail et la durée minimale de chaque période de travail prévue à l’article 21 de la loi sur le travail du 16 mars 1971 ne sont pas applicables à l’emploi de travailleurs handicapés envisagé dans l’avant-projet.

Article 5

Cet article prévoit que les participants au programme d’insertion professionnelle doivent avoir atteint l’âge de la majorité (18 ans), au lieu des 21 ans requis par la loi du 27 février 1987.
Il prévoit aussi que pour le calcul de l’allocation pour personnes handicapées, il n’est pas tenu compte de la rémunération perçue par la personne dans le cadre de cet avant-projet.

Article 6

Cet article prévoit qu’un parcours sur mesure sera établi pour les personnes handicapées participant à ce programme d’insertion professionnelle. Les services de l’emploi accompagnent la personne handicapée pendant ce programme.
La participation au trajet ne génère en tant que telle une réévaluation de la capacité de gain.

Article 7

Au cours de son déroulement, ce projet est évalué par les services régionaux compétents visés à l’article 2. Le SPF Sécurité sociale détermine la forme de cette évaluation en fonction de la spécificité du projet temporaire. La description de l’évaluation est incluse dans la convention de coopération, et contient au moins un rapport semestriel qui est soumis au SPF Sécurité sociale.
Au cours du dernier mois du projet, le SPF Sécurité sociale soumet une évaluation finale au ministre en charge des personnes handicapées. Dans le mois suivant le dépôt de l’évaluation finale, ce ministre soumet au Conseil des ministres une proposition visant à poursuivre ou à mettre fin à l’application de la présente loi.

Article 8

Cet article prévoit qu’il peut être mis fin anticipativement à l’application de la loi par un arrêté délibéré en Conseil des ministres.

Des accords de collaboration devront être pris au plus vite avec les entités fédérées de telle sorte que le projet pilote puisse démarrer le 1er janvier 2021.

3. AVIS

Sur la demande d’avis

Une fois de plus, le CSNPH se voit contraint de donner son avis en extrême-urgence. Il lui est donc impossible de poser des questions sur l’avant-projet de loi aux auteurs du texte, d’obtenir des informations complémentaires et d’en débattre, alors que cette matière est au cœur-même du travail du CSNPH. Une multitude de questions restent sans réponse (et sont d’ailleurs reprises ci-dessous), ce qui renforce l’idée du CSNPH que devoir se prononcer en urgence est contre-productif. La force du CSNPH, c’est le partage d’idées lors des réunions plénières mensuelles et la rédaction d’un avis cohérent sur base de ce partage. Cet exercice hautement essentiel ne peut être garanti quand entre le secrétariat et les membres de la plénière, les échanges doivent se passer par courriels.

Sur le fond

a. Le projet-pilote

À la suite de la crise entraînée par la pandémie et en raison de la pression exercée sur le groupe des chômeurs, le risque est très grand que les personnes handicapées soient encore davantage exclues du marché du travail. Les pièges à l’emploi pour les bénéficiaires d’allocations aux personnes handicapées existaient avant la crise. L’avant-projet qui permet de cumuler revenus professionnels et allocations pourrait éliminer une partie des pièges à l’emploi.

Le CSNPH émet cependant un avis très réservé dans l’état actuel de l’avant-projet de loi. Cet avis est largement négatif pour les motifs repris ci-dessous.   

Le CSNPH constate que l’avant-projet trouve sa raison d’être dans le cadre des mesures de relance prises à la suite de la crise COVID-19 (voir note au Conseil des Ministres). L’avant-projet vise à introduire une législation expérimentale concernant l'élimination des pièges à l’emploi. Pour le CSNPH, il va de soi que cette mesure ne peut en aucun cas constituer la seule mesure de relance de l’après-crise en faveur des personnes handicapées. En effet, la mesure se veut expérimentale et est très limitée dans sa portée :

  • La mesure ne se veut pas structurelle et ne concernera que 300 personnes au maximum.
  • La mesure ne sera pas possible auprès de tous les employeurs.
  • La mesure pourra être révoquée à tout moment et ne garantira aucune stabilité à long terme pour les personnes handicapées.
  • La mesure sera évaluée au terme des 3 ans et uniquement par les services régionaux de l’emploi sans implication des conseils d’avis de personnes handicapées. Si l’avis du CSNPH est demandé au stade du présent avant-projet, il n’est pas prévu que ce dernier soit par la suite impliqué.
  • L’évaluation de la mesure sera elle-même menée exclusivement par le SPF Sécurité sociale, sans participation des personnes handicapées elles-mêmes ni des conseils d’avis qui les représentent.
  • Il n’existe par ailleurs aucune obligation pour l’employeur d’embaucher le travailleur à l’issue du contrat. Cette situation est particulièrement inconfortable. Le contrat à durée indéterminée doit rester la norme pour tous les travailleurs, y compris les travailleurs handicapés. On ne peut imaginer de créer une sorte de sous-statut pour les personnes handicapées.

La nature de l’occupation n’est pas claire : il est question d’un «programme d’insertion professionnelle». La personne est-elle occupée dans les liens d’un contrat de travail soumis à la loi du 3 juillet 1978 ? Cette occupation offre-t-elle une couverture sociale sur le court terme (assurance chômage et indemnités de mutuelle, accident du travail, etc.) et sur le long terme (pension), sachant que la durée minimale hebdomadaire de travail ne sera pas nécessairement applicable ? Le CSNPH souligne que l'emploi qui n'est pas protégé par la sécurité sociale, est voué à l'échec en tant que solution à long terme. C'est un nouveau piège à l'emploi car les personnes ne se sentent pas protégées contre d'éventuels accidents, contre le chômage... De plus, ce type d'emploi est bon marché, ce qui signifie qu'un employeur préfère continuer à utiliser cette formule. Par conséquent, ces personnes ne pourront pas passer dans un cadre de travail régulier, qui est pleinement protégé socialement. Cet avant-projet de loi n'est pas clair sur les droits concernant l'ONSS. Le CSNPH condamne toute forme d'emploi sans protection digne par la sécurité sociale. La protection sociale par l'ONSS représente d'une part un principe d'égalité de traitement pour tous les citoyens, d'autre part une reconnaissance du respect et du travail décent. L’octroi d’allocations ne représente qu'une forme de lutte contre la pauvreté sous sa forme la plus minimale.

Le CSNPH souhaite également savoir ce qui se passe si une personne participant au projet -pilote tombe malade pendant le trajet professionnel. Dans l’hypothèse où elle pourrait bénéficier d’indemnités de mutuelle, la notion d’« état antérieur» prévu par l’article 100 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités sera-t-elle applicable et comment sera-t-elle appréciée ? La personne pourra-t-elle prétendre à une indemnité en accident du travail si elle est victime d’un accident sur le lieu ou le chemin du travail ? Ici aussi, comment sera apprécié l’état antérieur ? 

Le CSNPH se pose aussi une série de questions sur les critères de sélection des candidats. Quels seront ces critères ? Comment assurer l’équilibre hommes/femmes ? Comment assurer l’équilibre entre les tranches d’âge ? Les situations de handicap ? Quelle sera la répartition Flandre/Wallonie/Bruxelles ?

À l’article 6 de l’ avant-projet, il est mentionné qu’il n’y a pas de réévaluation de la capacité de gain lorsque la personne participe à ce projet. Le CSNPH rappelle qu’à elle seule, une mise au travail d’une personne qui bénéficie d’une allocation de remplacement de revenus (même en dehors de ce projet-pilote) ne peut conduire à une révision de la capacité de gain. En effet, lors de l’évaluation de la capacité de gain, le médecin évaluateur doit examiner les possibilités concrètes de la personne handicapée pour fonctionner sur le marché du travail général. Les efforts qui sont entrepris par une personne handicapée à travers un parcours d’insertion ou une réadaptation professionnelle pour acquérir ou conserver un emploi ne peuvent entraîner un refus ou une perte de la reconnaissance à l’octroi de l’allocation de remplacement de revenus dans la mesure ou ladite personne handicapée continue à satisfaire aux conditions posées par l’article 2, § 1 de la loi du 27 février 1987. Ces principes sont clairement repris dans la circulaire du 28 février 2018 relative à l’évaluation de la perte de capacité de gain en vue de l’octroi de l’allocation de remplacement de revenus pour personnes handicapées, publiée dans le Moniteur belge du 12 avril 2018.

La capacité de gain ne peut être réévaluée. Mais qu’en est-il du degré d’autonomie de la personne ? Pourra-t-il être réévalué si le handicap s’aggrave ?  

Cette expérience permet aux jeunes handicapés de moins de 21 ans de bénéficier d'une ARR/AI : n'est-ce pas "encourager" le jeune handicapé à ne pas poursuivre son parcours d'études, alors qu'il est si capital pour son avenir ? Il est fort à craindre qu’à l’issue des 3 ans, les personnes concernées ne reprendront pas les études. De plus, cela induit de facto sa perte des allocations familiales majorées. Donc, il devra s'inscrire comme titulaire dans le régime des soins de santé : a-t-on évalué toutes les conséquences de cette mesure ?

De plus, actuellement, il faut avoir 21 ans pour prétendre aux allocations aux personnes handicapées, à quelques exceptions près. L’avant-projet dans sa version actuelle dit que la personne handicapée qui entre dans ce programme peut ouvrir un droit à une allocation de remplacement de revenus/allocation d’intégration complète avant 21 ans. Cette limite d’âge abaissée à 18 ans pour quelques personnes crée une discrimination entre les personnes handicapées qui sont capables d’intégrer ce programme et les autres qui ne seraient pas capables de travailler.

Par ailleurs, il faut que les personnes soient inscrites dans un dispositif "d'accompagnement" organisé par les régions. La mesure imaginée exclut dès lors les personnes qui trouveraient un emploi en dehors de ces dispositifs. Ce système crée donc une discrimination entre les personnes inscrites dans ce dispositif d’accompagnement et les autres personnes qui trouveront un emploi en dehors de ce dispositif. Les unes pourront intégralement cumuler leurs allocations aux revenus du travail, les autres pas.   
Le CSNPH se demande d’ailleurs pourquoi Phare n’est pas repris parmi les services régionaux.

Le projet-pilote devrait permettre à maximum 300 personnes handicapées de cumuler allocations et revenus professionnels. Il est plus que probable que la plupart des candidats travailleront à temps partiel : leur situation sera sans doute un peu meilleure financièrement, mais loin d'être si confortable que cela. Dès lors, à la fin de l'expérience, même si les évaluations sont mitigées, le bénéficie du cumul sera-t-il retiré aux bénéficiaires ? Il est à craindre qu'en guise de continuation de l'expérience, le politique poursuive par contingent supplémentaire : 300 personnes de plus ? 500 de plus ? Est-ce comme cela que nous voulons répondre correctement à ce problème de pièges à l'emploi ?

Pour toutes ces raisons, le CSNPH considère que l’avant-projet manque de maturité et ne peut en aucune manière être considéré comme une mesure de relance à l’égard des personnes handicapées.

Le CSNPH, qui, depuis des dizaines d’années, suit la problématique de l’emploi des personnes handicapées, a abouti à une conclusion très nette : c’est le marché de l’emploi qui rejette les personnes handicapées. La réflexion doit dès lors prendre une double orientation, à savoir la nécessité de revoir en profondeur la loi du 27 février 1987 et l’obligation d’ouvrir le marché du travail ordinaire aux personnes handicapées.

b. La nécessité de revoir en profondeur la loi du 27 février 1987

Permettre le cumul des allocations et des revenus du travail élimine effectivement un des pièges à l'emploi. Il est à noter cependant que le cumul partiel est déjà autorisé (abattements « Prix du travail »). Mais ce n'est pas le seul piège à l'emploi : la prise en compte des revenus des années -2/-1 l'est tout autant !

L’enjeu d'un cumul possible entre allocations et revenus professionnels est important. Il serait cependant plus judicieux que les responsables politiques aient le courage et l'ambition d'entamer un processus complet de réforme des allocations aux personnes handicapées ! Cet avant-projet est une couche supplémentaire à la "lasagne" réglementaire existante. Le CSNPH rappelle une nouvelle fois la nécessité d’entreprendre une réforme large concernant toutes les personnes handicapées : la crise sociale générée par le COVID-19 va encore s’amplifier et les personnes handicapées sont déjà parmi les victimes : leur pouvoir d’achat s’est détérioré et les aides financières minimales que demandait le CSNPH, à savoir une augmentation temporaire de l’ARR de 5% et une prime de compensation de € 200, n’ont pas été accordées (voir communiqués de presse du 30 mai 2020 et du 2 juin 2020. Il est pour cette raison urgent de réformer en profondeur la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées, ainsi que de relever le montant barémique de l’allocation de remplacement de revenus à, au minimum, le montant du seuil de pauvreté. Le CSNPH rappelle qu’il existe des textes rédigés sur la base des différents avis du CSNPH et largement soutenus par le secteur du handicap pour mettre en place une réforme progressive qui répond aux attentes des personnes handicapées. La plupart des partis disposent de ces textes d’une réforme qui présente le grand avantage du phasage possible des mesures préconisées.

Le CSNPH rappelle les priorités de la réforme demandée :

  1. Introduire le principe de l’allocation d’intégration pour tous, si possible en réduisant, ou en supprimant, la prise en compte des revenus du ménage ;
  2. Lutter contre les pièges à l’emploi, notamment en garantissant à la personne handicapée qui perd son emploi de conserver une allocation d’intégration au moins égale à celle qu’elle percevait durant son travail ;
  3. Lutter contre la pauvreté, notamment en augmentant les montants de l’allocation de remplacement de revenus d’une part, et de l’allocation d’intégration pour les personnes modérément handicapées d’autre part ;
  4. Construire un outil d’évaluation fiable du handicap pour garantir la qualité des décisions partout en Belgique ;
  5. Simplifier et automatiser les démarches pour prévenir et éviter les dettes.

L'enjeu majeur d'une allocation, c'est qu'elle permette de vivre dignement ! Et donc qu'elle atteigne à minima le seuil de pauvreté !

Une réforme concernerait toutes les personnes en situation de handicap ! Le projet-pilote laisse de côté les personnes qui n'ont pas la capacité de travailler ! Et donc leur niveau de vie ne sera pas amélioré !

Seul l’endossement de cette réforme de la loi de 1987 permettra un soutien réel et durable à l’ensemble des 200.000 personnes handicapées reconnues en Belgique.

c. La nécessité de prendre d’autres mesures pour l’emploi des personnes handicapées

 D’autres mesures doivent être prises pour rendre possible le travail des personnes handicapées, à court terme. Le CSNPH rappelle ses différentes revendications en matière d’emploi des personnes handicapées :

  • Créer une vraie politique de l’emploi : une responsabilité sociétale des employeurs (mise en œuvre de la loi « actions positives ») ;
  • Assurer l’application du quota des 3% dans la Fonction publique fédérale ;
  • Réformer le régime Back-to-work en un régime qui offre des possibilités de remise au travail, réelles et dignes, dans le secteur privé ;
  • Réformer l’article 100 de la loi relative aux soins de santé et aux indemnités. L’application stricte de cet article confronte les personnes handicapées à des situations de suppression de ressources pour des durées importantes. Une évaluation de la notion d’« état antérieur » et de son application est à cet égard indispensable et urgente car la situation actuelle amène à des jeux de ping-pong entre différentes institutions, et à des traitements différents pour des situations d’apparence semblables ;
  • Veiller à ce que les personnes qui, en raison de leur état de santé, sont contraintes de moins travailler, ne soient pas sanctionnées ou perdent totalement ou partiellement leurs droits sociaux. Certaines déficiences dégénératives provoquent inévitablement une perte de capacité de travail. Dans la réglementation actuelle, une réduction du temps de travail entraîne presque toujours la perte d’une partie de ses droits. Ainsi, par exemple, une personne qui est reconnue incapable de travailler à plus de 50% peut demander à travailler moins, tout en maintenant ses indemnités de mutuelle. Par contre, si la personne a une reconnaissance d’une perte de capacité de travail de moins de 50%, elle peut réduire son temps de travail, mais elle perdra le bénéfice de ses indemnités de mutuelle. La reconnaissance du handicap devrait autoriser la personne à moins ou ne plus travailler, précisément pour des raisons de santé et tout en obtenant une compensation financière issue de la sécurité sociale.

Le CSNPH rappelle également que l’activation des personnes handicapées a des limites : certaines personnes ne pourront jamais accéder au marché du travail et ne peuvent être sanctionnées même de manière indirecte. Les mesures de remise à l’emploi des personnes handicapées ne peuvent jamais au final pénaliser la personne qui fait le choix de travailler en dépit de sa fragilité. La reconnaissance de son handicap doit lui permettre aussi de ne pas travailler pour des motifs liés à sa santé.

Le CSNPH insiste particulièrement pour poursuivre la réflexion sur l’emploi des personnes handicapées. Il se veut un partenaire incontournable. Les organes d’avis des entités fédérées doivent également être impliqués.

4. AVIS TRANSMIS

  • Pour suite utile à Madame Nathalie Muylle, Ministre de l'Emploi, de l'Économie et des Consommateurs, chargée de la Lutte contre la pauvreté, de l'Egalite des chances et des Personnes handicapées ;
  • Pour information à Madame Sophie Wilmès, Première Ministre ;
  • Pour information aux Ministres en charge des personnes handicapées dans les entités fédérées ;
  • Pour information à UNIA ;
  • Pour information au Mécanisme de Coordination de l’UNCRPD.