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Avis 2022/17

Avis n° 2022/17 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif à une proposition de loi modifiant la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées, en ce qui concerne les conditions de résidence requises pour l’octroi de l’allocation de remplacement de revenus, rendu en séance plénière du 25/04/2022.

Avis rendu à la demande de la Présidente de la Commission des Affaires sociales, de l’Emploi et des Pensions de la Chambre des représentants.

1. AVIS DESTINÉ

  • Pour suite utile à Madame Marie-Colline Leroy, Présidente de La Commission Affaires sociales, Emploi et Pensions de la Chambre des Représentants
  • Pour suite utile à Madame Karine Lalieux, Ministre des Pensions et de l’Intégration sociale, chargée des Personnes handicapées, de la Lutte contre la pauvreté et de Beliris
  • Pour information à Monsieur Frank Vandenbroucke, Vice-Premier ministre et Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique
  • Pour information à Unia
  • Pour information au Mécanisme de Coordination de l’UNCRPD
  • Pour information au Médiateur fédéral

2. OBJET

La proposition de loi modifiant la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées, en ce qui concerne les conditions de résidence requises pour l’octroi de l’allocation de remplacement de revenus (ARR), vise à rétablir, pour l’ARR, une condition de résidence plus sévère.

3. ANALYSE

Rétroactes - L’article 23 de la loi du 26 mars 2018 relative au renforcement de la croissance économique et de la cohésion sociale a prévu une condition de résidence supplémentaire pour l’octroi de l’allocation de remplacement de revenus (ARR) destinée aux personnes handicapées. Il a imposé au demandeur, outre les conditions de résidence existantes, l’obligation de pouvoir prouver une résidence réelle en Belgique pendant au moins dix ans, dont au moins cinq années ininterrompues.

Cette nouvelle condition de résidence a toutefois été annulée par l’arrêt n° 41/2020 de la Cour constitutionnelle.

La présente proposition de loi vise à rétablir une condition de résidence plus stricte pour l’octroi de l’ARR, mais sous des conditions différentes des conditions prévues par la disposition annulée. Les auteurs de la proposition estiment qu’une condition de résidence supplémentaire est nécessaire pour éviter le tourisme axé sur les avantages sociaux, maîtriser les budgets et garantir la légitimité de notre assistance sociale.

1. Condition de résidence de cinq années

La proposition de loi harmonise la condition de résidence avec les définitions européennes existantes de la résidence permanente. Pour pouvoir prétendre à une ARR, la proposition prévoit que le demandeur doit avoir eu sa résidence en Belgique durant au moins cinq années ininterrompues.

Les auteurs de la proposition constatent en effet que, selon la réglementation européenne (et donc aussi selon la réglementation belge), le droit de séjour est permanent ou illimité après un séjour ininterrompu de cinq ans. Cela vaut aussi bien pour les citoyens de l’Union européenne (Cf. notamment l’article 16 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres) que pour les ressortissants d’un pays tiers qui – selon leur statut de séjour – peuvent obtenir, en vertu de différentes directives européennes, après cinq ans, un droit de séjour d’une durée illimitée.

S’agissant des citoyens de l’Union, les auteurs de la proposition estiment que

  • cette allocation constitue une forme d’aide sociale accordée pour compenser (en partie) le manque de revenus dû au handicap : il s’agit donc de facto d’un revenu d’intégration pour les personnes handicapées.

L’obligation d’égalité de traitement, prévue par le droit européen, n’est pas absolue et ne s’applique qu’aux individus disposant d’un droit de séjour en vertu du droit de l’Union.
Les ressortissants de l’Union doivent satisfaire aux conditions de séjour visées aux articles 7 et 24 de la directive 2004/38/CE pour “avoir droit” à cette égalité de traitement :

  • travailler à titre salarié/indépendant dans le pays d’accueil;
  • s’ils sont économiquement non actifs, disposer de moyens de subsistance suffisants pour ne pas être à la charge du régime de sécurité sociale belge;
  • être demandeurs d’emploi ou étudiants (mais disposer de moyens de subsistance suffisants).

Lorsque ces ressortissants demandent une ARR durant leur séjour limité en Belgique – d’une durée de trois mois à cinq ans –, ils indiquent ainsi qu’ils ne disposent pas (ou plus) de moyens de subsistance suffisants. Ils peuvent donc être expulsés dès lors qu’ils ne satisfont plus aux conditions de séjour et constituent une charge déraisonnable pour notre régime de sécurité sociale. Ils perdent par conséquent le droit de bénéficier de l’égalité de traitement et leur demande d’ARR peut être refusée.

La proposition rappelle aussi que dans son arrêt Dano, la Cour de justice de l’Union européenne a également indiqué que les États membres doivent avoir la possibilité, en application de l’article 7 de la directive 2004/38/CE, de refuser l’octroi de prestations sociales à des citoyens de l’Union économiquement inactifs qui exercent leur liberté de circulation dans le seul but d’obtenir le bénéfice de l’aide sociale d’un autre État membre alors même qu’ils ne disposent pas de ressources suffisantes pour prétendre au bénéfice d’un droit de séjour.

Dès qu’ils ont obtenu un droit de séjour permanent, ces ressortissants doivent être traités de la même manière que les ressortissants du pays d’accueil, y compris en matière de sécurité sociale. Selon les auteurs de la proposition, il convient donc de prévoir la condition supplémentaire d’une inscription dans le registre de la population.

2. Périodes dans d’autres États membres de l’Union européenne

Dans la proposition de loi, les auteurs rappellent que la Cour constitutionnelle indique que l’obligation d’avoir résidé en Belgique pendant au moins dix ans, dont au moins cinq années ininterrompues, n’est pas compatible avec l’article 6 du Règlement européen (CE) n° 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Ce règlement prévoit que, lorsqu’un État membre subordonne l’application d’une législation à l’accomplissement de périodes données de résidence, les périodes de résidence accomplies dans un autre État membre de l’Union européenne doivent être prises en considération.

Dans la proposition de loi, les auteurs prévoient dès lors que les périodes de résidence dans d’autres États membres de l’Union européenne sont assimilées à un séjour en Belgique.

Cette règle s’applique uniquement aux personnes visées par le règlement n° 883/2004. Exemples:

  • citoyens de l’Union;
  • membres de la famille et survivants de citoyens de l’Union;
  • ressortissants de l’EEE et de la Suisse;
  • apatrides et réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres;
  • membres de la famille et survivants des apatrides et réfugiés précités;
  • tous les ressortissants de pays tiers qui résident sur le territoire d’un État membre et qui ne se trouvent pas dans une situation purement interne.

3. Lien entre la condition de résidence et l’intérêt général

La Cour constitutionnelle observe qu’en principe, le bénéfice de l’ARR peut être subordonné à l’existence d’un lien suffisant avec la Belgique. Selon la Cour constitutionnelle, “la recherche de la maîtrise des coûts budgétaires de l’allocation de remplacement de revenus” constitue aussi un objectif légitime. La Cour constitutionnelle n’aperçoit cependant pas “en quoi la condition d’une résidence réelle d’au moins dix ans en Belgique, dont au moins cinq années ininterrompues, à n’importe quel stade de la vie du bénéficiaire de l’allocation de remplacement de revenus, démontre un lien suffisant avec la Belgique et son système social, permet de lutter contre le “shopping social” ou démontre que le bénéficiaire a contribué au financement de la sécurité sociale par son activité, comme le souhaitait le législateur. ” 

Dans la proposition de loi, les auteurs soulignent que la condition de résidence prévue dans la présente proposition de loi vise notamment à lutter contre le “shopping social”. Ils prévoient néanmoins une exception pour les personnes qui résident déjà dans un État membre de l’Union européenne depuis cinq ans et pour autant qu’elles disposent de ressources suffisantes et sont considérées comme des ressortissants de l’Union économiquement actifs. Les auteurs estiment ainsi avoir répondu aux préoccupations du Conseil d’Etat et de la Cour Constitutionnelle.

Les auteurs de la proposition observent que les chiffres indiquent que les ressortissants des États membres de l’Union européenne dont le niveau de prospérité est inférieur, dont le PIB par habitant est nettement inférieur, et où les salaires sont également moins élevés, pratiquent effectivement le “shopping social”. En effet, si, en 2008, quatre ressortissants roumains et quatre ressortissants bulgares bénéficiaient d’une ARR et/ou d’une AI (allocation d’intégration), ces ressortissants étaient respectivement au nombre de 321 et de 312 neuf ans plus tard, en 2017.

Tandis que la proportion de Roumains et de Bulgares a quintuplé dans la population générale au cours de cette période, le nombre de Roumains et de Bulgares bénéficiant d’une ARR et/ou d’une AI était, en 2017, 158 fois plus élevé que neuf ans auparavant. Dans l’état actuel de la réglementation, ces ressortissants peuvent difficilement être exclus du bénéfice de l’ARR dès lors qu’ils y ont droit en tant que ressortissants de l’Union européenne. En subordonnant l’octroi de l’ARR à la condition précitée, les auteurs considèrent éviter que des personnes dont les revenus et les perspectives professionnelles sont insuffisants viennent en Belgique dans le seul but de pouvoir obtenir une ARR.

Les auteurs de la proposition estiment que les demandeurs qui ne sont pas encore résidents permanents (depuis cinq ans) doivent remplir certaines conditions pouvant légalement justifier leur séjour. Pour les auteurs de la proposition, ces personnes devraient faire valoir leur droit à l’intégration sociale (via un PIIS - projet individualisé d’intégration sociale) au lieu de demander le bénéfice d’une ARR.

4. Définition de la résidence effective

Toute personne qui séjourne effectivement mais illégalement sur le territoire ne relève pas du champ d’application de la loi. Pour éviter toute insécurité juridique, la proposition exige une “résidence effective” et la résidence doit être enregistrée au Registre national.

4. AVIS

Tout d’abord, le CSNPH constate que l’article 4, § 1er de la loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées serait, après approbation de la proposition de loi, rédigée comme suit :

§ 1er. Les allocations visées à l'article 1er ne peuvent être octroyées qu'à une personne qui a sa résidence réelle en Belgique et qui est :

    1. Belge;
    2. ressortissante d'un pays membre de l'Union européenne;
    3. Marocaine, Algérienne, ou Tunisienne qui satisfait aux conditions du Règlement (CEE) n° 1408 du 14 juin 1971 du Conseil des Communautés européennes relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés ainsi qu'aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté;
    4. apatride qui tombe sous l'application de la Convention relative au statut des apatrides, signée à New York le 28 septembre 1954 et approuvée par la loi du 12 mai 1960;
    5. réfugiée visée à l'article 49 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers;
    6. exclue des catégories définies aux 1° à 5°, mais qui a bénéficié jusqu'à l'âge de 18 ans de la majoration de l'allocation familiale prévue à l'article 47, § 1er, des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés ou à l'article 20, § 2, de l'arrêté royal du 8 avril 1976 établissant le régime des prestations familiales en faveur des travailleurs indépendants.

"Pour obtenir l’allocation de remplacement de revenus, la personne doit en outre avoir eu sa résidence effective en Belgique de manière ininterrompue durant au moins cinq ans, et être inscrite dans le registre de la population de la commune où elle a établi sa résidence effective.

Par dérogation à l’alinéa précédent, toute personne relevant du règlement (CE) n° 883/2004, notamment les citoyens de l’Union et les membres de leur famille qui bénéficient d’un droit de séjour conformément à l’article 40, § 4, 1°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, peut prétendre à l’allocation de remplacement de revenus à condition qu’elle réside depuis au moins cinq ans de manière ininterrompue, effective et légale, ou soit affiliée de manière ininterrompue à un régime de sécurité sociale sur le territoire de l’Union européenne préalablement à l’ouverture du droit à cette allocation.

Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille qui bénéficient d’un droit de séjour conformément à l’article 40, § 4, 2° et 3°, de la loi précitée du 15 décembre 1980 doivent toutefois remplir la condition de résidence.

Pour l’application de la présente loi, la résidence effective en Belgique est déterminée au moyen des informations enregistrées et conservées pour le bénéficiaire dans le Registre national conformément à l’article 3, alinéa 1er, 5°, de la loi du 8 août 1983 organisant un registre national des personnes physiques. »

Si le CSNPH comprend le but des auteurs de la proposition qui est d’éviter le shopping social, il se rend compte que tel qu’il est rédigé, ce texte peut également pénaliser les Belges.

On peut imaginer l’exemple d’une famille belge avec un enfant en situation de handicap dont les parents travaillent hors Union européenne, et qui font des retours réguliers en Belgique, mais de moins de 5 ans consécutifs. Si, à l’âge de 18 ans, l’enfant décide de revenir en Belgique, il devra séjourner pendant 5 ans en Belgique de manière ininterrompue, avant de pouvoir prétendre à une ARR.

D’autre part, les auteurs ne répondent que très peu au 2e moyen invoqué devant la Cour constitutionnelle, à savoir la clause de standstill.

A.4.1. Le second moyen des parties requérantes est pris de la violation de l’article 23 de la Constitution par l’article 23 de la loi du 26 mars 2018.

Les parties requérantes font valoir que cette disposition constitutionnelle contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le degré de protection d’un droit garanti par cette disposition, sans qu’existent pour ce faire des motifs d’intérêt général. L’insertion, par la loi attaquée, d’une condition de résidence en Belgique de dix ans (dont cinq années ininterrompues) pour avoir accès à l’allocation de remplacement de revenus constitue un recul significatif de la protection du « droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l’aide sociale, médicale et juridique », garanti par l’article 23 de la Constitution.

Les parties requérantes estiment que ce recul n’est pas raisonnablement justifié par des motifs d’intérêt général.
(…)
B.2.2. La réglementation relative aux allocations aux personnes handicapées constitue un régime spécial d’aide sociale. Contrairement au régime traditionnel de sécurité sociale, lequel comporte le paiement de cotisations, ce régime spécial est entièrement financé par les ressources générales de l’État et tend à procurer un revenu fixé par la loi à ceux qui ne disposent pas à suffisance d’autres moyens de subsistance.
(…)
B.3.2. L’extension progressive du champ d’application personnel du régime des allocations aux personnes handicapées s’est faite dans une triple perspective : satisfaire aux exigences nées des engagements internationaux de la Belgique; maintenir un certain parallélisme avec le régime du minimum de moyens d’existence et celui du revenu garanti aux personnes âgées; éviter de rompre la prise en considération par les autorités publiques du handicap d’enfants étrangers ayant bénéficié d’allocations familiales majorées en raison de leur handicap.
(…)
B.8. Dès lors, en subordonnant toutes les catégories de bénéficiaires de l’allocation de remplacement de revenus, sans aucune distinction, à une condition de résidence réelle en Belgique de dix ans dont cinq années ininterrompues, l’article 23, attaqué, de la loi du 26 mars 2018 a pour effet de priver du droit à l’allocation de remplacement de revenus un certain nombre de personnes handicapées susceptibles de relever de toutes les catégories visées par cette disposition, tant que celles-ci ne remplissent pas la condition de résidence de dix ans. Cette condition de résidence constitue un recul significatif du degré de protection en matière d’aide sociale.

Même si, en réponse à la remarque du Conseil d’État, les travaux préparatoires cités en B.7.2 mentionnent que la disposition attaquée ne modifie ni le montant ni les conditions du paiement de l’allocation de remplacement de revenus et que les personnes qui viendraient à ne plus pouvoir bénéficier de l’allocation de remplacement de revenus pourront faire valoir leur droit à l’intégration sociale - dans le prolongement de l’arrêt de la Cour n° 6/2019 du 23 janvier 2019, relatif à la condition de résidence, instaurée par l’article 3 de la loi du 27 janvier 2017 « modifiant la loi du 22 mars 2001 instituant la garantie de revenus aux personnes âgées » -, le constat qu’une nouvelle condition d’octroi en matière de résidence réelle est imposée suffit pour considérer que cette condition représente un recul significatif par rapport au degré de protection qui existait précédemment à l’égard des personnes ne pouvant pas démontrer une telle résidence réelle.

L’exposé des motifs de la présente proposition de loi mentionne :

En ce sens, il nous semble également plus approprié que ces personnes fassent valoir leur droit à l’intégration sociale au lieu de demander le bénéfice d’une ARR. Ce groupe cible sera ainsi visé par un PIIS, ce plan visant à responsabiliser financièrement l’individu en l’incitant à participer activement au marché du travail (et à la société) afin de pouvoir réunir suffisamment de ressources.

Or, la Cour constitutionnelle a estimé que cela n’était pas un argument suffisant : l’instauration d’une nouvelle condition de durée de résidence représente un recul significatif par rapport au degré de protection qui existait précédemment. De plus, le CSNPH souligne qu’un certain nombre de personnes en situation de handicap sont incapables d’entamer un projet individualisé d’intégration sociale.

La Cour Constitutionnelle poursuit :

B.9.3. L’article 4, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 27 février 1987 prévoit en outre – ce que les parties requérantes ne contestent pas – que le bénéficiaire de l’allocation de remplacement de revenus doit avoir sa résidence réelle en Belgique.
(…)

B.9.4. La notion de « résidence principale » doit être interprétée au sens de l’article 3 de la loi du 19 juillet 1991 « relative aux registres de la population et aux cartes d’identité, aux cartes d’étranger et aux documents de séjour »

(…)
Il ressort de ce qui précède que pour qu’une personne ait sa résidence principale en Belgique, il ne suffit pas que sa résidence y soit enregistrée, encore faut-il que le centre réel de ses intérêts y soit établi, ce qui doit notamment ressortir de la durée et de la continuité de la présence sur le territoire, ainsi que de la situation familiale et des liens familiaux.

B.9.7. Eu égard au caractère non contributif du régime de l’allocation de remplacement de revenus, financé exclusivement par l’impôt, le législateur peut en subordonner le bénéfice à l’existence d’un lien suffisant avec la Belgique. La recherche de la maîtrise des coûts budgétaires de l’allocation de remplacement de revenus constitue en outre un objectif légitime. Pour apprécier la disposition attaquée, il convient toutefois de tenir également compte du fait que l’allocation de remplacement de revenus est une prestation minimale qui ne peut être octroyée qu’aux personnes défavorisées.

B.9.8. On n’aperçoit pas en quoi la condition d’une résidence réelle d’au moins dix ans en Belgique, dont au moins cinq années ininterrompues, à n’importe quel stade de la vie du bénéficiaire de l’allocation de remplacement de revenus, démontrent un lien suffisant avec la Belgique et son système social, permet de lutter contre le « shopping social » ou démontre que le bénéficiaire a contribué au financement de la sécurité sociale par son activité, comme le souhaitait le législateur. On ne voit pas non plus en quoi l’absence de la condition de résidence attaquée expliquerait à elle seule l’augmentation du coût budgétaire de l’allocation de remplacement de revenus, étant donné qu’il peut également être fait référence à d’autres facteurs comme les extensions législatives successives du champ d’application personnel.

B.9.9. Dès lors, le recul significatif du degré de protection offert, engendré par la disposition attaquée, n’est pas justifié par des motifs d’intérêt général.

Le CSNPH estime que la clause de standstill est toujours violée même si la durée de résidence est passée « d’au moins dix ans en Belgique, dont au moins cinq années ininterrompues, à n’importe quel stade de la vie du bénéficiaire » à « avoir eu sa résidence effective en Belgique de manière ininterrompue durant au moins cinq ans ». La condition de durée de résidence est un recul significatif d’un droit fondamental et est insuffisamment justifié.

Il se réfère à son avis 2017-17 qui donne une autre solution pour éviter le shopping social :

La jurisprudence DANO permet en effet à la Belgique de subordonner le droit à certaines prestations sociales à la légalité du séjour sur son territoire. Or, un citoyen européen inactif désireux de résider plus de 3 mois en Belgique doit justement être titulaire de ressources suffisantes pour ne pas devenir une charge déraisonnable pour notre système d’assistance sociale. Par conséquent, le citoyen européen inactif recevant des prestations belges d’assistance sociale peut, après examen individualisé de son dossier, se voir retirée son autorisation de séjour au motif qu’il devient une charge déraisonnable pour la Belgique. A partir de ce moment, le séjour en Belgique n’est plus régulier et les institutions belges ne sont plus tenues d’octroyer des prestations d’assistance sociale.

Le CSNPH demande s’il est possible de mettre en œuvre le monitoring  mis en place entre le SPP Intégration et l’Office des étrangers (échange de données, flux informatique, …), vis-à-vis de l’allocation de remplacement de revenus. La mise en place de ce système permettrait de constater les véritables cas d’abus.

Le CSNPH estime finalement que la condition de durée de résidence est également contraire à l’article 28 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées qui garantit le « droit des personnes handicapées à la protection sociale » et impose à l’Etat belge de prendre des mesures appropriées pour protéger et promouvoir l’exercice de ce droit, y compris des mesures destinées à (…)

Assurer aux personnes handicapées (…) l'accès aux programmes de protection sociale et aux programmes de réduction de la pauvreté (article 28.2.b.);
(…)
Assurer aux personnes handicapées et à leurs familles, lorsque celles-ci vivent dans la pauvreté, l’accès à l’aide publique pour couvrir les frais liés au handicap, notamment les frais permettant d’assurer adéquatement une formation, un soutien psychologique, une aide financière ou une prise en charge de répit (article 28.2.c).