Avis 2023/26
Avis n° 2023/26 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif à la proposition de directive établissant la carte européenne du handicap et la carte européenne de stationnement pour personnes handicapées.
Rendu en séance plénière du CSNPH du 16 octobre 2023.
Avis rendu d’initiative par le CSNPH, avec la collaboration et le soutien des conseils consultatifs suivants :
- Conseil consultatif des personnes handicapées de la Communauté germanophone
- Conseil consultatif wallon des personnes en situation de handicap
- NOOZO – Conseil consultatif flamand des personnes handicapées
D’autres conseils consultatifs n’ont pas pu participer à l’élaboration du présent avis par manque de temps, ce qui ne signifie pas qu’ils ne soutiennent pas cet avis.
1. AVIS DESTINÉ
- Pour suite utile à :
- Madame Karine Lalieux, Ministre des Pensions et de l’Intégration sociale, chargée des Personnes handicapées, de la Lutte contre la pauvreté et de Beliris ;
- Monsieur Frank Vandenbroucke, Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique ;
- Madame Marie-Colline Leroy, Secrétaire d’État à l’Egalité des genres, à l’Egalité des chances et à la Diversité, adjointe au ministre de la Mobilité ;
- Madame Hilde Crevits, Vice-Ministre-Présidente du Gouvernement flamand et Ministre flamande du Bien-Être, de la Santé publique et de la Famille ;
- Monsieur Bart Somers, Vice-Ministre-Président du Gouvernement flamand et Ministre flamand de l’Administration intérieure, de la Gouvernance publique, de l’Insertion civique et de l’Égalité des Chances ;
- Madame Christie Morreale, Vice-Présidente du Gouvernement wallon et Ministre de l’Emploi, de l’Action sociale, de la Santé et de l’Égalité des Chances ;
- Monsieur Antonios Antoniadis, Vice-Ministre-Président de la Communauté germanophone et Ministre de la Santé et des Affaires sociales, de l’Aménagement du territoire et du Logement.
- Pour information à :
- Madame Nawal Ben Hamou, Secrétaire d’État à la Région de Bruxelles-Capitale, chargée du Logement et de l’Égalité des chances ;
- Monsieur Frédéric Daerden, Vice-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles et Ministre du Budget, de la Fonction publique et de l’Égalité des chances ;
- Monsieur Gauthier Cocle, Attaché Affaires sociales à la Représentation permanente de la Belgique auprès de l’UE ;
- Madame Marian Vandenbossche, représentation Égalité des chances de la Flandre auprès de l’Union européenne ;
- Monsieur Fabian Dominguez, représentation Affaires sociales et Santé publique de la Flandre auprès de l’Union européenne ;
- Pour information à Unia ;
- Pour information à l’Institut flamand des droits humains ;
- Pour information au Mécanisme de coordination de l’UNCRPD ;
- Pour information au Médiateur fédéral.
2. OBJET
Le présent avis concerne la proposition par la Commission européenne d’une Directive établissant la carte « European Disability Card » (EDC) et la carte européenne de stationnement pour personnes handicapées.
3. ANALYSE
A. CONTEXTE :
La carte EDC et la carte européenne de stationnement pour personnes handicapées doivent faciliter la libre circulation des personnes en situation de handicap. À cet effet, il est nécessaire de mettre en place une reconnaissance mutuelle (partielle) du statut de personne en situation de handicap en ce qui concerne les droits à des conditions spéciales et/ou à un traitement préférentiel. Ainsi, une personne en situation de handicap qui voyage dans un autre État membre y bénéficiera des mêmes conditions spéciales que celles accordées aux ressortissants de l’État membre d’accueil (voir exceptions du champ d’application matériel ci-dessous). Cela permet d’éviter la discrimination fondée sur la nationalité.
En vertu de l’art. 2 (3) de la proposition de directive, la procédure de reconnaissance et l’octroi du droit à une carte de stationnement restent des compétences nationales. Les États membres restent également compétents pour délivrer, au niveau national ou régional, d’autres documents complémentaires liés au handicap.
L’exigence d’octroi de conditions spéciales ou d’un traitement préférentiel reste également une compétence nationale en vertu de l’art. 2 (4) de la proposition de directive.
B. BASE JURIDIQUE :
Dans sa proposition, la Commission indique que l’art. 53 (1) et l’art. 62 du TFUE sont pertinents, étant donné que les titulaires de cartes auront le droit de bénéficier de conditions/traitements préférentiels lors de l’accès à des services, sur un pied d’égalité avec les personnes handicapées de l’État membre visité.
Concrètement, l’art. 53 du TFUE concerne la concrétisation de la liberté d’établissement et l’art. 62 du TFUE la concrétisation de la liberté des prestations de services, et ce par l’adoption de directives relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes et à la coordination de la législation nationale pertinente.
Par ailleurs, l’art. 91(1)(d) du TFUE est cité comme base juridique pour l’adoption des dispositions utiles à la mise en œuvre d’une politique commune des transports.
Enfin, l’art. 21 (2) du TFUE est utilisé comme base juridique. Cet article vise à faciliter la libre circulation des personnes.
C. CHAMP D’APPLICATION PERSONNEL – Art. 4 de la proposition de directive :
Il s’agit des citoyens de l’UE, à savoir les personnes ayant la nationalité d’un des États membres en vertu de l’art. 3 (a) de la proposition de directive, de l’art. 9 du TUE et de l’art. 20 du TFUE, dont le statut de personne handicapée a été reconnu par les autorités compétentes de leur État membre de résidence.
Cela concerne également les membres de la famille des citoyens de l’UE disposant d’un statut de personne handicapée reconnu dans l’État membre de résidence. Les conseils consultatifs supposent donc qu’il s’agit de membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre de l’UE, mais qui bénéficient d’un droit de séjour (par analogie avec l’art. 24 (1) de la directive Citoyenneté).
Aucune autre précision n’est donnée quant aux membres de la famille, contrairement aux articles 2 (2) et 3 (2) de la directive Citoyenneté.
Si des conditions spéciales sont fixées dans l’État membre d’accueil pour les accompagnateurs de personnes handicapées, celles-ci s’appliquent également à l’accompagnateur (qu’il s’agisse d’une personne ou d’un animal) (voir art. 5 (3) de la proposition de directive).
D. CHAMP D’APPLICATION MATÉRIEL – Art. 2 de la proposition de directive :
Il s’agit de conditions spéciales et/ou traitement préférentiel proposés dans les services suivants :
-
- services au sens de l’article 57 du TFUE (contre rémunération) :
- activités à caractère industriel ;
- activités à caractère commercial ;
- activités artisanales ;
- activités de professions libérales ;
- transport de personnes ;
- autres activités et installations (y compris à titre gratuit).
- services au sens de l’article 57 du TFUE (contre rémunération) :
Sont exclues les prestations en espèces ou en nature suivantes :
-
- les prestations dans le domaine de la sécurité sociale au titre des règlements (CE) nº 883/2004 et (CE) nº 987/2009 ;
- les prestations spéciales en espèces à caractère contributif ou non contributif, ou les prestations en nature dans le domaine de la sécurité sociale, de la protection sociale ou de l’emploi ;
- l’assistance sociale relevant de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE.
NE S’APPLIQUE PAS À : (1) SÉCURITÉ SOCIALE – Art. 3 (1) du règlement 883/2004 et Déclaration de la Belgique en application de l’article 9 du règlement :
-
- prestations de maladie ;
- Loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités ;
- Loi du 17 juillet 1963 relative à la sécurité sociale d’outre-mer ;
- Région wallonne : budget d’assistance personnelle;
- Communauté germanophone : Décret du 13 décembre 2018 sur les services aux personnes âgées et aux personnes ayant besoin de soutien, ainsi que sur les soins palliatifs ;
- Aides à la mobilité : 1Communauté germanophone, Arrêté du Gouvernement du 20 juin 2017 relatif aux aides à la mobilité ; 2Arrêté du Collège réuni de la Commission communautaire commune du 19 décembre 2019 établissant la nomenclature des aides à la mobilité ; 3Décret du 18 mai 2018 relatif à la protection sociale flamande ;
- Loi du 27 février 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées : allocation d’intégration et allocation pour l’aide aux personnes âgées ;
- Flandre : budget de soins pour les personnes fortement dépendantes ; pour les personnes âgées nécessitant des soins ; pour les personnes handicapées.
- prestations de maternité et de paternité assimilées ;
- prestations d’invalidité ;
- Assurance indemnités.
- prestations de vieillesse ;
- prestations de survivant ;
- prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles ;
- allocations de décès ;
- prestations de chômage ;
- prestations de préretraite ;
- prestations familiales.
- prestations de maladie ;
NE S’APPLIQUE PAS À : (2) PRESTATIONS SPÉCIALES DANS LE DOMAINE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE, DE LA PROTECTION SOCIALE OU DE L’EMPLOI :
-
- Allocation de remplacement de revenus ;
- Garantie de revenus aux personnes âgées ;
- …
NE S’APPLIQUE PAS À : (3) ASSISTANCE SOCIALE RELEVANT DE L’ART. 24 (2), DE LA DIRECTIVE CITOYENNETÉ.
-
- régimes d’aides institués par des autorités publiques, que ce soit au niveau national, régional ou local,
- auxquels a recours un individu qui ne dispose pas de ressources suffisantes pour faire face à ses besoins élémentaires ainsi qu’à ceux de sa famille
- et qui risque, de ce fait, de devenir, pendant son séjour, une charge pour les finances publiques de l’État membre d’accueil (arrêt Dano, C-333/13) ;
- aides d’entretien aux études, y compris pour la formation professionnelle, sous la forme de bourses d’études ou de prêts.
Il est manifeste que la Commission souhaite maintenir toute la « sphère sociale » hors du champ d’application de la carte EDC. Cette volonté est logique, étant donné que celle-ci est déjà réglée de manière complexe dans le règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, la directive Citoyenneté en tant qu’expression concrète du principe de libre circulation des personnes fixé à l’art. 21 du TFUE, et la jurisprudence de la Cour de Justice.
Il sera donc essentiel d’énumérer clairement, pays par pays, les prestations pour lesquelles l’EDC n’est pas valable.
E. DURÉE DE VALIDITÉ :
Selon l’art. 6 (6) de la proposition de directive, la durée de validité de l’EDC est au moins égale à celle de la reconnaissance du handicap ayant la plus longue durée. Cependant, selon l’annexe I de la proposition de directive, une date d’expiration doit figurer sur la carte.
La proposition de directive ne prévoit pas de date de validité pour la carte européenne de stationnement. Néanmoins, selon l’annexe II de la proposition de directive, une date d’expiration doit bel et bien figurer sur la carte.
Les considérations qui doivent intervenir dans la fixation de la durée de validité concrète concernent l’obligation des États membres de prévenir la fraude, au titre de l’art. 9 (3) de la proposition de directive, et l’obligation de s’assurer que les cartes soient retournées à temps, au titre de l’art. 9 (4) de la proposition de directive.
F. FORMAT :
FORMAT NUMÉRIQUE
Les cartes seront d’abord délivrées sous la forme d’une carte physique et complétées ensuite par un format numérique, voir art. 6 (5) et art. 7 (6) de la proposition de directive. Dans la version néerlandaise, il est indiqué que les personnes handicapées ont la possibilité d’utiliser la carte numérique et/ou physique, ce qui a suscité une certaine confusion parmi les associations. Dans la version anglaise et française, il est clairement indiqué que l’utilisation des deux cartes doit être possible : « Persons with disabilities shall be given the option to use either the digital or physical card, or both. »
Le format numérique devra encore être déterminé par la Commission et, en fonction de ce format numérique à déterminer, les annexes I et II sont encore susceptibles de changer (ce qui fait que le format physique n’est donc pas non plus définitif à 100 %). Voir art. 6 (7) et art. 7 (7) de la proposition de directive.
En vertu du considérant 26, le format numérique devrait s’appuyer sur l’expérience du certificat COVID UE et devrait être disponible dans le portefeuille numérique (encore en cours de développement dans les États membres – art. 8 (1) de la proposition de directive). En outre, le format numérique doit aider à prévenir la falsification et la fraude et à lutter contre les utilisations abusives ou détournées.
DONNÉES DISPONIBLES SUR LES CARTES
Il ne peut y avoir sur le format numérique d’autres données que les données figurant sur le format physique prévues aux annexes I et II (art. 6 (1) et art. 7 (1) de la proposition de directive in fine). Puisque les annexes peuvent encore être adaptées en fonction du format numérique à élaborer, cela signifie que les données présentes sur les deux formats ne sont pas encore définitivement fixées.
CONSULTATION
Conformément à l’art. 11 (4) de la proposition de directive, la Commission consultera les experts des États membres avant l’adoption de l’acte d’exécution. Les conseils consultatifs attirent l’attention sur l’obligation issue de l’art. 4 (3) de l’UNCRPD de consulter les organisations qui représentent les personnes en situation de handicap.
FORMAT PHYSIQUE (provisoire)
Le recto de la carte EDC est défini à l’annexe I de la proposition de directive ; le verso est laissé à disposition pour les informations pertinentes sur le plan national.
Pour la carte européenne de stationnement, le recto et le verso sont tous deux définis à l’annexe II de la proposition de directive.
RECTO :
VERSO :
On remarquera qu’un espace est prévu au recto pour le numéro de plaque d’immatriculation. Il est indiqué à ce propos que : « la plaque d’immatriculation du véhicule à laquelle la carte est associée, le cas échéant » doit figurer sur la carte. Il sera nécessaire de clarifier le cas concret dont il est question ici, car en Belgique, les personnes possédant une carte de stationnement doivent enregistrer en ligne la plaque d’immatriculation de la voiture qu’elles utilisent et la lier à leur carte de stationnement pour éviter des amendes injustifiées. Dans ce cas, un carte de stationnement est toujours lié à une voiture.
G. DROIT À L’ACCESSIBILITÉ DE L’INFORMATION :
Les informations relatives aux conditions, règles, pratiques et procédures pour la délivrance, la prolongation ou le retrait des cartes doivent être mises à disposition de manière accessible, notamment sur les sites web officiels des opérateurs privés ou des pouvoirs publics. Voir art. 9 (7) et art. 15 (3) de la proposition de directive.
H. OBLIGATION D’INFORMATION ET D’ENCOURAGEMENT :
Conformément à l’art. 9 (2) de la proposition de directive, les États membres doivent informer le public de l’existence de ces cartes. Par ailleurs, en vertu de l’art. 15 (2) de la proposition de directive, les États membres doivent encourager les opérateurs privés ou les pouvoirs publics à accorder volontairement des conditions spéciales ou un traitement préférentiel aux personnes handicapées.
Les conseils consultatifs soulignent ces deux articles qui ont une portée totalement différente.
L’art. 9 (2) porte sur :
-
- la sensibilisation à l’existence des cartes
- à l’égard du grand public.
L’art. 15 (2) porte sur :
-
- l’encouragement concret
- des prestataires de services.
Pour les conseils consultatifs, il s’agit avant tout d’une opportunité de sensibiliser le public en général et les prestataires de services en particulier au droit à l’inclusion des personnes en situation de handicap et de leur besoin d’aménagements raisonnables qui va au-delà d’un accès gratuit à… Ce droit est également fixé à l’art. 22ter de la Constitution.
I. CONTRÔLE :
Conformément à l’art. 9 (6) de la proposition de directive, les États membres doivent vérifier le respect :
-
- des obligations découlant des cartes, d’une part ;
- des droits correspondants des titulaires des cartes, d’autre part.
J. SANCTIONS :
Conformément à l’ 14 de la proposition de directive, les États membres devront prévoir des sanctions en cas de violation des dispositions nationales adoptées en exécution de la directive.
K. ÉVALUATION :
L’art. 16 (1) de la proposition de directive dispose que la Commission européenne soumettra, au terme des 3 premières années d’application de la directive, un rapport au Parlement européen, au Conseil de l'Union européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions.
Par la suite, ce rapport sera rédigé tous les 5 ans.
Conformément à l’art. 16 (4) de la proposition de directive, la Commission tiendra compte, dans son rapport, des points de vue des personnes en situation de handicap.
4. AVIS
La carte EDC est l’« émanation » de la Proposition du Belgian Disability Forum (BDF) quant au développement d’une carte de légitimation européenne du handicap, datant de 2009. Par conséquent, la proposition actuelle de la Commission répond presque entièrement aux demandes formulées à l’époque et réitérées lors de la consultation publique en 2022 :
- les procédures de reconnaissance restent une compétence nationale ;
- accès à la même offre de services adaptés que les ressortissants nationaux (à l’exception des prestations de sécurité sociale et/ou d’aide sociale) ;
- participation obligatoire de tous les prestataires de services en vertu d’une législation européenne contraignante, à savoir une directive ;
- pas de fusion avec la carte européenne de stationnement.
En d’autres termes, le BDF et, par extension, les autres conseils consultatifs, se réjouissent de cette proposition ! La reconnaissance mutuelle du statut de personne handicapée dans d’autres États membres constitue une nette amélioration de la condition des personnes en situation de handicap, en particulier pour les personnes porteuses de handicaps invisibles.
Un certain nombre de points pourraient être davantage mis en évidence et/ou détaillés dans la proposition :
- La carte EDC est gratuite et utilisée sur base volontaire. La carte EDC a une fonction purement déclarative et ne peut être utilisée comme une condition de fond pour bénéficier de certaines conditions spéciales ou invoquer des aménagements raisonnables.
Par ailleurs, de nombreuses personnes handicapées au sens de l’art. 1 de l’UNCRPD ne disposent pas d’une reconnaissance ; elles ne devraient pas être désavantagées par la mise en place de l’EDC.
- La campagne de sensibilisation et l’obligation d’information reposent entièrement sur les États membres. Étant donné que l’objectif de la carte est de faciliter la libre circulation des personnes en situation de handicap, un rôle plus important devrait être réservé à la Commission européenne. Il est nécessaire de créer un site web de l’UE contenant les informations nécessaires, éventuellement une liste de bonnes pratiques et, surtout, des liens vers les sites web nationaux qui répertorient au moins les prestations exclues. À ce propos, voir aussi la demande du European Disability Forum (EDF).
A. CHAMP D’APPLICATION PERSONNEL :
Les conseils consultatifs se joignent à l’appel de l’EDF à élargir le champ d’application aux ressortissants de pays tiers qui disposent d’un titre de séjour légitime dans un État membre et dont le handicap est reconnu dans l’État membre de résidence.
B. CHAMP D’APPLICATION MATÉRIEL :
Tout d’abord en ce qui concerne les domaines d’exclusion :
L’exclusion la plus évidente est celle de la sécurité sociale. On peut aussi se représenter le domaine de l’aide sociale (tout ce qui a trait aux besoins personnels).
Ce qui n’est pas tout à fait clair, ce sont les prestations spéciales en espèces à caractère contributif ou non contributif, ou les prestations en nature dans le domaine de la sécurité sociale, de la protection sociale ou de l’emploi. Cette notion peut recouvrir beaucoup de choses.
Par exemple : qu’entend-on par « prestations spéciales dans le domaine de l’emploi » ? Le subside flamand en matière de En soi, tout citoyen de l’UE en situation de handicap devrait pouvoir en bénéficier en vertu de l’art. 45 (2) TFUE étant donné qu’il s’agit d’une prestation qui facilite l’accès au marché du travail (arrêt Alimanovic, C‑67/14). L’utilisation de l’EDC serait-elle donc tout simplement exclue dans le cadre de la procédure de demande ?
Prestations spéciales dans le domaine de la protection sociale : cela concerne-t-il le tarif social pour le téléphone et l’Internet ?
⇒ Tout titulaire de carte doit savoir sans équivoque ce à quoi il a droit. C’est nécessaire pour garantir la sécurité juridique en tant que principe de bonne gouvernance. Les conseils consultatifs exigent donc que chaque État membre soit tenu de créer un site web qui énumère clairement les prestations pour lesquelles l’EDC n’est pas valable.
⇒ Par ailleurs, il convient également de préciser où l’EDC peut être utilisée. Dans ce cadre, il est très important d’énumérer au moins les conditions spéciales offertes dans le secteur des transports et par les pouvoirs publics. Il convient par ailleurs de citer des exemples de possibilités offertes par les opérateurs privés.
Ensuite, en ce qui concerne le champ d’application de l’EDC :
La suite de ce document répertorie un certain nombre de questions à régler. Les conseils consultatifs soulignent directement que d’éventuelles difficultés à offrir certains avantages ou conditions spéciales aux titulaires de cartes EDC ne peuvent être résolues par une annulation de ces conditions ou avantages.
⇒ Compte tenu de l’art. 22ter et de l’art. 23 de la Constitution, aucun avantage ou condition spéciale ne peut être supprimé sous prétexte que sa mise en œuvre soit difficilement réalisable pour tout titulaire de l’EDC.
Conditions spéciales liées à un handicap spécifique :
Certaines conditions spéciales sont liées à l’existence d’un handicap spécifique. Par exemple, en Belgique, la plupart des cartes destinées aux personnes en situation de handicap dans les transports en commun (voir liste dans l’avis 2023/12) sont liées à l’existence d’un certain (degré de) handicap.
⇒ Comment la carte EDC va-t-elle pouvoir être mise en place dans ce contexte pour assurer l’égalité de traitement des ressortissants d’autres États membres ?
⇒ L’EDC offre également l’occasion de simplifier ce système complexe pour les citoyens belges (transport interrégional, assistance, intermodalité…).
Conditions spéciales liées à une condition de résidence :
En Belgique, d’autres conditions spéciales (p. ex. piscine, centre sportif) sont liées à un critère de résidence. Un critère de résidence est généralement justifié pour les prestations d’aide sociale afin de prouver un lien avec l’État de résidence et d’assurer l’équilibre financier de l’État de résidence. Étant donné que les prestations sociales sont exclues du champ d’application de l’EDC, mais que l’EDC est bel et bien valable pour toutes les autres conditions spéciales, un critère de résidence pourrait constituer une discrimination indirecte. Les détenteurs belges de l’EDC peuvent en effet plus facilement satisfaire à la condition de résidence que les détenteurs étrangers de l’EDC (arrêt Giersch e.a., C-20/12).
Sur le plan purement belge, l’EDC offre donc une fois encore des possibilités de résoudre des problèmes interfédéraux (par exemple, l’accès à un interprète en langue des signes sur le lieu de travail pour une personne vivant dans une région et travaillant dans une autre…).
⇒ Pour le secteur du transport – exemple de l’abonnement annuel De Lijn gratuit –, les conseils consultatifs demandent des trajets gratuits plutôt qu’un abonnement annuel pour les titulaires de l’EDC. C’est la seule manière de véritablement faciliter la libre circulation des personnes en situation de handicap venant d’autres États membres. En outre, c’est aussi plus simple pour les titulaires belges de l’EDC.
⇒ Les conseils consultatifs ont bon espoir que l’EDC pourra servir à créer plus de cohérence et d’égalité pour les citoyens belges en matière d’accès aux avantages spéciaux dans toutes les régions, quel que soit leur domicile.
Conditions spéciales pour les étudiants (étrangers ou provenant d’une autre région) :
L’EDC pourra-t-elle être utilisée par des étudiants étrangers ou des étudiants d’une autre région dans le cadre de la demande de statut particulier (coaching, facilités pour les examens) dans les universités belges ?
Et qu’en est-il des demandes de matériel adapté, notamment auprès de la cellule Outils pédagogiques spéciaux de l’agence flamande pour les services d’enseignement (AGODI) ?
Qu’en est-il du remboursement des frais de transport pour les étudiants en situation de handicap, notamment par la VAPH ?
⇒ Tous ces exemples ne constituent pas de « prestations sociales » et semblent donc relever du champ d’application de l’EDC.
⇒ Les conseils consultatifs insistent une fois de plus sur le fait que certains étudiants à besoins spécifiques ne disposent pas (encore) d’une reconnaissance du handicap et ne possèdent par conséquent pas de carte EDC. L’introduction de l’EDC ne peut conduire à exclure ce groupe d’étudiants du droit à des aménagements raisonnables.
C. DURÉE DE VALIDITÉ :
En ce qui concerne l’EDC :
Selon l’art. 6 (6) de la proposition de directive, la durée de validité de l’EDC est au moins égale à celle de la reconnaissance du handicap ayant la plus longue durée. Cependant, selon l’annexe I de la proposition de directive, une date d’expiration doit figurer sur la carte.
Étant donné que certains handicaps sont reconnus pour une durée indéterminée, une période d’expiration raisonnablement longue doit être possible, p. ex. 10 ans (par analogie avec la durée de validité de la carte d’identité). La carte doit ensuite être renouvelée automatiquement par l’autorité compétente et envoyée (gratuitement) après la date d’expiration. Voir l’option qui entrera en vigueur en Belgique à partir du 1er janvier 2024.
D’autre part, la carte physique peut être dotée d’un QR-code indiquant au prestataire de services la validité de la carte EDC. Cette mesure semble économique sur le plan budgétaire dès lors qu’il n’est pas nécessaire de consacrer un budget supplémentaire à la fabrication de nouvelles cartes EDC chaque fois que la date d’expiration est dépassée. Par ailleurs, une telle solution s’avère également plus pratique en cas de décès d’une personne – la famille ne doit pas s’occuper des formalités administratives relatives au renvoi de l’EDC.
⇒ Les conseils consultatifs insistent pour que cette réflexion soit prise en compte par les représentants belges dans les négociations et par les experts belges qui seront consultés (en vertu de l’art. 11 (4) de la proposition de directive.
⇒ La photo devrait cependant être adaptée régulièrement.
En ce qui concerne la carte européenne de stationnement :
Dans la proposition de directive, aucune durée de validité n’est spécifiée pour la carte européenne de stationnement. Néanmoins, selon l’annexe II de la proposition de directive, une date d’expiration doit bel et bien figurer au verso de la carte.
Dans ce cas également, deux options sont envisageables : une date de validité sur la carte ou un code QR.
⇒ En ce qui concerne la première option, voir avis 2023/09: la date de validité de la carte de stationnement doit être clairement visible. Elle doit être limitée à 5 ans. Le renouvellement doit être automatique (avec envoi gratuit), sans entraîner de charge administrative supplémentaire pour le titulaire de la carte.
⇒ Quant à la seconde option, la même réflexion s’applique que pour l’EDC.
D. FORMAT: NUMÉRIQUE ET PHYSIQUE :
Le fait de prévoir un format numérique et un format physique est une bonne chose. Il est important que la démarche « et/et » soit maintenue. Compte tenu de la fracture numérique (voir Note de position Fracture numérique), le format numérique ne peut être la variante dominante chez les prestataires de services. Ils doivent être informés qu’il existe également une carte physique tout aussi valable.
DONNÉES – EDC
L’art. 6 (1) de la proposition de directive dispose clairement qu’il ne peut y avoir sur le format numérique d’autres données que les données figurant sur le format physique de la carte.
Il serait peut-être pratique de mentionner sur l’EDC l’organisme qui a délivré la carte. Ainsi, en cas de perte de la carte, la personne qui la retrouve pourrait savoir où la retourner le cas échéant.
À ce stade, il n’est pas prévu que le type ou le degré de handicap soient visibles sur la carte. Les conseils consultatifs sont d’accord avec l’EDF pour dire qu’il s’agit d’une bonne chose qui permet d’éviter non seulement la stigmatisation, mais aussi le blocage de la législation en vertu de considérations relatives à la protection des données et au respect de la vie privée.
Certaines associations aimeraient voir figurer sur la carte un genre de logo qui préciserait les besoins en matière d’aménagements et permettrait de franchir d’éventuelles barrières communicationnelles. Il existe donc une demande de certaines associations de prévoir suffisamment d’espace au verso de l’EDC pour un éventuel autocollant qui peut être développé par les associations.
Le CSNPH et le Conseil consultatif wallon affirment que cela nuira à l’uniformité de l’EDC. S’accorder sur un même logo pour des besoins d’aménagements spécifiques dans tous les États membres de l’UE semble une tâche impossible. En outre, il existe des personnes polyhandicapées qui ont des besoins d’aménagements multiples. Par ailleurs, on ne peut obliger une personne à partager ses besoins d’aménagements, ce qui signifie que ces besoins et/ou logos figureraient sur certaines cartes EDC et pas sur d’autres. Cela peut avoir un impact négatif sur les attentes des prestataires de services, qui ne sauront pas quoi faire d’une personne dont les besoins ne sont pas indiqués…
Le CSNPH et le Conseil consultatif wallon sont d’avis que quiconque le souhaite peut faire connaître ses besoins d’aménagements d’une autre manière.
⇒ Mention éventuelle sur la carte EDC de l’organisme qui a l’a délivrée.
⇒ Pas de mention du type et/ou du degré de handicap sur la carte.
⇒ Dans tous les cas, conformément à l’art. 4 (3) de l’UNCRPD, le secteur du handicap doit être consulté en ce qui concerne l’inclusion sur l’EDC d’autres données que celles qui figurent dans la proposition de directive.
Par ailleurs, les détenteurs de la carte doivent à tout moment savoir quelles données sont utilisées pour quelles finalités (minimisation des données et limitation des finalités dans le cadre du RGPD).
DONNÉES – CARTE EUROPÉENNE DE STATIONNEMENT
La proposition de directive stipule : « la plaque d’immatriculation du véhicule à laquelle la carte est associée, le cas échéant » doit figurer sur la carte. Une meilleure formulation sera nécessaire, notamment parce que en Belgique, les titulaires de la carte de stationnement doivent enregistrer en ligne la plaque d’immatriculation de la voiture à utiliser et la lier à leur carte de stationnement pour éviter les amendes. Dans ce cas, une carte de stationnement est toujours « liée » à la voiture à utiliser – qui peut néanmoins varier.
⇒ Le principe selon lequel une carte de stationnement est liée à la personne doit rester garanti. Voir aussi avis 2022/19, avis 2021/32et avis 2020/04.
E. DROIT À L’ACCESSIBILITÉ DE L’INFORMATION :
L’art. 9 (7) et l’art. 15 (3) de la proposition de directive stipulent que les informations relatives aux conditions et procédures pour la délivrance, la prolongation ou le retrait des cartes doivent être mises à disposition de manière accessible sur les sites web des opérateurs privés ou des pouvoirs publics.
Comme déjà indiqué dans l’introduction et au point B – champ d’application matériel, cet engagement n’est pas suffisant.
⇒ Un titulaire de carte d’un autre État membre doit savoir clairement où s’adresser pour obtenir des informations, et cela n’est possible qu’au moyen d’un site web de l’UE (qui renvoie éventuellement vers les sites web nationaux). À ce propos, voir aussi la demande de l’EDF.
Le fait que des plaintes puissent être déposées concernant l’utilisation de l’EDC ou de la carte européenne de stationnement justifie également ce besoin d’un site web européen. Cela permet de mettre en place une plate-forme centralisée pour le traitement des plaintes et le citoyen de l’UE en voyage ne doit pas chercher en vain le bon organisme.
⇒ L’information doit également être disponible en anglais.
⇒ De plus, les informations concernant les conditions de l’EDC doivent répertorier concrètement:
-
-
- les prestations qui sont exclues du champ d’application de l’EDC ;
- les prestations existantes dans le secteur des transports et dans les pouvoirs publics ;
- des exemples de prestations disponibles auprès d’opérateurs privés.
-
⇒ Les informations concernant les conditions de la carte européenne de stationnement doivent également être clairement indiquées. Dans le cas concret de la Belgique, cela signifie qu’il faudra enfin dresser un inventaire clair (fonction de recherche par ville/commune) des différentes règles en matière de paiement, durée de stationnement, endroits où le stationnement est autorisé, des règles relatives aux zones LEZ, de la manière de contester une amende de stationnement injustifiée, etc.
⇒ Uniformiser les règles (de préférence stationnement gratuit et illimité pour les personnes possédant une carte de stationnement) est la meilleure solution.
F. OBLIGATION D’INFORMATION ET D’ENCOURAGEMENT :
Conformément à l’art. 9 (2) de la proposition de directive, les États membres doivent informer le public de l’existence des cartes.
⇒ Pour les conseils consultatifs, il s’agit avant tout d’une opportunité de sensibiliser le public en général et les prestataires de services en particulier au droit à l’inclusion des personnes handicapées fixé à l’art. 22 de la Constitution et à leur besoin d’aménagements raisonnables qui va au-delà d’un accès gratuit à…
⇒ Il faut donc mettre l’accent sur la sensibilisation à l’égard de l’importance de l’accessibilité et de la conception universelle.
En ce qui concerne les pouvoirs publics, les conseils consultatifs renvoient à l’avis interfédéral 2023/03 dans lequel ils demandent clairement une approche concrète de l’accessibilité avec des objectifs mesurables et des échéances fixes.
Par ailleurs, en vertu de l’art. 15 (2) de la proposition de directive, les États membres doivent encourager les opérateurs privés ou les pouvoirs publics à accorder volontairement des conditions spéciales ou un traitement préférentiel aux personnes handicapées.
⇒ Les pouvoirs publics doivent non seulement sensibiliser les opérateurs privés à l’inclusion, mais aussi entreprendre des actions afin de les encourager à octroyer des conditions spéciales.
⇒ Une forme de collaboration devra être mise en place à cet effet, que ce soit au moyen d’ateliers ou de conférences…
⇒ Le CAWaB et Inter disposent d’une grande expertise en matière d’accessibilité. Ces structures doivent être impliquées dans la collaboration.
Indépendamment de l’EDC, le NBN doit également développer d’urgence son expertise en matière d’accessibilité. Voir avis interfédéral 2023/03.
⇒ Les conseils consultatifs souhaitent que des efforts supplémentaires soient faits pour garantir une offre cohérente de conditions spéciales dans le secteur des transports.
⇒ Dans ce contexte, il convient également d’accorder suffisamment d’attention à l’intermodalité et à l’assistance. Voir avis interfédéral 2023/03.
G. CONTRÔLE :
Conformément à l’art. 9 (6) de la proposition de directive, les États membres doivent vérifier le respect :
-
- des obligations découlant des cartes, d’une part ;
- des droits correspondants des titulaires des cartes, d’autre part.
⇒ Il serait utile de mettre en place un point de contact unique pour les plaintes, parallèlement au site web de l’UE (qui est demandé). Les titulaires de cartes pourraient alors indiquer leur pays et la plainte serait automatiquement transmise au bon organisme.
⇒ Le responsable du traitement des plaintes doit à tout le moins figurer clairement sur les sites web nationaux.
H. SANCTIONS :
Conformément à l’ 14 de la proposition de directive, les États membres devront prévoir des sanctions en cas de violation des dispositions nationales adoptées en exécution de la directive.
⇒ Voir avis 2023/09: les conseils consultatifs demandent instamment que les sanctions pour utilisation de fausses cartes de stationnement soient effectivement appliquées.
⇒ Les infractions de stationnement liées aux emplacements de stationnement réservés aux personnes en situation de handicap doivent également faire l’objet d’amendes effectives. Voir avis 2023/04: il s’agit d’une question de sécurité routière. Si un permis de conduire à points devait être adopté, ces infractions de stationnement devront figurer sur la liste des infractions de la circulation donnant lieu à un retrait de points.
⇒ Les conseils consultatifs demandent à être tenus informés des autres sanctions qui seraient introduites à la suite de la directive proposée.
I. ÉVALUATION :
Les conseils consultatifs soulignent que, conformément à l’art. 16 (1) de la proposition de directive, tous les conseils consultatifs de Belgique doivent être consultés dans l’élaboration du rapport de la Commission.