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Avis 2021/17


Avis n° 2021/17 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif au projet d'arrêté royal modifiant l'arrêté royal du 6 juillet 1987 relatif à l'allocation de remplacement de revenus (ARR) et à l'allocation d'intégration (AI) portant limitation des effets du « prix du travail », débattu en séance plénière du 21 juin 2021 et par voie électronique du 5 au 9 juillet 2021.

Avis rendu le 10 juillet 2021 à la demande de Monsieur André Gubbels, Directeur général de la DG Personnes handicapées (DG HAN), par sa lettre du 26 avril 2021.

1. OBJET

Un projet d'arrêté royal modifiant l'arrêté royal du 6 juillet 1987 relatif à l'allocation de remplacement de revenus et à l'allocation d'intégration portant limitation des effets du « prix du travail », va être présenté au Conseil des Ministres.

2. ANALYSE

Note au Conseil des Ministres

Selon la note au Conseil des Ministres :

L’accord de gouvernement propose de “mener une politique sur mesure tenant compte des groupes de population les plus fragiles, qu’ils soient moins mobiles ou non, et des besoins spécifiques des personnes en situation de handicap ». Il prévoit également d’encourager les personnes non actives sur le marché du travail à faire le pas vers un emploi, dont notamment les personnes porteuses d’un handicap. A cette fin, « les obstacles à l’emploi et au fait de travailler davantage seront également levés ».

En vue de rencontrer ces objectifs, la nécessité d’adapter la réglementation relative aux allocations des personnes en situation de handicap à deux niveaux est nécessaire :

  • d’une part, il est impératif d’augmenter le seuil d’exonération des revenus professionnels pour le maintien de l’allocation d’intégration (AI) afin que travailler soient financièrement avantageux. A l’heure actuelle, dès qu’un travailleur handicapé bénéficie d’un revenu imposable dépassant 23.356 euros par an, son allocation d’intégration se voit diminuer en tout ou en partie (c’est ce qu’on appelle le « prix du travail »). 
  • d’autre part, il est indispensable d’augmenter le plafond fixé en matière de revenu de remplacement afin de lutter contre la pauvreté prégnante des personnes en situation de handicap et par ailleurs leur éviter la double peine (perte d’emploi et de l’AI). Etant donné que l’abattement sur les revenus de remplacement tels que le chômage, l’invalidité ou les pensions est nettement plus défavorable que l’abattement sur les salaires, la situation du travailleur handicapé qui ne peut plus travailler devient précaire. Dans un avis rendu sur cette problématique au mois de novembre 2020, le Conseil supérieur national des personnes handicapées note à ce propos : « Il y a véritablement une double pénalisation à l’endroit des allocataires qui ne travaillent plus ; ils perdent leurs revenus du travail tout en étant exposés à des frais de santé qui souvent augmentent quand ils retombent malades. La personne en relativement bonne santé qui peut continuer de travailler percevra une AI complète alors que la personne qui ne peut plus travailler pour des raisons de santé perdra en plus une partie (importante) de son AI. ». 

Une enveloppe de 29 millions d’euros a été prévue pour le financement de ces mesures. A l’aide de l’outil de simulation BELMOD du SPF Sécurité sociale, quatre options de modifications des abattements en vigueur ont été envisagées du point de vue de leur impact sur le nombre de n-bénéficiaires et des dépenses.

Option

Abattement revenus du travail

%

Bénéficiaires

Coût

Abattement revenus de remplacement

%

Bénéficiaires (nombre cumulé)

Cout cumulé

Situation actuelle

23.356,97

   

 

3.336,23

   

 

Option 1

28.612,29

23%

2.536

2,85

4.086,88

23%

40.957

29,7

Option 2

40.874,70

75%

4.482

9,07

3.885,00

16%

41.122

29,8

Option 3

63.000,00

170%

5.338

12,07

3.780,00

13%

40.867

29,8

Option 4

87.048,00

273%

5.533

13,08

3.770,00

13%

41.010

29,8


Parmi ces différentes options, l’option 2 semble la plus équilibrée au vu des considérations suivantes :

  • L’option 1 bien que la plus égalitaire mais ne répond que partiellement à l’objectif du gouvernement à savoir que le travail soit toujours financièrement intéressant et au vu du nombre de travailleurs en situation de handicap susceptible de bénéficier de la mesure.
  • L’option 2 permet à toute personne travaillant à temps plein avec un salaire moyen de maintenir l’intégralité de son AI et a le second mérite de bénéficier au plus grand nombre.
  • Les options 3 et 4 présentent globalement un nombre de bénéficiaires inférieur à l’option 2 mais surtout les travailleurs supplémentaires qui bénéficient de la mesure ont un salaire plus de 50 % supérieur au salaire moyen alors que ceux qui n’en bénéficient pas vivent dans des situations beaucoup plus précaires.

Le projet d’arrêté royal en annexe est donc basé sur l’option 2 et prévoit les adaptations suivantes : 

  • Une augmentation de 75 % de l’abattement actuel sur les revenus du travail de la personne en situation de handicap. Celui-ci est porté à 619,73 euros par an, ce qui correspond à un montant de 40.874,70 euros par an à l’index actuel. 
  • Une augmentation de 16 % de l’abattement actuel sur les revenus de remplacement de la personne handicapée. Celui est porté à 2.720,21 euros par an, ce qui correspond à 3.885 euros à l’index actuel.

Le projet d’arrêté royal prévoit également que pour les nouvelles demandes introduites dans les 3 mois qui suivent la date de publication du présent arrêté, le droit peut être octroyé avec effet rétroactif à partir du 1er janvier 2021. La prise d’effet du projet d’arrêté royal est prévue pour le 1er janvier 2021.

Le projet supprime aussi l’abattement sur la moitié du solde des revenus du travail restant après l’application de l’abattement forfaitaire.

Suivi

Lors de sa réunion plénière du 17 mai 2021, le CSNPH a discuté une première fois du projet d’arrêté royal. Vu le manque d’informations sur les avantages et inconvénients de la nouvelle mesure pour différents cas d’espèces, il a été décidé de reporter le point à la réunion de juin 2021 et de demander des informations complémentaires à l’administration.

Le CSNPH a posé à la DG HAN en date du 18 mai 2021 une série de questions (en italique); les réponses ont été apportées par la DG HAN le 4 juin :

1/ Pourrait-on obtenir des simulations de calcul pour la personne en situation de handicap (PSH) qui a des revenus du travail et pour la PSH qui a des revenus de remplacement (en insistant sur la situation des personnes isolées), ceci pour les 5 catégories d’AI ?

    • Une comparaison claire des situations financières selon que la PSH est isolée ou en ménage et selon qu’elle perçoit des revenus du travail ou de remplacement est souhaité.

L’administration a envoyé un fichier reprenant 25 exemples contenant différentes combinaisons de revenus de l'année 2019, basées sur les données de dossiers existants (voir tableau ci-dessous). Avec le fichier joint “SimulatietoolBedragenIVTIT_Optie2”, d'autres combinaisons peuvent être calculées.

 

 

 

 

 

 

Actuellement

Proposition

 

CF

Cat.AI

RT PSH

RR PSH

AR

RP

ARR

AI

ARR

AI

Diff.

A

1

33128,15

 

 

 

0

0

0

1297,28

1297,28

A

2

4238,15

16328,78

 

 

0

0

0

0

0

A

3

2798

10378,42

 

 

0

1527,62

0

1527,62

0

A

4

 

11732,18

 

 

0

6064,99

 

6064,99

0

A

5

5603,45

7241,88

 

 

0

7337,55

0

7886,32

548,77

B

1

21324,87

 

 

 

0

1297,28

0

1297,28

0

B

1

 

15731,04

 

 

0

0

0

0

0

B

2

8976,15

12375,86

 

 

0

0

0

0

0

B

2

 

15744,27

 

 

0

366,56

0

366,56

0

B

2

 

15549,84

 

 

0

560,99

0

560,99

0

B

3

6325,84

8614,17

 

 

443,66

3704,02

443,66

3704,02

0

B

4

 

19817,65

 

 

0

1919,51

0

1919,51

0

B

5

2421,65

10829,16

 

 

494,07

9812,34

494,07

9812,34

0

C

1

13522

 

 

43627,63

0

1297,28

0

1297,28

0

C

1

21504,32

2338,22

 

16005,95

0

811,23

0

1297,28

486,05

C

2

26423,21

 

1567,44

30521,73

0

1190,32

0

2723,44

1533,12

C

2

24564,32

2047,48

 

15722,9

0

1639,73

0

2243,4

603,67

C

2

20217,07

2599,52

 

51766,01

0

4290,88

0

4290,88

0

C

3

 

14832,17

 

51388,19

0

6824,08

0

6824,08

0

C

3

53694,28

 

 

 

0

0

0

414,19

414,19

C

3

24118,01

7349,16

215,85

15775,09

0

0

0

0

0

C

3

19596,43

 

 

 

0

3201,58

0

3201,58

0

C

4

 

9322,25

4877

24789,96

0

9917,21

0

9917,21

0

C

4

21504,32

2338,32

 

49902,41

0

7353,21

0

7353,21

0

C

5

 

12346,44

 

32859,74

0

11243,2

0

11243,2

0


Légendes 
:
CF : catégorie familiale
Cat. AI. : catégorie AI
RT PSH : revenus du travail de la PSH
RR PSH : revenus de remplacement de la PSH
AR : autres revenus
RP : revenus du partenaire
Diff. : différence

    • Dans le cadre de l’augmentation de l’abattement sur les revenus du travail de la PSH (option 2 telle que retenue) pour chacune des 5 catégories d’AI, à « mixer » par catégorie familiale, par rapport au nombre de bénéficiaires concernés, combien de bénéficiaires verront leur AI augmenter et combien seront pénalisés ? 

Réponse de l’administration : voici la répartition, basée sur l'option 2 utilisant les données BELMOD. Il y a 41.122 personnes qui bénéficient de la nouvelle mesure et 159 personnes qui subissent un désavantage. En termes de pourcentage, le plus grand nombre de gagnants appartient aux catégories des PSH qui vivent seules (catégorie B) et forment un ménage (catégorie C). Parmi les perdants, on constate que personne n'appartient à la catégorie B et que le pourcentage de perdants dans les catégories A (personnes cohabitantes) et C est à peu près le même. (Plus de précisions sur les catégories ici : https://handicap.belgium.be/fr/mon-dossier/categorie-de-situation-familiale.htm)

Gagnants - répartition en pourcentage (nombre : 41 122)

 

 

C. F.

 

 

 

 

 

 

A

B

C

 

total

Catégorie AI

1

3,00%

4,00%

12,00%

 

19,00%

 

2

3,00%

5,00%

13,00%

 

21,00%

 

3

3,00%

8,00%

11,00%

 

22,00%

 

4

3,00%

13,00%

5,00%

 

21,00%

 

5

3,00%

11,00%

3,00%

 

17,00%

 

Total

15,00%

41,00%

44,00%

 

100,00%

Perdants – répartition en pourcentage (nombre: 159)

 

 

C.F.

 

 

 

 

 

 

A

B

C

 

total

Catégorie AI

1

12,00%

0,00%

56,00%

 

68,00%

 

2

31,00%

0,00%

1,00%

 

32,00%

 

3

0,00%

0,00%

0,00%

 

0,00%

 

4

0,00%

0,00%

0,00%

 

0,00%

 

5

0,00%

0,00%

0,00%

 

0,00%

 

Total

43,00%

0,00%

57,00%

 

100,00%

 

 

Nombre

Masse

Gagnants

41122

29.854.613

Perdants

159

134.221


2/ Pourrait-on obtenir une simulation avec la possibilité de garder l’abattement de 50% sur le solde des revenus du travail en complément des nouveaux abattements ?

Réponse de l’administration : pour les simulations avec le maintien de l'exonération de 50% sur le solde des revenus du travail, vous trouverez, en annexe, le fichier :

3/ Avons-nous bien compris : le nouveau système d’abattements ne peut pas être défavorable pour les PSH qui perçoivent une AI ? Si à l’occasion de la révision au motif de l’application de la nouvelle règle « Prix du travail » devait apparaître une réduction de l’octroi pour un autre motif qui aurait dû être aperçu par la DG HAN (dans le cadre d’une révision quinquennale qui n’a pas été opérée alors qu’elle aurait dû l’être), cette réduction de l’ARR/AI ne sera pas opérée. Le dossier serait revu pour cet aspect plus tard et sans effet rétroactif défavorable. Est-ce bien comme cela qu’il faut le comprendre ?

Réponse de l’administration : il n'est pas prévu que l'allocation soit réduite ou supprimée simplement parce que le dossier est recalculé en application de la nouvelle mesure "Prix du travail". Si la nouvelle mesure entraîne une réduction ou une suppression, l'administration annulera la révision. Toutefois, s'il y a un autre motif de révision ou lors de la prochaine révision quinquennale, nous appliquerons bien entendu les règles en vigueur au moment de la révision.

4/ Comment est prise en compte l’évolution salariale liée à l’âge et la carrière ? Quels sont les effets pervers sur le calcul de l’AI et les droits dérivés sous l’effet du temps ?

Réponse de l’administration : l'évolution du revenu du travail peut être simulée à l'aide des 2 outils ci-joints. Il suffit de faire varier le revenu du travail dans la cellule E4 du fichier joint pour voir l'effet d'une augmentation de ce revenu.

5/ De manière générale, la DG HAN peut-elle identifier et communiquer au CSNPH les enseignements généraux et points d’attention particuliers générés par les simulations ?

Réponse de l’administration :

  • La simulation BELMOD montre que presque personne n'est affecté par la mesure visant à augmenter l’abattement sur les revenus du travail (seulement 159 perdants contre 41 122 gagnants).
  • Les perdants se situent exclusivement dans les catégories AI 1 et 2 et personne n'est affecté dans la catégorie B (personnes seules).
  • L'augmentation limitée de l'abattement sur les revenus de remplacement (afin de rester dans le budget disponible) reste un risque si l'on bénéficie de revenus de remplacement après une période d'emploi.

Le CSNPH a aussi insisté en réunion plénière du 21 juin pour obtenir une simulation sur la base du maintien de l’abattement sur la moitié du solde des revenus du travail restant après l’application de l’abattement forfaitaire.

Réponse apportée le 5 juillet :

La simulation BELMOD révèle que, en cas d’abattement supplémentaire de 50 % sur la partie dépassant les 40.874,70 euros, l’abattement sur les revenus de remplacement peut s’élever à 3.865,00 euros (soit 20,00 euros de moins que le scénario soumis). Dans ce cas, le coût budgétaire représente 29.992.800,00 euros sur base annuelle (contre 29.720.392,00 euros dans la proposition soumise pour avis).
Le nombre de personnes avantagées s’élève à 41.264 (contre 41.122).

L’introduction des 50 % signifie donc un nouvel abaissement de l’abattement sur les revenus de remplacement.

Le CSNPH a pour sa part identifié 6 situations de vie au 01.01.2021 selon que la PSH, travaille ou non à temps plein, perçoit ou non des revenus de remplacement, est en ménage ou isolée. Pour la facilité de la comparaison, la PSH est reconnue dans chaque hypothèse en AI 3 (simulation).

Le simulateur sur le site de la DG HAN a été utilisé :

  1. Hypothèse 1 : la PSH est en ménage (catégorie C). Elle travaille à temps plein : revenu net de 40.000 € ⇒ la PSH percevra une AI complète: 6.824,08 €/an. Pour rappel aussi, il n’est pas tenu compte des revenus du partenaire à raison d’un montant maximal de 1.000.000 € (prix de l’amour – voir avis 2020-23).
  2. Hypothèse 2 : la même PSH (C) relève totalement d’un régime d’allocations de remplacement (chômage, incapacité, pension) et perçoit 60% des revenus du travail, soit 24.000 € (ce qui est une projection réaliste pour une PSH qui travaille habituellement à temps plein) ⇒ la PSH ne percevra aucune AI. Elle perd donc l’année suivante 22.824,08 € (16.000 + 6.824,02), alors qu’au même moment ses frais médicaux ont peut-être aussi augmenté.
  1. Hypothèse 3 : même hypothèse (C) mais la PSH a travaillé à temps partiel et perçoit des revenus de remplacement à hauteur de 20.000 € ⇒ la PSH recevra une AI réduite à 2.798,01 €.
  1. Hypothèse 4 : la PSH est isolée (catégorie B), a travaillé à temps partiel et ne perçoit plus que des revenus de remplacement (chômage, incapacité, pension) réduits de 50 % par rapport à ses revenus du travail (20.000 €) ⇒ la PSH perd l’entièreté de son AI. Etant seule, elle ne peut compter que sur elle-même.
    Dans l’hypothèse où la PSH aurait travaillé à temps plein : voir hypothèse 2 : elle perdrait aussi l’entièreté de son AI.
  1. Hypothèse 5 : idem que l’hypothèse 4 mais avec une perte de revenu de 60%, soit perception de revenus de remplacement pour un montant de 16.000€ ⇒ la PSH percevra une AI réduite de 2.644,03 €.
  1. Hypothèse 6 : la PSH est isolée, cumule travail (20.000 €) et allocations de remplacement de revenus (10.000 €) ⇒ la PSH percevra une AI réduite à 709,08 €.


3. AVIS

Le CSNPH apprécie qu’il ait été tenu compte de son avis 2020-23 et qu’il ait été décidé d’augmenter l’abattement sur les revenus de remplacement. Cependant, en montant mensuel, l’augmentation est très faible. Le projet d’arrêté royal soumis au CSNPH en novembre 2020 prévoyait une immunisation de 2.548,13 € sur les revenus de remplacement (montant annuel non indexé), ce qui équivaut à 215,34 € par mois. Le présent projet d’arrêté royal prévoit une immunisation annuelle de 2.720,21 € (montant non indexé), ce qui équivaut à un montant de 226,68 €/mois.

L’abattement sur les revenus de remplacement restant assez bas, les revenus totaux de la PSH qui travaille et ensuite perd son emploi diminuent fortement : les 6 hypothèses de travail présentées dans la partie « analyse » donnent un premier aperçu. Le CSNPH estime absolument nécessaire que la DG HAN réalise un travail de simulations beaucoup plus complet et articulant les variables suivantes : catégories familiales, catégories médicales, revenus du travail, revenus de remplacement, mix entre revenus de travail et de remplacement.

Le CSNPH reste convaincu qu’un plus grand abattement sur les revenus de remplacement doit être appliqué car tôt ou tard, par les imprévus d’un parcours professionnel (chômage ou incapacité) ou tout simplement du fait de la mise à la pension, toute PSH percevra uniquement des revenus de remplacement. Par ailleurs, très souvent, cette inactivité s’accompagne d’une augmentation des frais médicaux et d’assistance en raison du handicap. La PSH est donc doublement pénalisée. Le CSNPH rappelle une nouvelle fois que la grande majorité de PSH ne font pas le choix de rester inactifs. Du point de vue de l’employeur, la déficience l’emporte encore souvent sur les compétences. Par ailleurs, l’absence d’aménagements raisonnables rend de facto l’environnement de travail inaccessible.

Le CSNPH estime qu’il faut aussi garder l’abattement de 50% sur le solde des revenus pris en compte après l’abattement de catégorie car le retentissement sur les allocations et les droits dérivés est alors moins sensible. Les PSH peuvent alors accepter un emploi à temps plein ou accepter une promotion sans risque de perdre la totalité de leurs allocations et des droits dérives y liés. A l’inverse, supprimer l’abattement de 50% sur le solde, c’est créer une discrimination entre les PSH qui travaillent selon leur régime de travail.  

Le déséquilibre de la mesure prend encore de l’ampleur selon que la personne est isolée ou en couple. Avec la suppression du « prix de l’amour » (voir avis 2020-23), une PSH, vivant avec un partenaire percevant des revenus élevés, conserve désormais dans une très grande majorité de cas une AI complète, alors qu'une PSH seule souffrant du même handicap ne peut pas compter sur le soutien d’un partenaire (voir les 6 hypothèses de travail dans la partie « Analyse »).

Pour les personnes isolées, l’incertitude liée au basculement à tout moment du monde du travail vers celui des revenus de remplacement rend tout projet de vie pratiquement impossible. Ainsi par exemple, une personne isolée ne prendra généralement pas le risque de contracter un emprunt hypothécaire alors que pourtant, elle travaille. Les personnes isolées ressentent cela comme très injuste.

Cette proposition sur le prix du travail crée une nouvelle discrimination non plus tant entre personnes isolées et personnes en ménage mais entre les personnes qui peuvent et ne peuvent pas travailler. L'ensemble du nouveau budget est destiné aux personnes ayant des revenus professionnels. Si cette même personne bascule vers un revenu de remplacement, elle perd tout ou grande partie de son AI. Cette divergence existait déjà, mais elle est encore plus grande avec la proposition actuelle. Ceux qui étaient sous-protégés le resteront dans la même mesure avec la réforme proposée.

Dans les 6 hypothèses de travail développées dans la partie analyse, on constate l’enjeu des limites. Actuellement, ce "problème de limite" se pose pour les revenus du travail à partir d'environ 25.000 euros (1.743 euros sont à déduire du droit à l’AI è un droit subsiste à partir d’une AI 2).
Avec un revenu du travail de 25.000 euros, le travailleur a droit à un montant journalier légèrement inférieur à l'indemnité journalière minimale garantie, mais il perd l’entièreté de son AI 2 ! (ce n’est que lorsqu’elle est reconnue en AI 3 que la PSH gardera une partie de son AI).

Par conséquent, l'"ancienne" limite supérieure correspond à un revenu inférieur à l'allocation minimale de l'INAMI (ce qui correspond à la protection la plus faible !).
Pour les prestations de remplacement, une augmentation de l'exonération n'aura un impact que sur les revenus mixtes (revenu du travail et revenu de remplacement). Dans les dossiers comportant exclusivement des revenus de remplacement, l'exonération n'a aucun impact, puisqu'elle est déduite de l'exonération catégorielle.

Le CSNPH considère donc, au stade actuel de sa réflexion, que la nouvelle proposition ne profite qu'aux personnes qui travaillent (à temps partiel). Tant que l'exemption sur le revenu de remplacement pour l'AI est inférieure à l'exemption de catégorie (pour une personne seule : 11.510 euros), une augmentation de cette exemption n'a pas d'impact sur le calcul (à moins qu'il n'y ait un revenu mixte de travail et de remplacement). Dans la nouvelle proposition, les deux exemptions sont maintenant apparemment cumulatives ? Cela peut-il être confirmé ?

Cela signifie aussi que le nombre de dossiers concernés (dans les simulations : en jaune) est exclusivement composé de dossiers avec une combinaison de revenus d'activité et de revenus de substitution. Pour beaucoup de PSH, cette situation est forcément temporaire car elles se trouvent souvent dans une période de transition. Deux ans plus tard, au minimum une partie d'entre eux n'auront plus qu'un revenu de remplacement et perdront leur AI.

Malgré les réponses apportées, beaucoup trop d’incertitudes subsistent ; cela place le CSNPH dans l’impossibilité de se prononcer de manière complète sur tous les retentissements concrets de cette mesure. La question de l’évolution salariale et, par voie de conséquence, le risque de perte de l’allocation y lié (et donc des droits dérivés), n’est, elle non plus, pas clarifiée.

En guise de conclusion

Le CSNPH note que la proposition amplifie encore le poids du curseur travail : le fait de pouvoir travailler détermine véritablement l’accès à un revenu décent (abattements ARR), à la compensation pour les surcoûts liés au handicap (abattement AI) et aux compensations dans les autres régimes (droits dérivés). Aussi longtemps que l’abattement sur les revenus de remplacement restera inférieur à l’abattement de catégorie, la PSH qui ne peut plus travailler sera pénalisée, alors que son handicap et les coûts qu’il génère restent intacts ou même augmentent.
Le CSNPH propose au minimum de rendre possible le cumul de l’abattement sur les revenus de remplacement et de l’abattement de catégorie afin que l'écart entre les revenus du travail et les revenus de remplacement soit quelque peu réduit.

Plus fondamentalement, il est clair que les questionnements que fait remonter la proposition « prix du travail » sont emblématiques des attentes du terrain : il est urgent de revoir les piliers d’une loi vieillie et qui enferme un grand nombre de PSH dans un cadre réglementaire et financier aux effets pervers et aux conséquences arbitraires.  
Quelle est la place réservée à la PSH par notre construction sociale ? Comment est-elle soutenue dans son accès au travail ? Comment est-elle par ailleurs soutenue quand elle ne travaille pas ou plus ? Comment lui reconnaître en termes de droits et de ressources la possibilité de vivre de la manière la plus autonome qui soit et de s’inclure dans la société, qu’elle soit ou non travailleuse ? Si pour d’aucuns, le travail est une valeur en soi et un objectif de vie, pour un grand nombre de PSH, c’est un combat de l’obtenir et de le garder. L’arsenal juridique va-t-il encore longtemps conserver une disposition qui pénalise financièrement la PSH qui ne peut travailler ou dont le marché du travail ne veut pas en raison de son handicap ?!

Autant de questions sur lesquelles le CSNPH demande une nouvelle fois à la Ministre, Karine Lalieux, de revenir au plus vite.

4. AVIS DESTINÉ

  • Pour suite utile à Monsieur André Gubbels, Directeur général de la DG Personnes handicapées
  • Pour suite utile à madame Karine Lalieux, Ministre des Pensions et de l’Intégration sociale, chargée des Personnes handicapées, de la Lutte contre la pauvreté et de Beliris
  • Pour information à Unia
  • Pour information au Mécanisme de Coordination de l’UNCRPD
  • Pour information au Médiateur fédéral