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Avis 2016/04

Directive égalité des chances

Avis n° 2016/04 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif à la proposition de Directive du Conseil de l’Union européenne relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle,  émis pendant la séance plénière du 21 mars 2016.

Demandeur

Avis rendu  à la demande du Mécanisme de coordination en charge de la mise en œuvre de l’UNCRPD.

Objet

Le 2 juillet 2008, la Commission a adopté une proposition de directive du Conseil qui a pour objet d'étendre la protection contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle à des domaines autres que l'emploi. Complétant la législation communautaire qui existe déjà en la matière, cette proposition de directive interdirait la discrimination fondée sur les motifs susvisés dans les domaines suivants : la protection sociale, y compris la sécurité sociale et les soins de santé, l'éducation, ainsi que l'accès aux biens et services, y compris le logement.

Les présidences semestrielles du Conseil poursuivent l’analyse et l’écriture de manière à obtenir le consensus nécessaire entre les 28 pays de l’Union européenne.

Le Mécanisme de coordination souhaite avoir l’avis du CSNPH sur les points suivants actuellement en discussion : 

  • Lien entre le projet de directive et l’UNCRPD – place du projet dans l’ensemble du dispositif européen
  • Concepts d’ « accessibilité » et d’ « aménagement raisonnable » - position du CSNPH
  • Mise en œuvre de l’accessibilité de l’environnement bâti

Examen

Une très grande majorité des pays ont accueilli favorablement la proposition dans son principe, un grand nombre d'entre eux approuvant le fait qu'elle vise à compléter le cadre juridique existant en prenant en considération l'ensemble des quatre motifs de discrimination dans le cadre d'une approche horizontale.

La plupart des délégations ont affirmé qu'il importe de promouvoir l'égalité de traitement en tant que valeur sociale commune au sein de l'UE.

Plusieurs délégations ont, en particulier, souligné l'importance de la proposition dans le contexte de la mise en œuvre de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (UNCRPD).

Si certaines délégations auraient préféré des dispositions plus ambitieuses en matière de handicap, d’autres se sont interrogées, par le passé, sur la nécessité de cette proposition de la Commission, qui, selon elles, empiète sur les compétences nationales à certains égards et va à l'encontre des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Une délégation a maintenu une réserve générale. D'autres continuent à s'opposer à ce que la protection sociale et l'éducation relèvent du champ d'application. Certaines délégations ont également demandé des précisions et exprimé leurs préoccupations concernant, notamment, l'insécurité juridique, la répartition des compétences et les conséquences pratiques, financières et juridiques de la proposition. Pour le moment, toutes les délégations ont maintenu des réserves générales d'examen sur la proposition.

Très concrètement, les Pays-Bas assurant la présidence du Conseil de l’Union européenne durant le 1er semestre 2016   ont soumis à la réflexion des Etats :

  • Le lien entre le projet de directive et l’UNCRPD – place du projet dans l’ensemble du dispositif européen
  • Les concepts d’ « accessibilité » et d’ « aménagement raisonnable » - position du CSNPH
    • La présidence luxembourgeoise a avancé le concept d’ « accessibilité proportionnée »
    • Elle a également questionné sur le principe de « conception universelle » et son articulation avec le principe de la charge disproportionnée
    • Enfin, elle a souhaité dissocier la réglementation de l’ « accessibilité » de celle de « l’aménagement raisonnable »
  • Le calendrier de mise en œuvre de l’accessibilité de l’environnement bâti ; le retentissement du caractère culturel ou historique sur l’accessibilité

Avis

Le CSNPH déplore la résistance de certains états à participer constructivement à la rédaction d’une directive qui s’inscrit dans le mouvement d’égalisation nécessaire à l’équilibre et à la prospérité de la  démocratie européenne.

Il félicite la Commission et les présidences du Conseil successives désireuses de trouver le chemin du consensus.

Il souligne l’attitude des autorités de négociation belges pour leur souci d’impliquer les personnes handicapées elles-mêmes au travers du CSNPH qui les représente dans le processus de réflexion.

Le CSNPH souhaite apporter les réflexions suivantes par rapport aux questions qui lui sont soumises :

Quant au lien entre le projet de directive et l’UNCRPD – place du projet dans l’ensemble du dispositif européen

  • La Belgique, 27 pays de l’Union européenne et l’Union européenne elle-même ont ratifié la Convention ONU relative aux droits des personnes handicapées (Seule l’Irlande n’a pas ratifié la Convention). Par cet acte, tous se sont engagés dans un processus de mise en conformité de leurs réglementations, politiques et pratiques aux prescrits de cet outil supranational. La rédaction et la mise en œuvre de la directive devront donc en tous points respecter le contenu et la portée philosophique de ladite Convention ; la Convention ONU doit être la référence pour apprécier de l’écriture (et de la mise en œuvre plus tard) de la présente directive, de telle manière qu’elle soutienne le mouvement d’autonomie et de participation de la personne handicapée

  • La présente directive contribuera également à concrétiser le programme de travail de la Commission et des Etats pour les années à venir. Pour rappel, « la Commission européenne défend l’égalité des chances pour les personnes handicapées, respectant ainsi pleinement la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Il s’agit de permettre à ces dernières d’avoir accès à l’environnement physique, aux transports, aux systèmes et technologies de l’information et de la communication et à d’autres équipements et services.» (COM(2014) 910 final, «Programme de travail de la Commission pour l’année 2015 - Un nouvel élan», disponible à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/atwork/pdf/cwp_2015_fr.pdf)

  • La présente proposition, dans ses dispositions « handicap », est une pièce majeure du « puzzle inclusion et mise en œuvre de la Stratégie 2010-2020 » . Elle devra à ce titre, à tout le moins, venir en soutien des projets sectoriels en cours (notamment proposition de directive  « accessibilité sites web publics » , «  services médias et audiovisuels et « accessibilité produits et services »)  mais aussi se profiler comme un outil fort, porteur de dispositions claires et fermes et de « bonnes pratiques » pour tous les secteurs de manière telle à booster l’inclusion.

  • Le Comité des experts onusiens a dans son rapport recommandé que the European Union adopt its proposed horizontal Equal Treatment Directive extending protection from discrimination to persons with disabilities, including by the provision of reasonable accommodation, to all areas of competence. Furthermore, the Committee recommends that the European Union ensure discrimination in all aspects based on disability is prohibited, including multiple and intersectional discrimination (     recommandation 19 - http://daccess-ods.un.org/TMP/197009.071707726.html)

Quant au concepts d’ « accessibilité » et d’ « aménagement raisonnable » ; retentissement du caractère culturel ou historique sur l’accessibilité

Le CSNPH considère que

  • L’accessibilité « de tout pour tous » est un objectif non négociable; l’accessibilité est LA condition au processus d’autonomie et de participation de  la personne handicapée à la vie économique, sociale, culturelle et politique. Juridiquement, la personne handicapée jouit de de tous les droits de l’Homme ; la situation de handicap n’est pas un motif d’incapacité de jouissance ; les Etats sont dès lors responsables de la mise en œuvre de ces droits à l’égard de chaque citoyen et doivent mettre en œuvre les aménagements nécessaires pour rendre effectif l’exercice de ces droits

  • L’accessibilité ne peut être tributaire de l’environnement économique ou budgétaire. Une accessibilité bien pensée et conçue ne présente d’ailleurs pas de surcoût. L’accessibilité est par ailleurs un gage d’utilisation aisée et de confort garanti pour toute la population.

  • L’argument absolu de la préservation historique ou culturelle ne résiste pas à celui de l’accessibilité pour tous. Les moyens technologiques et techniques et les aménagements raisonnables existent pour permettre à tout le moins de rapprocher le patrimoine culturel et historique des personnes handicapées (maquettes, reconstitutions, accès partiel, projections filmées etc)

  • Les personnes handicapées et les associations qui les représentent doivent être associées régulièrement et structurellement aux projets d’aménagements et de réfection des édifices et projets historiques et ce dès les premières étapes de la phase de réflexion et de conception.
  • Le concept de Design Universel (au sens de la Convention ONU, art. 2 : La conception de produits, d’équipements, de programmes et de services qui puissent être utilisés par tous, dans toute la mesure possible, sans nécessiter ni adaptation ni conception spéciale. La «conception universelle » n’exclut pas les appareils et accessoires fonctionnels pour des catégories particulières de personnes handicapées là où ils sont nécessaires. ) doit être le critère prioritaire pour réaliser l’accessibilité.
    Selon la définition du Center for Universal Design de la North Carolina State University https://www.ncsu.edu/ncsu/design/cud/about_ud/udnonenglishprinciples.html , la conception universelle comprend 7 principes :
    1. Equité d’utilisation
    2. La flexibilité d’utilisation
    3. Une utilisation simple et intuitive
    4. L’information perceptible
    5. La tolérance pour l’erreur
    6. Un effort physique minimal
    7. Les dimensions et l’espace libre pour l’approche et l’utilisation

  • La directive pourrait utilement faire référence à ces 7 principes.

  • Les aménagements raisonnables sont des étapes intermédiaires, nécessaires aussi longtemps que l’accessibilité sous la forme de la conception universelle n’est pas réalisée. Les aménagements raisonnables sont également nécessaires lorsqu’ils ne concernent qu’une seule ou quelques personnes handicapées. Les aménagements raisonnables ne constituent en effet pas un avantage ou une faveur, mais un droit pour les personnes handicapées : les personnes handicapées souhaitent en premier lieu vivre en toute autonomie comme toute autre personne. Les aménagements raisonnables ne peuvent dès lors pas être facultatifs.

  • Une manière de travailler intéressante et concrète pour l’ensembles des acteurs économiques serait l’utilisation d’indicateurs récurrents pour apprécier la pertinence de « l’aménagement raisonnable » sur l’accessibilité d’un produit ou d’un service.

    Ainsi l’aménagement doit :
    1. être efficace, de telle sorte que la personne handicapée puisse participer effectivement;
    2. permettre une participation équivalente de la personne handicapée;
    3. veiller à ce que la personne handicapée puisse participer de manière autonome; une assistance doit être disponible lorsqu’elle est nécessaire
    4. garantir la sécurité de la personne handicapée.

  • Le « caractère raisonnable » de l’« aménagement » pourrait notamment être évalué à la lumière des indicateurs suivants :
    1. l’impact financier de l’« aménagement », compte tenu
      1. des interventions financières de soutien éventuelles;
      2. des possibilités financières de celui qui a une obligation d’aménagement ;
    2. l’impact organisationnel de l’« aménagement » serait apprécié à la lumière de;
      1. la fréquence et la durée attendues concernant l’utilisation de l’« aménagement » par des personnes handicapées;
      2. l’impact de l’« aménagement » sur la qualité de vie d’un (de) utilisateur(s) handicapé(s) effectif(s) ou potentiel(s));
      3. l’impact de l’« aménagement » sur l’environnement et sur les autres utilisateurs;le manque d’alternatives équivalentes;
      4. l’absence de normes évidentes ou obligatoires du point de vue légal

Quant au calendrier de mise en œuvre de l’accessibilité de l’environnement  bâti ;

Le CSNPH considère qu’un service accessible situé dans un bâtiment inaccessible n’a que peu d’utilité. La programmation de transformations des bâtiments doit être à chaque fois l’occasion pour en améliorer l’accessibilité.

Avis transmis

  • Pour suivi au Mécanisme de coordination interfédéral;
  • Pour information au Premier Ministre ;
  • Pour information à Madame Elke Sleurs, Secrétaire d’Etat aux Personnes handicapées;
  • Pour information au Ministre des Affaires étrangères ;
  • Pour information à UNIA, Centre interfédéral pour l’égalité des chances.
Avis