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Avis 2022/14

Avis n° 2022/14 du Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées (CSNPH) relatif à la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d’incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine, rendu en séance plénière du 21/03/2022.

Avis rendu d’initiative par le CSNPH.

1. AVIS DESTINÉ

  • Pour suite utile à Monsieur Vincent Van Quickenborne, Vice-Premier Ministre et Ministre de la Justice et de la Mer du Nord
  • Pour information à Madame Karine Lalieux, Ministre des Pensions et de l’Intégration sociale, chargée des Personnes handicapées, de la Lutte contre la pauvreté et de Beliris
  • Pour information à Unia
  • Pour information au Mécanisme de Coordination de l’UNCRPD
  • Pour information au Médiateur fédéral

2. OBJET

Ces dernières années , le CSNPH a reçu un certain nombre de réflexions, de questions et de plaintes relatives à la mise en œuvre de la loi du 17 mars 2013 réformant les régimes d’incapacité et instaurant un nouveau statut de protection conforme à la dignité humaine. Le CSNPH a également, depuis l’entrée en vigueur de ces dispositions, rendu, à plusieurs reprises, des avis sur les manquements, attentes et certaines mesures d’exécution souhaitables. Ces avis sont pour la plupart restés sans suite.

Pour cette raison, le CSNPH a décidé de créer un groupe de travail « Capacité juridique », composé de membres du CSNPH et d’experts. Cet avis est le fruit des réflexions du groupe de travail, ainsi que de l’assemblée plénière du CSNPH. Ce qui est repris dans cet avis n’est cependant pas exhaustif.

3. ANALYSE

Malgré les principes édictés dans la législation, le nombre de mises sous administration n’a cessé d’augmenter en Belgique ces dernières années. En effet, entre 2016 et 2018, le nombre de dossiers de mise sous protection a augmenté de 28% (88.000 dossiers (2016) > 113.000 dossiers (2018) : source : Martine Vandemeulebroucke, Sous tutelle ou sous verrous ?, avril 2020, Médor Magazine, https://medor.coop/magazines/medor-n18-printemps-2020/sous-tutelle-ou-sous-verrous/?full=1#continuer-a-lire).

Des chiffres similaires apparaissent également dans ce rapport de recherche : https://www.samvzw.be/sites/default/files/Publicaties/2019_Project_bewindvoering_rapport.pdf.

D’où vient cette augmentation ? Est-ce dû au vieillissement de la population ? Certaines directions de maisons de repos et de maisons de repos et de soins encouragent la famille des résidents à faire les démarches pour une mise sous administration professionnelle du membre de leur famille ; cela leur permet notamment de récupérer très rapidement les frais.

 D'après l’expérience des membres du groupe de travail, le nombre de personnes sous administration a également augmenté parce que les personnes "incapables" (wilsonbekwaam) - attention : ce n'est pas la même chose que "incapables d'agir" (handelsonbekwaam) - n'ont souvent pas d'autre choix, car toutes sortes d'institutions (banques, assurances, mutuelles, notaires, etc.) sont beaucoup plus strictes que par le passé : « si vous n'êtes pas capable de signer un accord, pleinement conscient, vous devez ensuite demander une mise sous administration avant de pouvoir signer cet accord, ouvrir un compte bancaire, gérer un héritage, etc. ». Dans le passé, par exemple, il n'y avait généralement aucun problème si les parents d'un adulte signaient l'accord avec l'établissement. Avec l'introduction d'un budget de suivi des personnes, on est devenu plus stricts. Une personne majeure est censée agir elle-même en tant que titulaire du budget (et donc signer l'accord, être l'employeur d'assistants personnels, etc.) Si la personne handicapée n'est pas en mesure de le faire, la VAPH et/ou le prestataire de soins agréé demanderont une mise sous administration.

En juillet 2019, le Conseil supérieur de la Justice (CSJ) a émis un audit sur « le contrôle sur les administrations par les justices de paix ».
Dans ce rapport, nous lisons que les pratiques de désignation d'un administrateur familial varient d’une justice de paix à l’autre. Certains juges de paix donnent toujours la préférence à un administrateur familial et respectent le choix de la personne protégée, de la personne de confiance ou du réseau familial. Il existe des juges de paix qui, en dehors du lien familial, n'appliquent aucun autre critère. D'autres juges de paix imposent des conditions spécifiques.

Voici quelques-unes des recommandations émises par le CSJ :

  • Lors du contrôle d’une administration, il convient d’éviter le risque que constitue un traitement purement formel et administratif du dossier et mettre davantage l'accent sur la protection de la personne sous administration.
    • Vérifier si l'administrateur a effectivement un contact avec la personne protégée au moins une fois par an.
    • S’assurer également que l'administrateur est attentif à la qualité et aux conditions de vie de la personne protégée. Ceci doit être fait non seulement de manière réactive, mais aussi de manière proactive.
    • Assurer des contacts réguliers avec la personne sous protection pour s’enquérir complètement de la qualité et des conditions de vie que doit lui conférer une administration sur mesure.

  • Il faut veiller à ce que les justices de paix disposent du temps, des ressources et de l'appui nécessaires pour réaliser un suivi de qualité des dossiers d’administration, avec tous les égards dus à la personne protégée.
    • S’assurer de disposer de chiffres fiables au sujet des administrations
    • Pour les chefs de corps: vérifier le nombre maximal de dossiers d’administrations sur lesquels un juge de paix assisté d’un collaborateur à temps plein peut assurer un contrôle de qualité. Vérifier également l'impact que peut avoir la présence d'un collaborateur supplémentaire sur la capacité de contrôle. Veiller à ce que ce seuil critique ne soit pas dépassé.
    • Pour le Collège des Cours et Tribunaux : lors de la détermination et de la mesure de la charge de travail, faire une estimation réaliste du temps et des moyens qui doivent être nécessairement consacrés à un contrôle de qualité des administrations par le juge de paix et le greffe. Revoir les mesures de la charge de travail déjà existantes à la lumière de l'importance croissante des administrations dans les tâches des justices de paix.
    • Pour les chefs de corps et le Collège des Cours et Tribunaux : Veiller à ce que le juge de paix et le greffe aient suffisamment de temps et de moyens pour accorder l’attention requise à la personne dans les méthodes de travail mises en oeuvre en
      • Prévoyant un nombre suffisant de greffiers et de collaborateurs de greffe par nombre de dossiers
      • Veillant à ce que le nombre de dossiers attribués par juge de paix soit réaliste

4. AVIS

Tous les points repris dans le présent avis sont importants. Le CSNPH souhaite cependant mettre l’accent sur les recommandations suivantes :

  • Le juge de paix doit veiller à ce qu’une personne de confiance soit désignée (sauf si la personne handicapée et son réseau n'en voient pas l'utilité).
  • Pour le recrutement des nouveaux juges de paix, des exigences de qualité devraient être prévues. On pourrait envisager par exemple, un arrêté royal qui prévoirait les compétences requises du juge de paix : empathie, capacité de communication, connaissances dans le domaine de la psychologie, compétences sociales, etc.
  • La procédure de recours devrait être revue et devrait être beaucoup plus accessible.
  • L’accès au Registre Central de la Protection des Personnes (RCPP) doit être grandement améliorée. Les administrateurs doivent pouvoir s’adresser à un helpdesk en cas de difficultés d’utilisation. La loi prévoit désormais la possibilité pour les parents administrateurs de leur enfant de déroger à l'obligation de rapport annuel. Cela devrait également être possible pour ceux qui travaillent avec le Registre central de protection des personnes. Les administrateurs familiaux ne devraient pas être obligés de passer par le RCPP. Les requêtes et les rapports doivent toujours pouvoir être présentés par écrit.
  • Les juges de paix doivent toujours garder à l’esprit que la capacité est la règle et l’incapacité l’exception. Il est important d’évaluer pour chaque acte si la personne est encore capable. S’il elle n’est plus capable, donner la priorité à l’assistance si c’est possible. Afin de pouvoir prendre une décision "sur mesure" pour chaque personne, les justices de paix doivent disposer de moyens suffisants.
  • La désignation de représentants familiaux est toujours préférable, du moins si la famille et la personne en situation de handicap sont demandeuses.
  • Les multiples divergences de pratiques entre justices de paix ont pour conséquence que les Belges ne sont pas égaux devant la loi.
  • Il est encore possible que les juges de paix empêchent les personnes protégées d’exercer leurs droits civiques, ce qui est notamment incompatible avec l’article 29 de la Convention des Nations Unies pour les droits des personnes handicapées, Convention ratifiée par la Belgique en 2009.

I. Procédure

A. Mentions obligatoires de la requête

L’article  1240 du Code judiciaire (CJ) prévoit quelles sont les mentions qui doivent figurer automatiquement sur la requête. Il est prévu que doit figurer notamment l'objet et l'indication sommaire des motifs de la demande. Il serait nécessaire que le requérant mentionne dans celle-ci, les problèmes rencontrés par la personne tant au niveau de la gestion de ses biens que de sa personne (comme c’est le cas lorsque l’on introduit une demande d’allocation pour personne handicapée : il est demandé à la personne de se prononcer sur ses difficultés). Il faut donner la possibilité d’indiquer les problèmes sur le plan de la gestion des biens et de la prise de décision. On pourrait partir de la liste des actes existante et obliger la personne à indiquer si oui ou non elle est capable. En cas de oui, indiquer si elle a besoin d’accompagnement ou d’assistance. Et commenter les différentes réponses. Cependant, la version digitale ne permet pas de le faire facilement.
Si une personne n'a besoin de demander une administration que pour un nombre limité d'actes, cela devrait également être possible. Actuellement, les juges de paix estiment qu'ils doivent prendre une décision pour tous les actes.

B. Certificat médical

L’article 1241 CJ mentionne qu’un certificat médical circonstancié dont le modèle est établi par le Roi, ne datant pas de plus de quinze jours, délivré par un médecin agréé ou un psychiatre, est joint à la requête à moins que la demande ne soit fondée sur l'article 488/2 du Code civil. D'un côté, c'est une bonne chose d’ avoir un certificat médical de bonne qualité (une procédure d'admission est si radicale pour la personne qu'il devrait être possible d'accorder une protection "sur mesure" sur la base d'un certificat médical). En revanche, le médecin de famille, par exemple, qui est proche de la personne et de sa famille, est parfois mieux placé pour évaluer la situation.

Le CSNPH demande également qu’il soit recommandé au besoin de recourir à la production d’une évaluation psychosociale en complément du certificat médical. Cette évaluation doit refléter la manière dont la personne vit et agit au quotidien ainsi que la façon dont fonctionne son réseau de soutien. Cela permet aussi justement de voir si elle a un réseau et qu’elle n'est pas isolée. Cette évaluation doit permettre au juge de paix de mieux cerner les capacités de la personne. Si la requête est bien rédigée, le rapport ne doit pas être contraignant.

La modification de la loi en 2019 stipulait qu'à l'avenir, seuls les rapports médicaux des médecins accrédités à cet effet seraient acceptés. Pour l'instant, l'arrêté royal n’a pas encore été adopté. Le CSNPH craint toutefois que ces mesures ne constituent une nouvelle barrière pour certaines personnes et que des listes d'attente ne soient créées en conséquence. Certains juges de paix exigent déjà un certificat médical d'un psychiatre : ce n'est pas adéquat. Certaines personnes en situation de handicap ne sont jamais allées voir un psychiatre parce qu'elles n'en ont pas besoin.

C. Convocation

L’article 1244 CJ prévoit que le juge de paix, après le dépôt de la requête de mise sous administration de biens et/ou de la personne, convoque toujours:

  • la personne à protéger ;
  • la personne qui a déposé la requête (le requérant).

Il convoque aussi - s’ils vivent avec la personne à protéger - :

  • le père et la mère de la personne à protéger ;
  • le conjoint/cohabitant légal/compagnon de la personne à protéger;
  • les enfants majeurs de la personne à protéger. 

Les autres membres de la famille peuvent demander à être entendus. Ils peuvent également écrire au juge de paix pour faire part de leurs observations. 

Dans la pratique, il s’avère que parfois, ces personnes ne sont pas convoquées. Et elles apprennent par la suite que le membre de leur famille concernée a été mis sous statut de protection judiciaire, suite, par exemple, à l’appel téléphonique d’un travailleur social. La convocation de ces personnes devrait être obligatoire. Le réseau direct, impliqué, doit certainement être informé et impliqué dans la procédure.

D. Déroulement de la procédure

L’article 1245 CJ prévoit que jusqu'au jour de l'audience, la personne protégée ou à protéger, accompagnée, si elle le souhaite, de la personne de confiance, peut demander à être entendue individuellement par le juge de paix en chambre du conseil avant les autres parties à la cause.

Dans de nombreux dossiers, en particulier quand un administrateur professionnel est désigné, il n’y a pas de personne de confiance désignée.
Certaines personnes ont peur de s’engager : les craintes se situent au niveau de la mission qui n’a pas un contour précis et qui est source d’insécurité.

Il est important que la personne de confiance soit désignée. Lorsque la procédure est lancée, il faut toujours penser à proposer une personne de confiance ; la tendance progresse en Flandre.

L’article 1246 mentionne que le juge de paix s'entoure de tous les renseignements utiles.

A cet égard, il existe des différences énormes dans les pratiques des juges de paix.

En Flandre, on constate une tendance croissante des juges de paix à établir de bons contacts avec les services sociaux et à leur demander conseil. Cela peut soutenir les membres de la famille. Mais lorsque les juges demandent des conseils à l'insu du réseau concerné, ce n'est pas acceptable.

L’article 1246 mentionne également que lorsqu'il y a lieu ou à la demande de la personne protégée ou à protéger, le juge de paix peut se rendre à l'endroit où la personne protégée ou à protéger réside ou se trouve, entouré le cas échéant des personnes que celui-ci ou la personne concernée désigne. Il le fait d'office lorsque la demande est susceptible d'affecter la capacité de la personne protégée ou à protéger et que celle-ci se trouve dans l'incapacité de se déplacer.

Les frais de déplacement sont à la charge de la personne à protéger ou protégée. Cependant, dans certains cas, :

  • le juge se déplace d’initiative dans les familles alors que les personnes sont tout à fait disposées à se rendre à la justice de paix. Il n’y a pas de raison que les personnes à protéger doivent prendre en charge les frais de déplacement du juge, alors qu’elles sont disposées à se déplacer pour l’audience ;
  • la justice de paix n’est pas accessible aux personnes à mobilité réduite (entrée inaccessible, par exemple) et le juge n’a donc pas d’autre choix que de se déplacer pour rencontrer la personne à protéger. Dans ce cas, il n’est absolument pas acceptable que les personnes en situation de handicap doivent payer les frais de l’inaccessibilité des bâtiments de Justice.
  • le juge et le greffier se déplacent et envoient des notes de frais séparées. On a aussi constaté que certains juges de paix se déplacent au même endroit pour plusieurs personnes (homes, institution, …) et rentrent des notes de frais pour chacune des personnes.

Le CSNPH demande qu’un audit sur l’accessibilité au sens large (accessibilité physique, communication, accompagnement, …) soit réalisé.

E. Possibilité de recours

Dans la pratique, il y a peu de recours car la procédure est trop complexe, méconnue et lourde. Elle nécessite l’accompagnement d’un avocat. De plus, les gens restent avec le même juge de paix, même après la fin de la procédure. Cela dissuade les personnes de faire appel d'une décision du juge de paix : elles craignent que ce dernier soit encore plus strict après une procédure d'appel. A titre d’exemple de bonne pratique, l'Allemagne a prévu des chambres de recours auprès du tribunal régional. Les personnes sous protection peuvent faire un recours immédiatement après le jugement du juge de paix devant la chambre de recours de leur région.

F. Registre Central de la Protection des Personnes (RCPP)

Depuis le 1er juin 2021, les Justices de Paix utilisent le Registre Central de Protection des Personnes pour la protection judiciaire. Un représentant du Cabinet du Ministre de la Justice a été entendu par le groupe de travail. Les membres du groupe de travail ont été invitées à interroger leurs réseaux pour qu’ils puissent faire part de leur expérience sur l’utilisation du Registre Central de la Protection des Personnes. Une note reprenant la synthèse de ces contributions a été réalisée en septembre 2021 : Utilisation du Registre Central de la Protection des Personnes : synthèse des témoignages.

Les lignes de force de cette note sont les suivantes :

  • Il existe de grandes divergences de pratiques d’une justice de paix à l’autre ;
  • La campagne de communication a été mal faite: le RCPP a été mis en place sans la participation des organisations de personnes en situation de handicap. Les organisations ont été à peine informées après l'introduction du RCPP. Elles ne bénéficient d'aucune coopération de la part du cabinet/de l'administration de la justice pour informer et aider leurs membres à utiliser le RCPP ;
  • Le RCPP est compliqué à utiliser : la fracture numérique se renforce. On a pu constater que certains administrateurs familiaux renoncent à leur mandat et demandent la désignation d’un juge professionnel. Plusieurs juges de paix recommandent que les administrateurs familiaux qui ne sont pas au fait des évolutions numériques soient remplacés par un administrateur professionnel ;
  • L’exigence faites aux administrateurs familiaux par certaines justices de paix de passer par la plateforme numérique n’est pas légale. Il s’agit, parmi d’autres, d’une illustration des divergences que le CSNPH constate entre justices de paix ;
  • Le CSNPH veut être assuré que la protection des données est garantie.

G. Publicité des mesures de protection

La communication vers les tiers n’est pas suffisante, mais en même temps la vie privée doit être respectée. C’est un équilibre à trouver.

Le Moniteur belge (MB) mentionne seulement qu'il y a une administration. Toutes sortes d'institutions agiront en conséquence immédiatement après la publication. Si le juge de paix se prononce en faveur d'un système "sur mesure" de tutelle limitée (par exemple, assistance ou représentation dans quelques actes seulement), il est souvent très difficile pour l'administrateur de convaincre les institutions (banques, mutualités, etc.) de s'adapter à la tutelle limitée. On pourrait envisager la possibilité que la personne puisse donner un extrait des actes qu’elle peut encore faire et des actes qu’elle ne peut plus faire dans un cadre précis (transactions à la banque, achats, …).

II. La protection

Dans l’ordonnance, :

  • le juge de paix indique quels sont les actes que la personne protégée est incapable d'accomplir et si une assistance ou une représentation est nécessaire. Pour tous les actes que le juge de paix ne mentionne pas, la personne reste compétente. Si le juge de paix ne mentionne rien dans la décision d'"incapacité", l'assistance est suffisante. Il s'agit toujours de la mesure la moins intrusive ;
  • le juge de paix nomme un administrateur des biens et un administrateur de la personne. L'administrateur est responsable de la gestion des actions relatives à la personne protégée et/ou à ses biens ;
  • le juge de paix désigne une personne de confiance, si la personne protégée ou quelqu’un d’autre l’a demandé. La personne de confiance joue un rôle d’intermédiaire entre l’administrateur et la personne protégée et s’assure que la mission de l’administrateur se déroule correctement.

A. Actes

Les juges de paix manquent de moyens. Ils n’ont dès lors pas la possibilité d’avoir une vue suffisamment complète de la situation de la personne. Les juges de paix sont amenés par sécurité à cocher tous les actes de la liste, ou cocher certains actes pour lesquels la personne n’a besoin ni d’assistance, ni de représentation.

Les juges de paix se sont vu confier cette tâche (un certain nombre de ses anciennes tâches ont été retirées de ses attributions et transférées aux tribunaux de la famille). On peut dès lors s'attendre à ce que les juges de paix exercent leurs fonctions de manière qualitative. Mais les juges de paix sont des juristes ; il serait très utile qu'ils soient assistés dans cette tâche par un service social. La communication avec les personnes sous administration et les administrateurs de leur famille pourrait alors également se dérouler de manière beaucoup plus fluide.

L'esprit de la législation sur l’administration, inspirée entre autres par la Convention des Nations unies sur l'égalité des droits des personnes handicapées, est clair : les personnes en situation de handicap sont également compétentes, sauf pour les actes pour lesquels le juge de paix décide que la personne n'est pas compétente. Nous attendons du juge de paix qu'il réfléchisse soigneusement à sa décision sur la base du certificat médical, des entretiens avec la personne pour laquelle l'administration est demandée et des entretiens avec les tiers importants. Le CSNPH reconnaît que les juges de paix ne sont pas toujours suffisamment équipés pour mener un examen social complet et demande que les juges de paix soient davantage soutenus.

Mise en pratique :

  • Il peut il y avoir des différences entre le libellé de l’ordonnance et la mise en œuvre pratique. Par exemple avec les banques : gérer une vie au quotidien et accéder au compte à vue est devenu impossible, alors que c’est possible pour les enfants âgés de 12 ans ou plus ! Dès que la décision est prise, les banques bloquent les comptes et les assistants doivent revenir à la banque pour rectifier : c'est long et douloureux pour les familles...
    Les pratiques sont cependant différentes d’une banque à l’autre.
  • Les personnes mises sous protection relèvent un manque d’accès à leurs comptes bancaires. Elles aimeraient pouvoir analyser ce qu’elles perçoivent, ce qu’elles dépensent, et disposer de leurs extraits de compte via une application bancaire.
  • En général, les administrateurs de biens ne sont pas d’accord avec l’idée d’une carte « prepaid ». Or, il ne s’agit pas d’une carte de débit qui peut aller dans le négatif. Ce type de carte pourrait aider les personnes protégées quand elles doivent effectuer des achats en ligne plus onéreux.
  • Il devrait également être mentionné la possibilité ou non pour la personne à protéger de pouvoir gérer une carte bancaire ou de l’argent en espèces. Certaines personnes se voient refuser l’octroi d’une carte bancaire car elles sont sous administration. Le problème de l’accessibilité bancaire est un problème général pour les personnes en situation de handicap, mais les mesures de protection en « rajoutent une couche ».
  • Sur le terrain, on constate que certains juges veulent à tout prix réaliser des économies. Quand une grande dépense doit être réalisée (par exemple, l’achat d’une voiture), beaucoup de juges ne sont pas d’accord.
  • En règle générale, la volonté de faire de la protection sur mesure est souvent mise à mal. Les juges de paix cochent toutes les cases. Pour certains, on n’a pas vu la différence avec le régime de la minorité prolongée. Parfois les juges de paix n’ont pas le temps d’évaluer la personne.

Une proposition de loi modifiant le Code civil en ce qui concerne la capacité de la personne protégée visant à ajouter la capacité d’exercer les droits politiques visés à l’article 8, alinéa 2, de la Constitution, à la liste, a été déposée. Or, le droit de vote est un droit citoyen. Au même titre que le droit à la liberté de circuler, à l’intégrité, etc. Les juges ne pourraient jamais interdire le droit de vote aux personnes en situation de handicap (sauf condamnation judiciaire comme tout autre citoyen). Les mesures de protection judiciaires sont prises d’abord pour protéger la personne handicapée. Certaines personnes ne sont peut-être pas capables de comprendre l’acte qu’elles posent. Peut-on dire pour autant que par leur vote, elles peuvent créer un danger pour elles-mêmes ? Par comparaison, voir, ci-dessous, les actes relatifs à la personne sur lesquels le juge doit se prononcer. La question n’est donc pas d’interdire le droit de vote des personnes, mais plutôt de faciliter l’exercice de celui-ci. Il est par exemple nécessaire que tout citoyen puisse obtenir les informations utiles pour exercer correctement son droit de vote, dans un langage qui lui est accessible (par exemple, programmes politiques en FALC, en langues des signes, en braille).

Par ailleurs, le CSNPH estime que le juge doit refuser une mise sous protection qu'il estime "abusive" ou " de confort", notamment pour les maisons de repos/institutions. Il y a parfois des solutions de soins et d’accompagnement graduels suffisantes sans passer par une mesure de protection.

B. Représentation ou assistance ?

Le juge de paix ne peut ordonner la représentation pour l'accomplissement d'un acte juridique ou d'un acte de procédure que si l'assistance dans l'accomplissement de cet acte ne suffit pas.

Dans la pratique, c’est presque toujours la représentation qui est choisie. L’assistance coûterait trop cher à la personne protégée avec un administrateur professionnel, car elle nécessite plus d’accompagnement. Avec un administrateur familial, l’assistance est un peu plus répandue mais reste difficile à mettre en place. Le dispositif se retourne contre la personne.

Le demandeur ou le réseau doivent souvent déployer beaucoup d'efforts et d'arguments pour que le juge de paix décide de l'"assistance" au lieu de la représentation. 

Selon l’esprit de la loi, et dans le respect des principes de la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, la priorité doit être donnée au régime d’assistance sur celui de la représentation. Ce n’est que par défaut que la personne protégée est placée sous régime de représentation. Dans les faits, c’est exactement le contraire qui se produit. La mise sous protection avec représentation reste la norme. Les mesures d’assistance sont rarement prononcées. Aucun moyen spécifique n’a été dégagé pour permettre de rendre effectives ces mesures d’assistance. 

L’approche actuelle des juges de paix est encore trop souvent éloignée des préceptes onusiens.

Comment respecter la UNCRPD, alors ?

La réforme de la capacité juridique belge ne respecte pas l’UNCRPD. Mais en même temps, l’UNCRPD reste vague : elle dit qu’il faut soutenir la personne en situation de handicap (PSH) pour accompagner ses choix et ses préférences. Il ne s’agit donc pas de la remplacer, ni même de l’accompagner dans une décision rationnelle du point de vue commun mais de mettre en œuvre les souhaits de la PSH, au quotidien et au plus près de sa vision de la vie. Pour ce faire, le CSNPH ne demande bien évidemment pas de laisser la PSH à son sort. Il ne s’agit plus d’examiner la situation au départ de la capacité de la personne mais au départ de ce qu’elle veut. Mais bien plutôt de concilier sa volonté durable et ses préférences au quotidien : toute préférence de la PSH est pertinente et il faut voir comment interpréter cette préférence dans son cadre de vie générale. Il ne s’agit plus d’adopter une appréciation « blanc/noir » de la capacité de la PSH mais d’entendre ses demandes de son point de vue et de ses attentes et non pas d’un référent extérieur à elle.

Le représentant n’est pas interdit mais ce qui l’est c’est de prendre la décision à la place de la PSH. Le « betrouwbare wil » (volonté crédible) devient la ligne de conduite, même si cela suppose des conséquences négatives pour la PSH. Le handicap ne permet pas d’avoir une approche paternaliste. Et même si une PSH n’a pas de « betrouwbare wil », il faut respecter ses choix : « rien sur nous sans nous » ET ne pas la protéger exagérément au motif du handicap. Il s’agit d’offrir à cette personne «  une protection appropriée », mais la protection ne peut être un motif pour réduire dans les faits ses choix de vie.

Il faut être attentif au fait que la relation entre personne protégée et administrateur est totalement asymétrique et la personne protégée est dans une relation de grande dépendance ; les parents et autres peuvent très vite verser dans l’abus de pouvoir : il faut reconnaitre cette dimension. Ce n’est qu’ainsi que la mesure de protection peut être « humainement » pensée et modulée et sortir d’une approche protectrice pour rentrer dans une approche « respect du choix de vie ».

Dans les autres tribunaux, par exemple les tribunaux du travail, les auditeurs viennent en appui du juge. Cela n’existe pas pour les juges de paix.

C. Fin de la mesure de protection judiciaire

Le juge de paix peut à tout moment, soit d'office, soit à la demande de la personne protégée ou de sa personne de confiance, de son administrateur ou de tout intéressé, ainsi que du procureur du Roi, mettre fin à la mesure de protection judiciaire ou en modifier le contenu par une ordonnance motivée. Le cas échéant, la mesure de protection judiciaire prend fin le jour de l'ordonnance.

Il faut encourager les personnes à le faire : les besoins des personnes en situation de handicap évoluent. La procédure pour mettre fin à une ordonnance administrative est souvent difficile pour les personnes concernées. Elles doivent pouvoir prouver, au moyen d'un certificat médical détaillé et argumenté, qu'elles sont aptes à effectuer tous les actes par eux-mêmes. Mais il est très difficile d'obtenir un tel certificat médical. Cependant, les membres du groupe de travail ont reçu les témoignages de plusieurs bénéficiaires qui ont pu faire lever des ordonnances, lorsque le juge de paix est à l’écoute.

On en revient à l’entourage de la personne en situation de handicap : beaucoup de services sociaux connaissent trop peu la réglementation, et donc ne peuvent pas conseiller adéquatement la personne.

Même si la personne vient avec un certificat médical à l’appui, le juge de paix a souvent tendance à garder la personne sous protection… La législation permet que durant une période transitoire, la personne peut reprendre sa gestion en main tout en étant suivie par l’administrateur, pendant un temps défini par le juge. Ceci permet de voir comment la personne s’en sort et si l’essai est concluant, il peut être mis fin de la mesure de protection. Cette sorte de mise à l’essai devrait être appliquée plus souvent, à condition que le réseau de la personne soit « réactivé ».

D. Désignation de l’administrateur

Extrait du Soir (https://plus.lesoir.be/371669/article/2021-05-11/justices-de-paix-ladministration-de-biens-sous-la-loupe-du-conseil-superieur-de)

Face à l'excès de travail, les juges de paix ont tendance à désigner des administrateurs professionnels (ce qui, relève le CSJ, est contraire à l'esprit de la loi qui préconise de favoriser les administrations familiales). Sur 13 cantons ayant effectué le relevé de la proportion entre administrateurs professionnels et familiaux, seuls deux affichaient du 50-50, les autres étant largement (jusqu'à 98 %) plus enclins à désigner des avocats administrateurs de biens. 

Alors que la législation privilégie la désignation d’administrateurs familiaux, la situation est plutôt la suivante :

  • pour les administrateurs familiaux, il y a souvent de la méfiance jusqu'à ce que le contraire soit prouvé,
  • pour les administrateurs professionnels, la confiance règne jusqu'à ce que le contraire soit prouvé.

L'esprit de la législation sur l'administration est clair : la personne protégée doit être impliquée dans l'administration autant que possible, être bien informée. Un seul contact par an est insuffisant. Les juges devraient vérifier cela de manière beaucoup plus stricte.

En 2019, le Ministre de la Justice de l’époque, Monsieur Koen Geens, avait soumis au CSNPH un avant-projet de loi modifiant le Code civil et le Code judiciaire relative à l’instauration d’une commission fédérale de l’administration et de définir les conditions à remplir pour exercer à titre professionnel les fonctions d’administrateur d’une personne protégée. L’objet de cet avant-projet de loi était de favoriser une représentation ou une assistance de la personne à protéger ou protégée conforme à ses intérêts. 

L’avis 2019/08 reprenait un ensemble de considérations. Ces considérations sont toujours, pour la plupart, d’actualité, et le CSNPH souhaite insister sur ce qui suit :

  • Il faut sensibiliser les juges de paix à privilégier la désignation d’un membre de la famille.
  • Si le juge opte pour un administrateur professionnel, il devra motiver son choix et expliquer en quoi ce choix sert l’intérêt de la personne.
  • Un nombre maximal de dossiers par administrateur doit être fixé. Néanmoins, le CSNPH ne souhaite pas lui-même fixer un nombre. Cependant, certains avocats qui traitent plusieurs dossiers d’administration sont mieux en mesure d'acquérir de l'expérience. Si c’est leur activité principale, ils sont capables de traiter un plus grand nombre de dossiers. De même, si l’administrateur fait son travail avec beaucoup d'engagement, et non pour gagner de l'argent rapidement, il est possible pour lui de traiter plusieurs dossiers correctement. Mais il doit y avoir une limite.
  • Le juge de paix doit suivre un cadre éthique très strict en ce qui concerne les compétences des administrateurs professionnels et le cadre d’encadrement de la personne sous administration.
  • Un code de déontologie pour les administrateurs professionnels devrait être mis en place ; celui-ci doit prévoir des critères de qualité clairs et précis relatifs à la gestion des dossiers. Le groupe de travail « Capacité juridique » se réunira dans les prochains moins afin de proposer des critères en vue de l’élaboration d’un code de déontologie.
  • Il faut déterminer le contenu des formations à destination des administrateurs professionnels ainsi que la reconnaissance des opérateurs de formation.
  • Il faut assurer une évaluation de la garantie d’indépendance et d’impartialité de l’administrateur.
  • Il faut mettre plus encore l'accent sur l'information et le soutien aux administrateurs familiaux. Il faut notamment adapter la brochure actuelle destinée aux administrateurs familiaux réalisée par la Fondation Roi Baudouin et la rendre plus concrète encore et plus pratique à utiliser. Il faut également sensibiliser les juges de paix à donner cette brochure.
  • Il faudrait que les juges de paix puissent s’entourer d’assistants sociaux, d’experts-comptables,… Par exemple, au Canada, le « Curateur public » du Québec veille à la protection des personnes inaptes, à la sauvegarde de leur autonomie et au respect de leurs droits, tout en soutenant leurs familles et leurs proches dans leurs fonctions. Pour exercer ses fonctions il est entouré d’avocats, d’assistants sociaux, …
    https://www.quebec.ca/gouvernement/ministeres-et-organismes/curateur-public

E. Rémunération de l’administrateur

En décembre 2018, un avant-projet d’arrêté royal déterminant les règles de rémunération, les coûts et les devoirs exceptionnels des administrateurs a été soumis au CSNPH. Cet avant-projet a fait l’objet de l'avis 2018/35. Il n’a pas été adopté lors de la législature précédente.

Le 6 janvier 2022, Monsieur Vincent van Quickenborne, Ministre de la Justice, a sollicité l’avis du CSNPH au sujet de l’avant-projet d’arrêté royal déterminant les règles concernant la rémunération, les coûts et les devoirs exceptionnels des administrateurs (avis 2022/08). Dans son avis, le CSNPH dénonce encore une fois le manque de prévisibilité et de clarté du texte, compte tenu de la marge d’interprétation importante des termes et des approches du texte.

Le CSNPH réinsiste très lourdement sur :

  • La définition des prestations minimales couvertes par la rémunération forfaitaire de 3 % des revenus, notamment :
    • la déclaration à l'impôt des personnes physiques ;
    • les deux visites par an à la personne protégée ;
    • les requêtes en vue de pouvoir prélever des sommes du compte d'épargne ou d'autres comptes bloqués ;
    • les virements ;
    • la rédaction des rapports (l’état des lieux à remettre au greffe dans les 6 semaines de la notification de la décision du juge et les rapports annuels).

  • Une définition correcte de l’assiette des revenus avec un double curseur respectant tant le caractère modeste des ressources que la philosophie des ressources, avec une barrière très claire : les revenus visant à compenser la perte d’autonomie, pas seulement l’allocation d’intégration (AI) et l’aide aux personnes âgées (APA), mais aussi, par exemple, l’indemnité pour tierce personne de l’INAMI, le « persoonsvolgende financiering » (PVF) ou le Budget d’assistance personnelle (BAP) ne peuvent à aucun moment être pris en considération.
  • Une articulation réfléchie entre les articles disposant des axes de rémunération de l’administrateur : en cumulant les articles 1 et 2, la rémunération s’élèvera, pour n’importe quelle personne protégée à un forfait de 4 %. De même, une indemnité de 75 à 125 €/h pour les « missions spéciales » ouvre la porte à l’arbitraire. Certains administrateurs non professionnels font parfois appel à un réviseur: cela représente également un coût.

Le CSNPH demande donc qu’un texte très détaillé soit discuté par l’ensemble des juges de paix. Ce document pourrait prévoir par exemple des montants différents pour des prestations logistiques et des prestations intellectuelles mais aussi des adaptations selon la hauteur des revenus de la personne.

Finalement, le CSNPH se demande si ces frais ne devraient pas être à charge de la collectivité. Si ce n’est pas possible, l’assiette des revenus pris en compte doit être revue.

F. Contacts

Le CSJ demande que le juge de paix s’assure que l'administrateur ait effectivement un contact avec la personne protégée au moins une fois par an. Le CSNPH estime cependant qu’un contact par an n’est pas suffisant.

Le juge de paix doit également s’assurer que l'administrateur est attentif à la qualité et aux conditions de vie de la personne protégée. Ceci doit être fait non seulement de manière réactive, mais aussi de manière proactive.

G. Rapport

L'administrateur doit faire rapport :

  • au juge de paix 
  • à la personne protégée si son état le permet 
  • le cas échéant, à l'autre administrateur ou au nouvel administrateur 
  • à la personne de confiance

Le juge de paix peut demander d'informer d'autres personnes concernées, comme les membres de la famille ou l'assistant social.

L'obligation de rapport de l'administrateur diffère en fonction du type de mission.

  • Administrateur avec mission de représentation
  • Administrateur avec mission d'assistance
  • Parents-administrateurs

Le CSNPH estime que dans certains cas, un rapport écrit communiqué à la personne protégée n’est pas suffisant. Certaines personnes, à même de prendre connaissance de ce rapport, souhaiteraient obtenir des rapports plus souvent.

La personne protégée doit, en fonction de ses possibilités, être informée de manière aussi complète que possible.

La législation prévoit que les juges de paix pour les parents qui sont administrateurs peuvent renoncer à l'obligation de rapport annuel. Le CSNPH regrette que tous les juges de paix ne profitent pas de cette option. La grande majorité des parents veulent le meilleur pour leur enfant. En raison des longues listes d'attente pour accéder à certains soins, les parents doivent continuer à prodiguer eux-mêmes ces soins. Mais pour les décisions concernant leur fils/fille, ils doivent s’adresser au juge de paix. Ils doivent par exemple demander la permission de retirer de l'argent du compte d'épargne. Alors que l'argent sur le compte épargne provient généralement des parents. Cette question est très sensible pour de nombreux parents, qui y voient un signe de méfiance.

Lorsque les juges de paix ont contrôlé un rapport (tant celui du patrimoine que celui de la personne), les administrateurs reçoivent rarement un feedback. Ils le reçoivent uniquement si le juge de paix n’approuve pas le rapport. Pour les administrateurs familiaux, c'est une source d'anxiété et d'incertitude. Envoyer une note ou un e-mail aux gens après la vérification du rapport ne devrait pas représenter un grand effort.

Par ailleurs, il faudrait envisager de pouvoir affecter un budget pour faire appel à des experts extérieurs, afin de les aider dans le contrôle des comptes.

III. En guise de conclusion

Il est particulièrement interpellant de constater que les pratiques diffèrent d’une juridiction à l’autre, ce qui met en péril le principe d’égalité des Belges devant la loi. L’audit du CSJ l’a suffisamment montré et il est à présent urgent de remédier le plus vite possible à cet état de fait.

Le CSNPH insiste aussi lourdement sur la portée de la Convention internationale sur les droits des personnes handicapées. Au-delà du régime de protection, l’objectif doit toujours être de capter et de respecter la volonté, globale et au quotidien, de la PSH.

Le CSNPH souhaite relever un certain nombre de considérations reprise dans l’étude « Handicap et capacité juridique : pour une mise en œuvre de la loi du 17 mars 2013 respectant au mieux l’esprit de la Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées - Pistes de propositions issues d’une analyse comparative des systèmes (para)juridiques québécois et anglais » par Céline Vandermeulen, Année académique 2020-2021, parmi lesquelles :

  1. La nécessité de mettre en place des modes de communications adaptés entre la PSH et son administrateur ;

  2. Une forte collaboration entre le monde juridique, médical et psychosocial – à l’image de ce qui est proposé au sein du Curateur public au Quebec ;

  3. La déjudiciarisation de l’assistance telle qu’opérée par le Québec. « Puisqu’il est indéniable que, malgré le principe de l’assistance, celle-ci n’est quasiment jamais prononcée en Belgique par principe de précaution et parce qu’elle semble plus difficile à exercer en pratique, prévoir une étape préalable au passage devant le tribunal pourrait s’avérer être un incitant à son recours. Cela permettra de donner un statut officiel aux proches assistant la personne de manière informelle et qui ne souhaitent pas se rendre devant le tribunal pour demander une mise sous protection judiciaire afin non seulement d’éviter les lourdes formalités de l’exercice de l’administration, mais aussi de peur qu’un régime de représentation ne soit prononcé. » 

Enfin, le CSNPH insiste que pour les PSH dont les ressources sont faibles, le régime de protection soit pris en charge par la collectivité.


Annexe : Utilisation du Registre Central de la Protection des Personnes : synthèse des témoignages

1. Constatations transversales

Depuis le 1er juin 2021, les juges de paix utilisent le Registre Central de Protection des Personnes. À cet égard, les membres du groupe de travail ont été invités à interroger leurs réseaux afin qu'ils puissent partager leurs expériences. Un représentant du Cabinet du Ministre de la Justice a été entendu par le groupe de travail.

Il existe de sérieuses divergences de pratique d’un juge de paix à l’autre :

  • Entrée en vigueur de la nouvelle procédure : certains ont prévenu les administrateurs familiaux par courrier, d’autres pas. Exemples : Fléron et Huy oui ; Verviers et Waremme non.
  • Certains ont accepté le dépôt de documents sur papier après le 01/06/2021, d’autres pas. Lors de l’introduction de cette plate-forme, il avait été communiqué que seuls les administrateurs professionnels seraient obligés de passer par là dans un premier temps. Or, dans la pratique, certaines Justices de Paix refusent les requêtes papiers/rapports/demandes de prélèvement sur compte épargne et les familles se retrouvent obligées d’introduire la demande en version électronique.

Le registre central a été mis en place, sans vraiment d’explications. Beaucoup de familles avaient reçu la lettre mais n’y avaient rien compris. C’est un autre point négatif, aucun explicatif clair n’a été fait. La campagne de communication est catastrophique.

2. Utilisation par les familles

Il est à craindre que de nombreuses familles ne soient plus autonomes.

Lorsque les formulaires pouvaient être rendus en version papier, les familles pouvaient le faire seules. Les associations avaient donc la possibilité de compléter avec elles le premier rapport. Elles faisaient annuellement des copies des documents vierges et se basaient sur le document rempli pour rendre des rapports mis à jour.

Avec la version électronique, ces familles vont perdre cette autonomie acquise. Tout administrateur dont la requête a été introduite en version électronique devra rendre les rapports / demandes en version électronique.
Que faisons-nous des familles qui n’ont pas accès à un ordinateur ou à une connexion internet ?

Des ordinateurs sont disponibles dans les greffes des Justices de Paix, mais il n’est pas possible d’envoyer les familles remplir leurs rapports là-bas et - contrairement à ce que peut dire le Ministre dans son communiqué - les Greffiers n’ont pas le temps de les aider. Cela signifie que les associations devront annuellement aider les familles, alors que les familles le faisaient très bien toutes seules.

Il est important de demander aux Justices de Paix de continuer à fonctionner avec les deux systèmes (papier – électronique), comme cela existe au SPF, à l’AViQ, au PHARE,…

Autre élément, lors de l’introduction d’une requête, il faut fournir un certificat médical circonstancié. Or, si la famille commence à compléter la requête en ligne, qu’elle oublie (ou qu’elle ne sait pas) qu’elle doit remplir un certificat médical circonstancié, et qu’elle met en attente la rédaction de la requête pour aller chez son médecin, elle devra tout compléter à nouveau. Il n’y a aucun enregistrement qui est réalisé.

Conclusion : la fracture numérique se renforce encore une fois ! Il est indispensable de prévoir une aide aux familles, et qui ne passe pas par les greffes, pour remplir les exigences de suivi administratif. Des assistantes sociales attachées au SPF Justice pourraient assurer cette aide plus ou moins importante selon les situations. Actuellement, ce sont les associations de personnes en situation de handicap qui assurent le soutien : elles ne sont pas dédommagées alors qu’il s’agit de répondre à des prescrits légaux. Un financement des associations pourrait aussi être une solution.

Le recours à la plateforme Internet « registre central » pour tous les contacts administratifs avec les justices de paix s’inscrit dans un mouvement général de digitalisation des rapports entre les individus et les organisations, qu’il s’agisse de services publics, de commerçants ou d’opérateurs de loisir. La « révolution » est en marche, une marche inéluctable, une marche encore accentuée par le covid. Le problème, c’est que ceux qui ne s’adaptent pas à l’évolution digitale, c’est-à-dire les personnes déjà démunies culturellement, seront encore plus mises en marge de la société.

De nombreux administrateurs et personnes de confiance feront les frais de cette fracture numérique. Et que dire des personnes protégées ?

Deuxième conclusion : le risque de dépossession

Une sérieuse crainte est à envisager : déposséder les familles et les personnes protégées de la gestion de leur vie. Nombre de familles risquent de se tourner vers les administrateurs professionnels, ce qui implique des frais, et des frais difficiles à estimer vu les divergences de pratiques d’un administrateur à l’autre… On revient sur la nécessité de disposer de balises financières précises.

Mais il y a pire : la perte de maîtrise financière, administrative et sociale, cela pour ce qui touche à la vie quotidienne, voire à l’intimité. Bref, le hiatus entre la philosophie de la Convention des Nations Unies sur les droits des Personnes handicapées - philosophie à laquelle voulait correspondre la loi de 2013 - et la pratique du service public s’agrandit. La plateforme compromet l’autonomie des familles.

3. Accessibilité

La question de l’accessibilité pour les adultes en situation de handicap intellectuel pose également question : « Ce n’est pas parce que je suis en situation de handicap que je ne vais pas sur Internet ! ».

Par exemple, aucune consigne ou autre n’apparaît en FALC (texte écrit en « facile à lire et à comprendre »).

4. Témoignages de particuliers

a. Témoignage d’une maman administratrice des biens de sa fille :

    1. Conformément à l’ordonnance, jusqu’en avril 2021, au bout du mois, ce qui dépasse 5000 € a été versé sur un compte dépôt jusqu’à totaliser une épargne d’environ 12.000 €.
    2. 13 avril - requête au juge de paix (document papier) : demander que, dorénavant, l’épargne soit versée dans un fonds nominatif au sein de la fondation Portray.
    3. 6 mai : proposition du juge : verser ce qui dépasse 5000 € du compte courant sur le fonds nominatif de la fondation. Conservation de l’épargne déjà constituée sur le compte épargne.
    4. 10 juin : concrétisation d’une convention avec la fondation Portray. Création du fonds nominatif.
    5. 30 juin : dépôt de la convention à la justice de paix via le registre central.

Constats et problèmes : l’administratrice a rencontré des difficultés pour enregistrer et envoyer la convention scannée sur la plateforme. Le système électronique refusait la référence, qui indiquait le numéro de l’ordonnance. Il a fallu trouver une solution par nous-mêmes, par essais et erreurs. Il fallait indiquer la référence de la requête déposée en avril. Aucune explication n’apparaissait sur la plateforme elle-même ni dans un courrier.

b. Un papa administrateur de ses 2 fils (une avocate assure la fonction de personne de confiance)

Lorsque je me suis connecté sur la plateforme, j’ai été surpris de ne rien trouver de mon dossier, ni les ordonnances, ni les rapports antérieurs. Je ne sais pas ce que je dois faire – aucun didacticiel !

Toutefois, quelques semaines après la mise en place du registre central, un calendrier des actes passés depuis 2019 était disponible.

c. Une personne de confiance

L'accès me semble facile. Je l'ai visité sans grande difficulté. Je n'ai pas cherché à bien comprendre car, comme personne de confiance, je suis dans une démarche de consultation et non d'utilisation. Mais une petite mise au courant serait nécessaire. Je trouve qu'il faut déjà avoir des notions pour oser s'en servir. Il faut penser aller chercher les pages d'aide dans le bandeau en bas de page. Ces pages, textes ou vidéo, me semblent déjà fastidieuses à découvrir et à assimiler. Il me semble qu'il faut déjà préalablement connaître certains termes ou notions juridiques ou administratives ; cela demande une aide…

Au final, j'ai abandonné. Comme personne de confiance,e ne vois pas encore si j'en ai beaucoup l'usage.

J'ai néanmoins remarqué que la présence de nouveaux documents à consulter n'est pas signalée, par exemple par mail. Il faut penser aller consulter le site régulièrement.

J'ai une déception : si j'ai bien compris, une fois inscrit, toute communication ne peut plus se faire que par ce canal. Or il faut s'inscrire pour découvrir de quoi il s'agit ! Attention : on n’est pas prévenu qu’on « traverse le Rubicon ».

d. Une autre maman administratrice

J’ai pris contact avec la justice de paix de Liège (1er canton), le juge a mis 4 mois à lire le rapport que j’avais envoyé, il demande une correction dans le rapport (l’oubli d’un total). La greffière refuse toute correction papier à ce jour car le registre central est mis en place depuis 1 mois. Je dois donc refaire tout le rapport via la plateforme parce que le juge a mis 4 mois à le lire.

e. Un papa de 2 personnes mises sous protection judiciaire

La greffière de la Justice de paix de Waremme écrit le 3 septembre 2021 : « Jusqu’à présent vous ne pouviez nous communiquer vos requêtes, rapports, lettres que par courrier. Il est désormais possible, si vous le désirez, de le faire par voie électronique via ce site et vous recevrez également les courriers et ordonnances de la même manière. Ceci n’est pas une obligation, vous pouvez continuer à le faire comme avant par courrier et pour les personnes ne possédant pas d’ordinateur, il y en a un à disposition dans toutes les justices de paix à cet effet. »

Les mises à jour de tous les documents depuis novembre 2017 se retrouvent sur le site web. Le seul bémol c’est que je ne peux les ouvrir, mais cela n’est qu’un simple paramétrage informatique pour les rendre visible à la lecture.

Pour information, la capacité de chargement est limitée à 6 MB, ce qui est totalement insuffisant, vu que je remets physiquement en papier à Waremme les dossiers imprimés en couleur A4 et A3 qui en format PDF font plus de 50 MB représentant plus de 50 pages recto/verso pour chaque enfant !

5. Témoignages des associations

Les assistants sociaux des associations aident des familles dans leurs contacts avec la justice de paix.

  1. La fracture numérique : une assistante sociale témoigne sur le refus catégorique du papier : il faut internet, un ordinateur, un lecteur de carte ID ou un compte Itsme… C’est une énorme fracture numérique qui se développe ici. Une autre assistante sociale témoigne dans l’autre sens : notre association a aidé 20 familles à remettre des documents depuis le 1er juin : pas d’information aux familles, remise des documents en version papier. Documents acceptés.

    Une réponse à la fracture numérique a été la mise à disposition d’ordinateurs dans les Justices de paix. Il n’y a plus autant de justices de paix, il faut parfois se déplacer « loin ». Suite à la fermeture de la justice de paix de Hannut, obligation d’aller à Waremme, c’est-à-dire à 18 km du centre de Lincent. Il faut savoir utiliser un ordinateur. Y a-t-il des scanners pour scanner les documents ? Il faut prendre tous ses documents, sans rien oublier. Ce n’est clairement pas pratique.

    À présent, toutes les demandes doivent passer par ce portail. Aucune exception faite.

  2. Connexion avec la carte d’identité. Il faut déjà que la carte d’identité soit lisible. Un assistant social a eu plusieurs fois des codes erreurs parce que la puce n’était soi-disant pas utilisable. Seules les personnes liées au dossier y ont accès (aucun travailleur social ne peut s’y connecter sans disposer de la carte de la personne concernée).

  3. Le code PIN. Qui a déjà vraiment utilisé le code pin de sa carte d’identité ? Beaucoup de personnes rencontrées par les assistants sociaux ne connaissaient pas leur code PIN, certains ont retrouvé leur papier, d’autres ont dû faire la demande d’un nouveau code PIN à la commune (minimum 2 semaines d’attente).

  4. Arriver sur le dossier de la personne. Il faut déjà quelques bonnes notions administratives et juridiques pour arriver à trouver le bon document : choisir entre administration représentative ou d’assistance, rapport périodique ou initial… À la première utilisation, ce n’est pas intuitif.

  5. Des greffes pas très informés. Un travailleur social de Liège a dû téléphoner à la justice de paix de Wavre pour avoir des informations sur comment utiliser le registre, la greffière n’a pas su lui donner beaucoup d’informations. Ils ne l’utilisent pas, donc ne savent pas l’expliquer. Encore heureux, il y a un numéro d’aide dans les contacts de la plateforme.

  6. Un point positif, une fois sur le bon formulaire (requêtes et rapports), l’interface est assez accessible et bien faite.

6. Témoignage d’une association flamande (mail adressé à contact@teamjustitie.be)

Nous venons d'essayer, pour la énième fois, d'obtenir une réponse à une question sur un dossier numérique en appelant le Cabinet Justice. La réceptionniste ne savait pas de quoi il s'agissait et a jugé nécessaire de mettre fin à la conversation de manière abrupte.

En tant qu'organisation de la société civile, « Gezin en Handicap », une organisation socioculturelle, tente d'informer et de soutenir au mieux les parents (en l'occurrence les administrateurs familiaux). Depuis le moment où le dossier numérique a été annoncé, il n'y a eu aucune réponse de votre Cabinet ou de votre administration pour nous informer correctement et en temps voulu. Nous sommes constamment renvoyés vers les canaux d'information généraux. Les questions spécifiques ne reçoivent pas de réponse. 

Ce jeudi, nous organisons, en collaboration avec « Similes » (Stan et FOVIG vzw), un webinaire pour guider pas à pas les administrateurs familiaux dans le dossier numérique. A plusieurs reprises, l'une de nos organisations a contacté votre Cabinet ou l'administration de la Justice pour demander à recevoir une démonstration du RCPP. La seule réponse est une référence aux films et aux FAQ.

Avec quelques difficultés, une présentation a été préparée pour notre webinaire de jeudi, sur la base d'un dossier existant où nous avons effacé les données privées. Nous regrettons profondément cette façon de travailler. Il est clair qu'il existe un besoin d'information pour les administrateurs familiaux. Aucune publicité n'a été nécessaire pour ce webinaire, les inscriptions ont afflué. Nous avons fini par avoir 250 participants et avons dû décevoir beaucoup de personnes intéressées. Nous voulons donc planifier un prochain webinaire. Mais devons-nous recommencer sur la base de « print screen » amateurs ? Serait-il possible de nous fournir une démonstration de ce fichier ?

Selon les FAQ, il existe une période de transition pour les administrateurs familiaux. Ils NE DOIVENT pas encore travailler avec le RCPP. Néanmoins, de plus en plus de justices de paix ne laissent d'autre choix aux administrateurs familiaux que de travailler de manière numérique. La situation est la suivante : les administrateurs familiaux ont besoin d'un soutien pour travailler avec le RCPP, mais les organisations qui veulent offrir ce soutien ne reçoivent aucune coopération de vos services.

Les contacts avec les justices de paix, qui obligent déjà les administrateurs familiaux à travailler numériquement, se soldent par la réponse suivante : "c'est notre décision, nous n'avons pas à la motiver". Il existe également plusieurs signaux indiquant que les juges de paix remplacent les administrateurs familiaux qui ne sont pas (encore) en mesure de travailler numériquement par un administrateur professionnel. Vous comprendrez que nous considérons cela comme un pont trop loin.

7. Témoignage d’un administrateur professionnel

Je pense qu'en toute hypothèse, les Cabinets successifs des ministres de la Justice n'ont jamais pris la peine de consulter le terrain, c'est-à-dire en premier lieu les Juges de Paix et les administrateurs professionnels de manière collective AVANT la conception du programme et PENDANT le cours de cette conception. Il aura fallu que les Juges de Paix via les chefs de corps et les administrateurs avocats via Avocat.be et l’  « Orde van Vlaamse Balies » se lèvent ensemble pour que finalement une task force soit mise en place ... APRES... le lancement du programme rendu d'utilisation obligatoire par les administrateurs professionnels en tous cas dès le 1er juin 2021.

Le Cabinet a ignoré que le Code judiciaire fixe les dates de vacances judiciaires du 1er juillet au 31 août... Le Cabinet pouvait-il choisir meilleure période ? Cela évite évidemment une avalanche de critiques justifiées puisque les acteurs sont en vacances ? Mais cela ne permet pas d’apprécier avec efficacité l'opérationnalité du programme.

Il faut savoir qu'aucune formation STRUCTUREE n'a été organisée pour les greffiers d'abord, pour les Juges de Paix ensuite et a fortiori pour les avocats administrateurs. Une vague formation en ligne a été proposée aux Juges de Paix dont la qualité (très médiocre) ne pouvait permettre de répondre à l’attente légitime d’une formation digne de ce nom.
Tout le monde veut interpeller le help desk, mais il est très difficile à joindre, car il est débordé. Sinon, on se débrouille en se concertant et en comptant sur la bonne volonté réciproque du personnel des greffes, des juges de paix et des consœurs et confrères.

Ceci étant dit, pratiquant l'administration à grande échelle, je me suis investi à maîtriser le programme, non seulement parce que contraint mais parce qu’également impliqué avec l’association belge des syndics et administrateurs de biens à répondre aux interrogations des uns et des autres dans le prolongement des formations spécifiques que j’ai organisées.
A ce point précis, le syndic actuel des administrateurs de l’arrondissement a voulu mettre sur pied une formation RCPP : absence totale de réponse de toutes parts et en premier lieu de la société conceptrice du programme !!! Sans doute par crainte de se voir critiquer un programme qui à aucun endroit n’est satisfaisant et procède d’une conception totalement dépassée digne du dernier quart du XXème siècle…

En se débrouillant et parce que nous n’avons pas le choix de ne pas l’utiliser…

Si l'on considère l'aspect strictement matériel, il y a de l'espoir, mais la vérification du bon fonctionnement de l'engin ne pourra commencer à être réalisée qu’à partir du 1er juin 2022 puisque les données intégrées dans le programme (première erreur fondamentale des concepteurs du programme) partent de 0 au 1er juin 2020 pour tous les dossiers. Comment s'articuleront les soldes de fin d'exercice budgétaire à ceux du nouvel exercice budgétaire: actuellement ‘mystère’. Certes les pièces anciennes sont versées (ou signalées) au dossier informatique, mais non exploitables par l'administrateur sinon qu'il peut seulement voir qu'elles y ont été versées... sans pouvoir les consulter !!! Le renvoyant au dossier papier du greffe …

L'efficacité que le RCPP prétend promouvoir ne sera atteinte qu’au prix d’une totale repensée (refonte) de celui-ci.

A l’heure actuelle il s’agit d’une boîte aux lettres, rien de plus : pas d’organisation ergonomique du programme qui permette de retrouver facilement un document relatif à un dossier (par exemple une ordonnance, une requête, une lettre d’un juge à l’administrateur ou inversement …). Tout est déposé au jour le jour sans possibilité de tris. Pire, les pièces jointes à un document pour justification sont autant de pavés qui se succèdent les uns aux autres. A l’administrateur de se débrouiller pour retrouver un document. Le professionnel s’organisera forcément en tenant compte des déficiences du programme. Ce sera plus compliqué pour le l’administrateur familial.

Le particulier aura-t-il l’aide des greffes ? Ce sera très difficile, non pas que le personnel des greffes soit de mauvaise volonté, au contraire, mais parce que tout simplement le greffe n’a pas accès à la plate-forme côté administrateur. Invraisemblable mais vrai. La seule possibilité est qu’un greffier se déplace à la machine mise en place dans les greffes pour accéder au dossier avec l’administrateur particulier qui doit s’identifier avec sa carte d’identité et apprendre en même temps que le particulier.

Voilà pour les aspects techniques : nullité absolue du programme.

Mais plus grave : ce programme pèche par des aspects plus fondamentaux.
La manière dont le programme est conçu conduit à l'émission de documents qui violent l'arrêté royal du 31 août 2014 qui avait prévu une forme bien précise pour les rapports. Il paraît essentiel que l’exécutif soit plus à l’écoute des besoins de la Justice et au final des citoyens.
L'un des points essentiels en matière de non-respect : les rapports à encoder dans le RCPP ne se réfèrent pas du tout aux soldes des comptes de l'exercice précédent, point de départ élémentaire pour un contrôle efficace. Ils n'ont pas de place dans la version actuelle du programme. Peut-être que pour l'exercice qui prendra cours au 1er juin 2022, cela évoluera. On n'en sait rien.

L'arrêté royal du 31 août 2014 avait conçu et imposé des modèles type déjà illisibles pour le commun. Le modèle du RCPP est encore plus inabordable pour le commun, à savoir la personne protégée (lorsque ses facultés le lui permettent, si limitées soient-elles, mais également la personne de confiance qui en est légalement destinataire ou les proches susceptibles d'être intéressés à la personne protégée). Il est certain que les informaticiens devraient pouvoir concevoir une version ergonomiquement abordable, mais ce n'est assurément pas le cas actuellement. Si seulement on le leur avait demandé : je rappelle que le terrain n'a pas été consulté ou si peu.

Des questions plus fondamentales se posent qui, à ce jour, n'ont pas reçu le moindre commencement de réponse satisfaisante : quid de la protection des données - pas seulement sur les chiffres, mais également les données personnelles - communiquées par l'administrateur au Juge ? Tant que les dossiers étaient gérés par les greffes sur support papier, il y avait un contrôle permanent de la responsabilité des greffiers pour protéger les dossiers et ne communiquer leur contenu qu'à ceux qui pouvait y avoir accès. Quelle structure de protection désormais ? On n'en sait rien. Des Juges ont posé la question, mais n’ont reçu aucune réponse satisfaisante à ce stade.

Si l'avènement du RCPP vise l'efficacité, sans que ce soit exprimé et quoique le Cabinet s'en défende, il s'agit de reporter la charge de travail sur les administrateurs pour décharger les greffes avec pour perspective redoutée mais prévisible d'une réorganisation du cadre de personnel. Cette évolution pressentie ne serait-elle pas de nature à encourager la professionnalisation du métier d'administrateur ?

L'informatisation nourrit des craintes chez les administrateurs particuliers (qui pour l'instant ne sont pas encore obligés comme les administrateurs professionnels à utiliser le RCPP). L'augmentation de la charge de travail qui se déplace, est également de nature à effrayer et risque notamment de conduire à l'encouragement de la protection extrajudiciaire (mandat) dont le premier et grave défaut est l'absence totale de contrôle.

Je ne parle même pas de la déshumanisation que cette évolution induit.

Ceci est un premier jet, on pourrait encore disserter sur d’autres éléments de dysfonctionnements, en partie dus à la vétusté du hardware et du « software de base » qui équipe la Justice, auquel le RCPP est évidemment lié.

8. Suggestions

  • Mettre à la disposition des associations et des services d’aide aux familles des personnes ressources aptes à donner des formations sur la procédure, voire même organiser ces formations dans les justices de paix.
  • Prévoir une zone de test sur la plateforme.
  • Diffuser une newsletter aux administrateurs familiaux, aux personnes de confiance et aux professionnels du terrain (associations de personnes en situation de handicap, …) pour les prévenir de toute modification (nouveau document, nouvelle ressource, nouvelle procédure…). Il est même techniquement possible d’envoyer des notifications selon le profil de la personne concernée.
  • Prévoir la possibilité de communiquer « à l’ancienne » (documents papier). C’est le prix à payer pour respecter la philosophie de la Convention ONU et de la loi de 2013 afin de rester accessible à tous.
  • Offrir l’information en FALC